Coups de cœur dans les oreilles

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Publié 19/12/2006 par Dominique Denis

On m’a parfois accusé – à tort! – d’être un brin trop verbeux dans mes bafouilles hebdomadaires, de me laisser aller à des élans de prose qui n’ont qu’un lien ténu avec l’objet de mes chroniques, bref, de voir en la pratique de l’écriture une fin en soi. Et quoi encore! Question de réfuter une fois pour toutes ces propos diffamants, c’est dans un souci de concision que je vous propose ce retour sur mes coups de cœur de 2006. Agrémentés d’un bouquin et d’une bonne bouteille, ils pourraient former un trio-cadeau irréprochable, et nettement plus abordable que ces satanés PS3…

Si vous êtes de ceux qui croient que les meilleures chansons sont celles qu’il convient d’écouter dans leur plus simple appareil, de préférence sous les doigts et dans la voix de leur créateur, et si vous avez ne serait-ce que de l’estime pour Pierre Flynn, alors ce Vol Solo (Audiogram) fera de vous un converti.

Seul au piano (et parfois à la guitare), face à un public qu’on sent attentif, Flynn conjugue son riche passé au présent. Redécouvrant Berlin, En cavale, Sauver ma vie et surtout Croire sous cet habillage-là, on constate que, passé ou présent, ces refrains-là sont d’une immense salubrité.

Il y a quelques mois, je suis tombé sur ce disque de Penny Lang au moment précis où je cherchais une bande-son à un quelconque chagrin, poussant le masochisme jusqu’à en offrir un exemplaire à ma tortionnaire.

À l’instar des meilleurs disques de blues, stone + sand + sea + sky (Borealis) nous offre à la fois la maladie et le remède. Avec le recul, je suis en mesure d’apprécier cet album pour ce qu’il est: une collection de chansons qui défient le temps et les modes. Pas étonnant qu’il se soit mérité le prix de l’album de l’année aux récents Canadian Folk Music Awards.

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Phénomène rare: un album de duos entre vedettes qui éclipse, plus souvent qu’autrement, les versions d’origine. Pour ses 20 ans de carrière, Luc de Larochellière s’est fait plaisir sur Voix croisées (Disques Victoire) en invitant Daniel Boucher, Michel Rivard, Pierre Flynn, Florent Vollant, Francis Cabrel et Laurence Jalbert, entre autres éminences, à revisiter son répertoire.

Sans oublier un certain M. Vigneault, qui transforme Si fragile en bouleversant dialogue trans-générationnel.

Le cirque du temps (Productions de l’Onde) aura été ma découverte de l’année en matière de chanson québécoise, ce qui revient à dire que j’avais loupé La rue des balivernes à sa sortie en 2001. Mais ce second album de Stéphane Côté, lui, ne m’a pas loupé, m’atteignant au cœur et au cortex avec ses douze chansons d’une intelligence rare, qui trouvent l’équilibre parfait entre la narration et la confession, entre le rêve et le souvenir.

Un travail d’orfèvre, d’autant plus réjouissant qu’il est servi par une voix chaude et attachante, dont on attend déjà les prochaines nouvelles.

Je n’ai toujours pas vu le film (ça viendra), mais en attendant, je me suis fait mon propre cinoche autour de Paris je t’aime (Universal Special Imports).

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Tant pour la musique superbement atmosphérique de Pierre Adenot, que pour la sublime chanson thème, chantée tour à tour en français et en anglais par une Leslie Feist dont il convient de rappeler les origines torontoises, on tient là un véritable espace sonore qui vous enveloppe et vous emmène là où le quotidien n’a rien de banal.

Qu’on y voie ou non une manifestation de foi, ces psaumes tirés de la liturgie anglicane du XIXe siècle agissent tel un baume pour nos âmes abîmées. Enregistré à l’église St-John’s d’Elora, en Ontario, Psalms For The Spirit (Naxos) privilégie le recueillement plutôt que la grandiloquence, même dans ses plus ambitieuses harmonies.

Tout comme les vitraux distillent la lumière, elle distille la convergence des voix du Choir of St-John’s en une expression immatérielle qui ne peut qu’émouvoir.

Je sais, j’ai abordé cet album il y a une semaine, mais ce n’est pas moi qui fixe les dates de parution. Multipliant ses bonheurs – et le nôtre – au gré de rencontres avec Bashung, Salvador, Maurane, Delon et, bien entendu, Dutronc, l’indémodable Françoise Hardy s’impose comme une grande duettiste sur Parenthèses (EMI Québec).

Mais la palme du Grand Frisson revient à Soleil, un rayon de folk mélancolique sur lequel se conjuguent à la perfection les voix – et les sensibilités – de Françoise et d’Alain Souchon.

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S’il était paru en 1956 chez Columbia ou Verve, on aurait vu en Don’t Look Back (Arbors) le genre d’album qui, à l’instar du légendaire Charlie Parker With Strings, réfutait l’idée selon laquelle le croisement de solistes jazz et d’orchestrations classiques était voué à l’échec. Mais en 2006, on ne peut qu’espérer que ce petit chef d’œuvre qui documente la rencontre entre le cornettiste américain Warren Vaché et le Scottish Ensemble puisse trouver le public qu’il mérite. Tant grâce aux orchestrations qu’au choix de répertoire (qui privilégie des thèmes rarement interprétées), le lyrisme de Vaché nous est ici servi sur un plateau d’argent.

Dans le même esprit que le disque précité, Désir (Effendi) nous livre une musique qu’on pourrait qualifier de fonctionnelle, et dont la fonction serait de fournir un environnement sonore propice à la séduction.

Que les excellents musiciens de l’étiquette montréalaise Effendi me pardonnent de réduire ainsi leurs compositions et improvisations à une espèce de viagra sonore, mais si c’est une façon pour le plus vaste public de découvrir l’écriture et les improvisations d’Alain Bédard, Rémi Bolduc, Frank Lozano et Cie, qui s’en plaindra?

J’ai quelque peu écorché Pierre Lapointe au lendemain de son passage au dernier Coup de cœur torontois (son narcissisme puéril m’était resté pris dans la gorge), mais il demeure que le très jeune auteur-compositeur québécois balaie toutes nos réserves dès qu’il se met à chanter.

Chacun l’attendait au virage du second album, et Pierre Lapointe n’a pas déçu: encore plus ambitieux dans son propos, ses mélodies et ses arrangements, La forêt des mal-aimés (Audiogram) emprunte au cabaret et à la variété française pour imposer une œuvre désormais incontournable.

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On le sait capable de dompter le répertoire virtuose de Wieniawski ou de défendre avec brio les concertos romantiques du XXe siècle, mais c’est chez Bach que le violoniste canadien James Ehnes me touche le plus.

Le volume 2 des Sonates pour violon et clavecin (Analekta), où l’on retrouve l’excellent claveciniste Luc Beauséjour, place les deux instruments sur un pied d’égalité, une perspective qui offre plus de profondeur à l’écoute. Et comme d’habitude, Ehnes fait chanter son instrument avec un alliage de grâce et de sobriété qui sert Bach à la perfection.

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