Désamorcer d’autres bombes humaines à retardement

L'avenue Danforth se remet de ses blessures

Mardi, la fontaine de la place Alexandre le Grand, au coin nord-est de Logan et Danforth, où la fusillade a commencé dimanche soir. (Photos: Mathieu Guilleminot)
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Publié 24/07/2018 par François Bergeron

J’habite juste au Sud du quartier grec, dans «Leslieville». Dimanche soir, j’étais chez des amis près de Logan et Gerrard.

Ma fille avait rendez-vous avec des amis à Logan et Danforth à 22h, mais l’un d’eux était en retard: les policiers sont arrivés sur la scène de la fusillade en même temps que cet ami de ma fille, dont le petit groupe a dû rebrousser chemin et «chiller» dans le parc Whitrow au lieu de se promener sur Danforth.

Pas plus tard que le dimanche précédent, je dînais avec des amis à la terrasse d’un restaurant grec de la rue Danforth à deux pas de la station de métro Chester, qui a été fermée dimanche soir et lundi pendant que la police menait son enquête.

Un malade mental comme Faisal Hussain, qui a tué une étudiante de 18 ans et une fillette de 10 ans, et qui a blessé 13 personnes sur la rue ou dans des restaurants avant d’être abattu par la police *, aurait pu exploser n’importe où.

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Cela pourrait survenir encore plus près de chez moi, ou plus loin, comme le 23 avril sur la rue Yonge à North York (10 morts et 16 blessés frappés par le camion-bélier d’Alex Minassian, un autre dépressif), ou le 14 juin dans un terrain de jeu de Scarborough (deux fillettes blessées dans un échange de tirs entre gangs de rue).

Tout simplement parce que la population de la métropole, comme celle du pays, continue d’augmenter et de se diversifier, il y aura aussi un plus grand nombre de personnes instables pouvant poser des gestes aux conséquences catastrophiques. Et bien sûr un plus grand nombre de criminels – alors que le nombre de jours dans l’année, lui, reste fixe…

Malgré une légère remontée du taux de criminalité dans plusieurs catégories ces deux ou trois dernières années (après des décennies de diminution), et un record de plus de 220 fusillades ayant fait une trentaine de morts depuis le début de l’année, Toronto reste l’une des grandes villes les plus sécuritaires du continent.

Le maire John Tory l’a cependant reconnu: les armes à feu y prolifèrent. Apparemment, une bonne production locale (illégale) supplanterait désormais l’importation d’armes des États-Unis. Nos trois niveaux de gouvernement ont renouvelé leur promesse de s’attaquer à ce problème.

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Comment Faisal Hussain s’est-il procuré son révolver? Cette question devient aussi importante que celles qui entourent ses motivations, maintenant qu’on a écarté les pistes traditionnelles du crime organisé, des gangs de rue ou du terrorisme **.

Le gouvernement Harper avait éliminé le registre national des armes à feu et relaxé certains contrôles (resserrés récemment sous Trudeau), mais le registre créé par Chrétien avait été discrédité par ses dépassements de coûts inexplicables, 1 milliard $ pour une simple banque de données estimée initialement à 2 millions $, et par l’insouciance des forces policières qui ne conservaient pas les copies de preuves d’achat d’armes que leur envoyaient les marchands, tel que mandaté par l’ancienne loi.

Après chaque fusillade chez nous fusent des appels à l’interdiction de toutes les armes à feu, ou des armes de poing et d’assaut, ou en ville… Nos lois sont cependant déjà restrictives: il y a des délais, des recherches sur chaque demandeur de permis, des motifs d’exclusion, des armes prohibées, il faut suivre un cours, entreposer et transporter ses armes de façon sécuritaire, etc.

Depuis quelques années qu’on s’efforce de faire tomber les tabous entourant la santé mentale, il devient de plus en plus urgent que nos gouvernements et institutions publiques coordonnent leurs efforts pour ajouter et améliorer les ressources dans ce domaine, afin de désamorcer les autres bombes humaines à retardement que sont les gens seuls et désemparés dans notre monde de plus en plus complexe.

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* La police n’a pas encore confirmé si le tueur a été abattu ou s’il s’est ôté la vie. Mais tout, y compris ce délai, porte à croire qu’il a été atteint de tirs de la police.

** Des médias européens rapportent que l’État islamique a revendiqué l’attentat de Toronto, mais ces déclarations ne sont pas toujours crédibles. On verra ce que la police trouvera chez Faisal Hussain.

Auteur

  • François Bergeron

    Rédacteur en chef de l-express.ca. Plus de 40 ans d'expérience en journalisme et en édition de médias papier et web, en français et en anglais. Formation en sciences-politiques. Intéressé à toute l'actualité et aux grands enjeux modernes.

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