Cour suprême: faire disparaître le cadavre d’un bébé reste illégal

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Publié 03/05/2013 par Stéphanie Marin (La Presse Canadienne)

à 11h38 HAE, le 3 mai 2013.

OTTAWA – Malgré les attentes, le cas d’une jeune femme accusée d’avoir camouflé le cadavre de son bébé n’a pas été pour la Cour suprême du Canada l’occasion de définir le moment où la vie humaine commence.

Dans un jugement 7-0 rendu vendredi, le plus haut tribunal du pays a déterminé que l’article du Code criminel qui interdit l’acte de faire disparaître un cadavre d’un nouveau-né est valide.

La Cour a déterminé qu’il n’est pas trop imprécis et qu’il s’applique aux enfants morts avant la naissance lorsque ceux-ci seraient «probablement nés vivants». Bref, l’article ne vise pas les femmes qui ont fait une fausse couche.

Même si la Cour a évité de s’avancer spécifiquement sur le terrain miné de l’avortement, il n’est pas exclu que certains tentent de se servir des conclusions de l’arrêt pour étayer leurs arguments sur le moment du début de la vie.

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La Cour n’était d’ailleurs pas saisie de cette question: avant l’audition, les parties étaient déjà d’avis que l’avortement n’était pas visé par la disposition du Code criminel en question.

Celle-ci a pour objectif de faciliter les enquêtes policières sur les morts d’enfants. Si le cadavre a été camouflé pendant une longue période, il sera bien plus ardu pour les forces policières et les médecins légistes de déterminer la cause et le moment du décès.

«Pour mener à une déclaration de culpabilité en application de l’article 243, il faut prouver que les ‘restes’ qu’on a fait disparaître étaient les restes d’un enfant. Dans les cas où la mort est survenue avant la naissance, le ministère a donc le fardeau de prouver que le foetus serait probablement né vivant», écrit le juge Morris Fish de la Cour suprême dans la décision rendue vendredi.

Ivana Levkovic avait été accusée en 2006 après que le corps décomposé d’un nouveau-né ait été retrouvé dans le logement qu’elle venait de quitter en banlieue de Toronto.

Elle avait expliqué à la police qu’elle était tombée, ce qui avait provoqué l’accouchement. Après, elle avait mis le bébé de sexe féminin dans un sac de plastique, puis l’avait abandonné sur le balcon. Le bébé était à terme, ou presque.

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Mme Levkovic a été accusée en vertu de l’article 243 du Code criminel qui établit qu’il est illégal de camoufler le cadavre d’un enfant «qu’il soit mort avant, pendant ou après la naissance».

Elle avait plaidé que l’article ne faisait pas clairement la distinction entre une naissance et une fausse couche et qu’il se peut qu’une femme ignore si elle a eu une fausse couche ou plutôt accouché d’un mort-né.

Ainsi, pour le juge du procès, la question en litige était de savoir si les mots «enfant mort avant (. . .) la naissance» sont trop imprécis.

Lorsqu’un article est trop vague, il est habituellement invalidé par les tribunaux: car les citoyens ne peuvent réellement savoir si l’acte qu’ils commettent est illégal ou pas.

Le juge du procès a statué qu’il n’était pas en mesure de déterminer un sens cohérent et non ambigu du terme «enfant» dans le contexte d’un décès qui survient «avant la naissance».

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Il a donc retranché le mot «avant», pour que l’article 243 se lise dorénavant «… que l’enfant soit mort pendant ou après la naissance…».

Et parce que le ministère public ne pouvait établir ni la cause ni le moment du décès — vu l’état de décomposition du cadavre — il a acquitté Mme Levkovic.

La Cour d’appel de l’Ontario a ensuite statué en 2010 que l’article 243 n’était pas imprécis au point d’être inconstitutionnel. Elle a accueilli l’appel, annulé l’acquittement et ordonné un nouveau procès.

La Cour suprême a confirmé qu’un nouveau procès doit être tenu.

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