Volga, tu es aussi vaste que la mer
Quand au printemps fond la glace de l’hiver
Chantant l’espace russe infini
Volant sur l’eau, un air jaillit
Oï po nad Volgoï
(Chanson populaire russe)
Publié 29/08/2006 par Magdaline Boutros
Volga, tu es aussi vaste que la mer
Quand au printemps fond la glace de l’hiver
Chantant l’espace russe infini
Volant sur l’eau, un air jaillit
Oï po nad Volgoï
(Chanson populaire russe)
Plus long fleuve d’Europe, la Volga semble être à l’image de la grandeur de la Russie. En se laissant guider par ses flots, on est saisi par un sentiment d’immensité. Tant la majesté du territoire russe que la fierté de son peuple et la démesure de ses dirigeants frappent. Loin du capharnaüm de Moscou et des façades léchées de Saint-Pétersbourg, on découvre une Russie authentique et figée dans le temps. Voguant de village en village, on pénètre au coeur du plus grand pays du monde, où les izbas en bois et les dômes colorés des innombrables églises orthodoxes deviennent le plus beau des spectacles.
Relier St-Pétersbourg à Moscou par voie fluviale, c’est le rêve inassouvi de Pierre le Grand. Un chemin sûr et peu coûteux, croyait-il, pour unir les possessions russes de la mer Baltique au coeur même de la Russie. Mais ce n’est que 200 ans plus tard, sous le règne de fer de Staline, que les premiers coups de pioche se feront entendre; gracieuseté du travail forcé de milliers de prisonniers politiques.
Par ce projet aux allures surréelles, des centaines de kilomètres de canaux seront creusés, des milliers de kilomètres carrés de terres seront inondés et quelque 700 villages seront rayés de la carte. De la mer Noire à la mer Baltique, la Russie sera désormais reliée par un immense réseau de fleuves, lacs et canaux.
Aujourd’hui, des milliers de touristes empruntent chaque année la route pour un séjour enchanteur par delà la Volga, ses canaux, ses affluents et ses majestueuses écluses jusqu’en Carélie, avant de redescendre vers la Baltique par la Neva.
Plusieurs compagnies offrent la liaison Moscou-St-Pétersbourg (ou l’inverse) pour des croisières allant de 8 à 14 jours. À la mi-juillet, j’embarque sur le Radishev de la compagnie Vodohod pour un séjour de 8 jours au départ de Moscou. Une des meilleures façons de découvrir «l’autre» Russie, celle des espaces vierges et des retours dans le temps, tout en ayant la possibilité de séjourner dans les deux métropoles russes.
Le départ se fait de la gare maritime Nord de Moscou, de style stalinien et bâtie en forme de proue en béton, garnit de superbes vitraux de l’ère soviétique. Après un rapide tour guidé de Moscou et de sa fameuse Place Rouge, notre bateau nous amène à une vitesse de 26 km/h à l’abri de la cacophonie moscovite. Au fil d’écluses parfois vertigineuses commence alors une douce épopée qui nous fera parcourir plus de 1000 ans d’histoire.
Première étape: Ouglitch. Joyau de la Sainte-Russie, Ouglitch est avant tout reconnu pour son architecture religieuse du XVIIe siècle. Juché sur un coude de la Volga, son kremlin semble nous apostropher alors que l’on atteint notre vingtième heure sur les eaux. C’est ici que Dimitri, hériter du trône russe en sa qualité de fils d’Ivan IV, fut assassiné sous l’ordre de Boris Godounov. Événement triste, certes, mais qui fit rapidement la «marque de commerce» du petit village.
Ses habitants érigèrent une église, Saint-Dimitri-sur-le-Sang, à l’endroit même où eut lieu l’assassinat du jeune prince. Ses magnifiques coupoles bleutées parées d’étoiles ainsi que ses fresques, racontant l’assassinat de Dimitri, en font un arrêt obligé. Le tour guidé se limite à l’architecture religieuse, mais les charmes d’Ouglitch dépassent largement les murs de son kremlin. Il ne faut pas hésiter à aller se perdre dans les petites rues, où trônent encore de magnifiques maisons en bois du XVIIIe siècle. Revenez ensuite vers le port par la promenade du bord de l’eau, qui offre une vue englobant le kremlin, ses églises et la Volga.
Retour à bord pour traverser le gigantesque réservoir Rybinsk. On se croirait en pleine mer! Le lendemain, l’ancre est jetée à Goritsy, d’où un autobus nous amène à l’intérieur des terres, au monastère Saint-Cyrille-du-Lac-Blanc. On y découvre un paysage bien loin du tissu urbanisé et moderne de Moscou. Les constructions se résument à de petites datchas de bois, les supermarchés à des jardins sis à côté de chaque maison et l’agriculture industrielle à la faux et au cheval! Un bain d’authenticité qui nous amène jusqu’à Kirillov.
On découvre alors Saint-Cyrille-du-Lac-Blanc, un monastère de 12 hectares fondé en 1397 et comprenant 12 églises. Le tout est admirablement conservé en dépit de carences évidentes de restauration. Deux moines y demeurent encore aujourd’hui. Mais à son apogée, au XVIIIe siècle, il comptait près de 200 locataires. Un musée rassemble une des plus belles collections d’icônes de la Russie ainsi que plusieurs artefacts religieux, dont un rare crucifix de Jésus attaché par quatre clous de même qu’un unique portrait de Dieu portant la barbe et tenant sur ses genoux son fils. Ici encore, l’histoire de la famille royale russe nous rattrape. En 1528, le grand prince Vasily III et la princesse Helen Glinskaya viennent y prier pour que Dieu leur accorde un fils. Quelques mois plus tard, la Providence leur envoie un garçon, que l’on connaîtra plus tard sous le nom d’Ivan le Terrible.
De retour à bord, on se dirige ensuite vers la plus belle étape du voyage: Kiji. Après la longue traversée, parfois turbulente, du Lac Onega, on atteint la République de Carélie, le point le plus nordique de notre périple. Le bateau négocie quelques tournants plus difficiles pour contourner les îles de plus en plus nombreuses, puis, soudain, les premiers dômes de l’église de la Transfiguration déchirent l’horizon.
L’arrivée en bateau offre la plus belle vue de l’île et de son église, véritable exploit architectural. Construite en 1714 et formée de 22 bulbes, elle a été bâtie par un assemblage savamment organisé de lattes de sapin… sans l’utilisation d’un seul clou! Peu importe l’endroit d’où on la regarde, l’église de la Transfiguration offre toujours la même perspective. La légende y voit un désir d’égalité entre tous les habitants du village. Plutôt que d’être destinée à l’éternité, l’église de la Transfiguration semble être dédiée aux hommes.
Depuis 1960, plusieurs constructions en bois de la région ont été regroupées sur l’île, autour de l’église de la Transfiguration, pour former un musée en plein air. Le tour guidé, d’une durée d’environ 2 heures, nous fait découvrir chapelle, bagna (sauna russe) et datcha dans un mélange d’influences russe et nordique. Mais pour saisir toute la beauté de «la perle de la Carélie», il faut s’aventurer dans la partie nord de l’île, en suivant les chemins sinueux qui nous transportent, à travers prés et collines, vers le minuscule hameau de Kiji. Lovées au pied d’une colline et bercées par les eaux, de vieilles maisons semblent s’y reposer dans une atmosphère de calme absolu.
C’est à regret que l’on quitte Kiji, se rapprochant de plus en plus de notre point d’arrivée. Une dernière étape au programme: la décevante Mandrogi. Entièrement détruite pendant la Deuxième Guerre mondiale, Mandrogi a été reconstruite à partir de 1996 pour accueillir les bateaux de croisière entre Kiji et St-Pétersbourg. Un village construit uniquement pour les touristes, avec sa dose bien sentie d’artificialité. Ce que l’on appelle ici «musées» de la vodka et de l’artisanat ne sont en fait que des boutiques où les prix sont les moins concurrentiels de toute la Russie.
Après une dernière nuit à bord, nous accostons le lendemain matin à Saint-Pétersbourg. Comme à Moscou, un tour guidé de la ville nous est proposé, comprenant notamment une visite du musée de L’Ermitage. Le mieux demeure toutefois de prolonger le voyage pour prendre le temps de découvrir tranquillement les deux capitales russes qui méritent clairement, à elles seules, plusieurs jours.
Au-delà des arrêts proposés tout au long du parcours, c’est d’abord et avant tout une fantastique sérénité qu’offre la traversée des terres russes au fil de l’eau. En été, l’obscurité ne se fait jamais complètement et les nuits blanches procurent un rapport différent au quotidien. Pour les passagers perchés sur le pont du navire, les interminables couchers de soleil sur les rives aussi immaculées que calmes donnent à l’aventure une touche magique.
Pour rejoindre la compagnie Vodohod: www.vodohod.ru
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