De la normalité et de l’anormalité

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Publié 29/06/2010 par Jean-Luc Bonspiel

«Depuis toujours tous les humains sont par nature égaux, et notre servitude
est l’invention de gens méchants. Car si Dieu avait voulu le servage, Il l’aurait décrété.»
− John Ball, vers 1381

Il y a plus de deux millénaires, la ville de Sparte n’avait d’autres murs que les corps de ses citoyens réunis en levée, chacun responsable envers ses pairs de la défense commune la Cité. Pour leurs esclaves, le port d’armes menait impitoyablement à une sentence de mort. Plus typiquement, le maintien de la paix a historiquement été confié à des corps sans cesse plus organisés, ancêtres de nos services policiers.

Les révoltes paysannes et autres jacqueries du Moyen-âge ont rappelé aux régnants que leurs troupes militaires répondaient mal aux défis présentés par des troubles civils. C’est Louis XIV qui créa le poste de lieutenant général de la police en 1667, mais il fallut attendre Robert Peel et sa police métropolitaine de Londres, en 1829, pour qu’advienne le modèle que nous reconnaissons de nos jours.

La police de Toronto fut fondée en 1834, mais il s’agissait alors d’une force mercenaire au service de factions politiques qui a vu tous ses membres être congédiés pour corruption et inconduite en 1859. Aujourd’hui, le policier en patrouille répond à entre un et deux appels par quart de travail.

On est loin de la propagande que les médias nous ont de tout temps servie et de ces constables de fiction qui sauvent veuves, orphelins, et animaux en détresse à de multiples reprises au cours d’une émission d’une heure.

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Qui dit vrai?

Lorsque prise en défaut, la police nie systématiquement toute responsabilité, ce qui est nécessairement contraire à la vérité. Il est en effet impossible d’être absolument parfait et nous le comprenons instinctivement.

Dans la mesure où de nombreux individus non-policiers admettent leur culpabilité devant les tribunaux, on peut déduire que le policier aura statistiquement toujours plus tendance à mentir que le citoyen moyen.

Cela nous renseigne sur la méthodologie et sur l’éthique policière. Toute tactique est bonne au gendarme pour arriver à ses fins. C’est aussi le chemin qui mène à une acceptation muette de la brutalité policière, de la détention illégale, et de la torture.

Christiania

Christiania est une micro-nation d’une superficie de moins d’un kilomètre carré au coeur de la capitale danoise de Copenhague. Les habitants du lieu ont simplement décidé d’occuper un site militaire désaffecté et d’y décréter leur volonté de vivre dans une société sans maîtres.

Car Christiania est un des plus brillants exemples d’un territoire sans gouvernants, sans police, et sans armée. Tous ont voix au chapitre, tous sont impliqués dans les décisions et tous ont la responsabilité lourde et personnelle de faire de leur mieux pour créer un monde meilleur.

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Gouverner par décret

Pendant ce temps, quelques-uns de nos droits les plus fondamentaux, ceux à l’anonymat et au refus de fouilles abusives et déraisonnables nous ont été retirés par un décret du cabinet d’un gouvernement minoritaire. C’est comme s’ils mettaient notre tolérance à l’épreuve. Je les imagine autour d’une immense table de conférence dans un bunker souterrain, inventant des humiliations sans cesse plus absurdes et improbables pour briser notre volonté.

Dans une orgie de dépenses inutiles sans précédent, le régime Harper a transformé la Ville Reine en camp armé pour recevoir les chefs d’État du G20, encombrant les rues de mon quartier du plus grand rassemblement de policiers depuis qu’ils ont déplacé la parade de Caribana.

J’ai moi-même vu ces braves agents tolérer des fêtards se vider la vessie contre des véhicules stationnés (à la vue de tous) et des automobilistes coupant allègrement des piétons dans une course folle pour arriver au prochain feu rouge. Les bons constables n’ont pas bronché.

La motivation réelle?

Aucun travailleur qui exerce un métier productif n’alourdirait son coffre ou sa ceinture d’un outil dont il ne se sert jamais. Pourtant, la vaste majorité des policiers ne tireront jamais un seul coup de feu dans l’exercice de leurs fonctions (à l’extérieur d’une salle de tir). Comment expliquer cette dissonance, sinon en concluant tout à fait logiquement que l’arme de service d’un policier n’est pas un outil mais un symbole. Sinon pourquoi les rendre si visibles?

La même chose est vraie pour les vestes anti-balles. Y a-t-il une épidémie de flics prenant des prunes dans la peau? Bien sur que non. Alors ces vestes, qui sont aussi très visibles – grosses et encombrantes – ne servent qu’à gonfler certains agents appartenant à des groupes autrefois rejetés à la sélection pour leur manque d’aspect terrifiant. C’est aussi expliquer la raison d’être de la police.

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Loups ou moutons?

La monstrueuse orgie de provocation et de harcèlement policier à laquelle nous avons été soumis dernièrement a causé de la rancune chez une population d’ordinaire obéissante et servile. Nous nous sommes collectivement fait mettre une botte sur la tête, traités en ennemis et en criminels pour avoir osé respirer le même air que nos maîtres et seigneurs.

La question est de savoir si nous sommes un troupeau ou une meute. Les individus qui forment le troupeau sont indifférenciés dans leur insignifiance; les membres de la meute ont chacun leur place et des fonctions distinctes dans l’ensemble social.

Nous pouvons collectivement nous débarrasser des compulsions irrationnelles les plus profondément enracinées – l’abandon quasi universel de la messe chez les Catholiques n’est qu’un exemple encourageant de cette tendance du cerveau primate à le remporter sur le cerveau reptilien.

Nous pouvons nous libérer de la crainte de l’autre qui est à la base du pouvoir de ceux qui manipulent notre terreur. Nous pouvons refuser l’isolement affreux d’un futur où tous nos contacts seront virtuels et que le moindre de nos gestes sera tarifé. Nous devons nous libérer des pièges sans cesse plus nombreux que nous tendent des autorités illégitimes.

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