Des causes linguistiques en quête d’appuis

Partagez
Tweetez
Envoyez

Publié 09/12/2008 par Gérard Lévesque

Le temps des Fêtes est une période où l’on est davantage sollicité. En plus des campagnes de fonds pour aider à financer les solutions à nos problèmes corporels (les maladies du cœur, le diabète, l’arthrite, la cécité, le cancer …), il y a entre autres les paniers de Noël en faveur des démunis, les Mères et Pères Noël de l’Armée du salut et la guignolée. Je vous présente tout de même quelques causes linguistiques en quête d’appuis, espérant qu’il sera tout de même possible à quelques-uns d’entre vous d’appuyer ces démarches de revendication des droits linguistiques de nos cousins de l’Alberta.

Depuis mon admission au Barreau de l’Alberta en 2005, je fais à chaque mois la navette entre l’Ontario et l’Ouest canadien. L’Alberta m’apparait être la pire des provinces pour ce qui est du respect des droits linguistiques. Et puisqu’il y a quelques irréductibles qui osent insister à parler en français devant le prétoire, il n’est donc pas surprenant de voir un certain nombre de causes linguistiques monopoliser le temps des juges. Ces causes coûtent cher en déboursés et …même en honoraires puisque les avocats, qu’ils gagnent ou perdent les arguments qu’ils présentent au nom de leurs clients, ont tendance à insister à être rémunérés pour leur travail. Alors que la partie gouvernementale n’a aucun problème de liquidité puisqu’elle s’appuie sur un fonds qu’elle estime inépuisable, en l’occurrence l’argent des contribuables, ce n’est pas le cas de la partie citoyenne qui, elle, a de réels problèmes de liquidité.

Que faire pour aider au financement des causes linguistiques nécessaires à l’évolution linguistique de cette province ? Devant l’urgence d’agir, j’ai pris l’initiative d’accepter en fiducie des fonds qui pourraient servir à ces causes. Je vous invite à visiter www.DocumentationCapitale.ca afin d’en apprendre davantage sur le Fonds d’accès à la justice en français en Alberta.

Les contributions seront versées dans le compte en fiducie de mon cabinet afin d’aider au financement des causes linguistiques de justiciables qui revendiquent le droit de parler français devant les tribunaux de l’Alberta. Un de ces cas est celui d’un Gilles Caron que je représente dans un dossier qui sera entendu prochainement en Cour d’appel de l’Alberta; son mémoire doit être déposé au greffe du tribunal au plus tard le 15 décembre prochain. Comme cette cause est peu connue malgré le fait qu’elle soit rendue à l’étape du plus haut tribunal de cette province, je vous la résume.

Gilles Caron avait déposé une plainte pour discrimination linguistique dans son ancien milieu de travail où il était employé comme manœuvre à la Ville d’Edmonton. Le directeur de la Commission albertaine des droits de la personne a rejeté sa plainte et Gilles a demandé une révision judiciaire de ce rejet.

Publicité

Le directeur de la Commission et la Ville d’Edmonton ont reconnu que Gilles Caron a droit à un interprète mais ils ont pris comme position qu’il devait payer pour ce service lui-même s’il veut l’utiliser. Le 14 septembre 2007, la juge J.B. Veit, de la Cour du Banc de la Reine de l’Alberta a rendu une décision favorable à Gilles Caron: elle a sommé le gouvernement de l’Alberta de payer les services d’un interprète pour l’audition d’une révision judiciaire «puisque M. Caron a le droit constitutionnel de s’exprimer en français au cours de l’audience, il est nécessaire d’avoir une transcription officielle de ses prétentions».

À mon avis, le droit à utiliser le français n’est pas un droit à l’interprète sinon c’est réduire notre langue au rang d’un dialecte non reconnu devant le tribunal. Le droit à utiliser le français devant le tribunal est le droit d’être compris en français par le juge et cela sans interprète. Dans sa responsabilité constitutionnelle de voir à la bonne administration de la justice, l’Alberta a l’obligation d’avoir des règlements, des procédures, des politiques et des formulaires (ce qu’elle n’a pas) pour favoriser l’exercice des droits linguistiques et de fournir un interprète non pas pour le juge mais pour une partie qui pourrait ne pas comprendre la langue utilisée par une partie.

Ce qui est surprenant, c’est que, même si la décision de la juge Veit représente une interprétation trop restrictive du droit au français, cette ordonnance a été tout de même été portée en appel par la Commission albertaine des droits de la personne. Dans cette cause, devant un gouvernement qui dispose d’une quantité impressionnante d’avocats, Gilles Caron se représentait seul jusqu’ici. Pour l’étape de la Cour d’appel de l’Alberta, il sera utile qu’un juriste vienne appuyer son militantisme. Il y a quelques jours, j’ai accepté d’emporter à Edmonton ma toge et…quelques arguments.

Auteur

  • Gérard Lévesque

    Avocat et notaire depuis 1988, ex-directeur général de l'Association des juristes d'expression française de l'Ontario. Souvent impliqué dans des causes portant sur les droits linguistiques. Correspondant de l-express.ca, votre destination pour profiter au maximum de Toronto.

Partagez
Tweetez
Envoyez
Publicité

Pour la meilleur expérience sur ce site, veuillez activer Javascript dans votre navigateur