CPI: un chef de guerre congolais coupable d’avoir enrôlé des enfants-soldats

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Publié 14/03/2012 par Mike Corder (The Associated Press)

à 16h40 HAE, le 14 mars 2012.

LA HAYE, Pays-Bas – Dix ans après sa création, la Cour pénale internationale (CPI) a rendu mercredi un premier jugement historique: l’ex-chef de guerre Thomas Lubanga a été reconnu coupable d’avoir enrôlé et fait combattre des enfants-soldats dans les rangs de sa milice en Ituri, dans le nord-est de la République démocratique du Congo (RDC).

Thomas Lubanga, 52 ans, n’a pas réagi à la lecture du verdict par le président du tribunal, Adrian Fulford. Mais en quittant la salle, escorté par ses gardiens, il a souri et salué ses partisans dans la galerie du public.

L’ancien président de l’Union des patriotes congolais (UPC) risque la prison à perpétuité. Sa peine doit être fixée lors d’une audience distincte dont la date reste à déterminer.

Arrêté en 2006, Lubanga était jugé depuis 2009 pour avoir enrôlé des enfants-soldats lors de la sanglante guerre civile qui a secoué l’Ituri en 2002-2003.

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Ce jugement intervient au terme du premier procès pour crimes de guerre de la CPI portant exclusivement sur l’enrôlement d’enfants-soldats.

Les éléments de preuve «présentés par le procureur établissent au-delà de tout doute raisonnable que Thomas Lubanga Dyilo est coupable de conscription et d’enrôlement d’enfants de moins de 15 ans et de les avoir fait participer activement à des hostilités» du 1er septembre 2002 au 13 août 2003, a déclaré le président du tribunal.

Les trois juges ont reconnu à l’unanimité la culpabilité de Lubanga. Ils ont aussi reconnu qu’il avait «personnellement utilisé des enfants de moins de 15 ans comme gardes du corps».

Le conflit armé en Ituri a impliqué les Forces patriotiques pour la libération du Congo (FPLC), branche militaire de l’UPC à l’époque commandée par Lubanga, et d’autres groupes armés locaux, pour le contrôle du district et de ses richesses. Le conflit a été compliqué par l’implication d’armées étrangères.

Les juges n’ont pas épargné leurs critiques à l’égard des procureurs de la CPI, accusés de «négligence» pour avoir eu recours à des intermédiaires peu fiables afin de recueillir des témoignages en RDC. Leur dossier a notamment failli capoter à deux reprises en raison de leur échec à transmettre des preuves aux avocats de la défense.

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Amnistie internationale a pour sa part reproché à la CPI de ne pas avoir également inculpé Lubanga pour crimes et violences d’ordre sexuel, estimant que ce choix équivalait à «refuser justice et réparation pour un grand nombre d’autres victimes».

Malgré ses failles, ce premier procès de la CPI garde une forte portée symbolique, en envoyant un message clair aux armées et mouvements rebelles qui continuent d’embrigader des enfants pour les transformer en machines à tuer et en chair à canon.

Selon les estimations des Nations unies, les enfants-soldats seraient encore des dizaines de milliers à participer à des conflits en Afrique, en Asie et en Amérique latine.

«Ce verdict de culpabilité contre Lubanga est une mise en garde sévère aux chefs militaires du Congo et d’ailleurs: utiliser des enfants comme arme de guerre est un crime grave», a souligné Geraldine Mattioli-Zeltner, de Human Rights Watch.

«En cette ère de médias mondialisés, le verdict d’aujourd’hui attendra les seigneurs de la guerre et commandants dans le monde entier et aura un important pouvoir dissuasif», s’est réjouie la représentante spéciale de l’ONU pour les enfants dans les conflits armés, Radhika Coomaraswamy.

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Ce premier verdict marque aussi un point tournant pour la CPI, la première juridiction internationale permanente mise sur pied afin de poursuivre et juger les crimes de guerre et les crimes contre l’humanité. La CPI intente des poursuite à la place des États quand ceux-ci ne peuvent pas ou ne veulent pas juger les suspects.

Mais la question de son efficacité reste présente. La CPI n’a pas de force de police pour arrêter les suspects recherchés et ne peut lancer d’enquêtes que dans les 120 pays ayant ratifié le statut de Rome portant création de la CPI, ou si le Conseil de sécurité de l’ONU l’ordonne.

Une incapacité une nouvelle fois mise en lumière la semaine dernière avec le succès viral planétaire d’une vidéo postée sur Internet réclamant l’arrestation du rebelle ougandais Joseph Kony, chef de l’Armée de résistance du seigneur, un des mouvements rebelles les plus sanguinaires de la région. La CPI a émis un mandat d’arrêt contre lui en 2006, mais il est toujours en fuite.

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