On m’a souvent dit – accusé? – d’avoir «l’esprit d’enfance». Oui. C’est vrai pour les histoires. J’ai gardé le goût de l’intrigue qui crée le suspense, des obstacles que les héros ou les héroïnes doivent surmonter, des manigances de ceux qui les aident ou les trahissent.
J’ai toujours eu la passion des contes de mon enfance, comme des romans de cape et d’épée de mon adolescence. Même des bandes dessinées des Pieds Nickelés et de Bibi Fricotin! Il fallait que ça bouge et que la fin surprenne. Qu’elle soit «théâtrale», bon dieu! Au théâtre ou dans le roman, on appelait ça une intrigue «bien ficelée». Aujourd’hui, non seulement il n’y a plus de ficelle mais aussi plus d’intrigue.
Le «nouveau roman» nous a apporté des descriptions aussi interminables qu’insipides et des personnages ennuyeux à mourir. Le théâtre contemporain a suivi. Un de mes premiers chocs a été En attendant Godot, qui n’est jamais venu. C’était l’apologie de l’absence, de la négation du personnage, de l’action. Le silence scénique et des dialogues absurdes tenaient lieu d’intrigue.
C’était la fin d’une époque où l’on avait osé jouer un jeu auquel les spectateurs pouvaient participer sans avoir à faire de métaphysique. D’aucuns ont crié au scandale. On s’est même battu dans la salle de spectacle. La pub était assurée pour Beckett. On lui a attribué le génie et un prix Nobel de littérature. Depuis personne n’oserait jamais dire que ce théâtre-là nous a drôlement fait suer. Ça ne serait pas intellectuel.
Je remuais ces tristes pensées, un récent lundi soir où le Théâtre français de Toronto présentait, en lecture, une pièce d’un auteur résident. C’est l’histoire d’un Don Quichotte, qui voit Toronto en Don Quichotte. Il y a des moments fort drôles. L’écriture est intéressante. La mise en scène excellente. Les acteurs superbes, comme presque toujours dans la courageuse troupe de Guy Mignault.