Les rayons du soleil transpercent la fenêtre de la chambre de Naïma, qu’elle partage avec les trois fils de son oncle. Dorénavant elle vit avec lui, sa femme Amina, et leurs petits garçons. Très loin de Quetta, sa ville natale, au sud du Pakistan, proche de la frontière afghane.
Sa mère est morte sur un chemin miné. Elle ne connait pas son père. Son oncle Mushtaq l’a parrainée. Il doit faire chaud comme au pays, pense Naïma dès son réveil, en observant le paysage blanc sur fond d’un ciel azuré sans nuages. Elle est arrivée la veille à Toronto; un long périple depuis sa contrée montagneuse. On l’avait si bien emmitouflée la nuit dernière que Naïma n’avait pas eu le temps, quasiment endormie, de ressentir le froid glacial de janvier.
La famille de Mushtaq habite un appartement au sommet d’un gigantesque immeuble, à l’image d’une tour selon Naïma, encerclée d’autres tours. De nombreux Pakistanais circulent dans le quartier mais aussi des Afghans. Toutes les femmes portent le hidjab, le niqab ou le tchador. Naïma se réconforte en regardant ces femmes qui lui ressemblent.
Amina propose de l’amener au marché Iqbal Halal Foods, voisin du centre islamique Masjid Dar Us Salaam, lieux prisés par la population majoritairement musulmane vivant dans le secteur East York de Toronto. Naïma est sortie pieds nus dans ses babouches en caoutchouc – comme sa tante – avec un manteau par-dessus leurs shalwar kameez en coton brodé. Un premier contact brutal avec notre soleil d’hiver radieux; il fait moins 22 degrés Celsius.
Heureusement il y a le marché! Les étals de produits typiques du Pakistan réjouissent Naïma: kébabs, légumes, lentilles, riz, galettes de blé, chappattis, tchae, gousses de cardamome noire, graines de cumin, noix de muscade en poudre, grains de poivre noir, clous de girofle et bâtons de cannelle. Elle ferme les yeux. Les multiples arômes familiers la transportent en pensée au pays qu’elle a quitté, sa mère, ses cousines… Quelques doux souvenirs mélangés de crainte face à l’extérieur inconnu.