Coupe du monde féminine de football: plus médiatisée, toujours sous-payée

Dimanche, la France gagnait 2-1 contre le Brésil. Lundi, le Canada perdait 0-1 contre la Suède.

Si le football féminin se démocratise, le chemin vers l'égalité salariale entre footballeurs et footballeuses est encore long.
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Publié 27/06/2019 par Léa Giandomenico

Le 7 juillet, lorsque s’achèvera la Coupe du monde féminine de football qui se déroule en France, l’équipe victorieuse empochera 4 millions $. L’an dernier, l’équipe masculine de France remportait dix fois plus en Russie (38 millions $) lors de sa victoire. L’égalité salariale entre les hommes et les femmes reste un rude combat à mener dans le milieu du ballon rond.

Vers une plus grande légitimation 

Cette année, la médiatisation du football féminin semble nouvelle. Désormais, les gros matchs sont diffusés sur les chaînes principales, les bars les retransmettent, et de plus en plus d’adeptes s’y intéressent.

En octobre 2018, la FIFA lançait sa stratégie pour le développement du football féminin. Améliorer la participation et la valeur commerciale, ainsi que féminiser les instances, font partie des objectifs clés. En effet, la fédération internationale du football souhaiterait atteindre un seuil de 60 millions de pratiquantes dans le monde.

Encore très loin de l’égalité

Si la médiatisation du football féminin prend de plus en plus d’ampleur, la Coupe du monde qui se tient en ce moment en France suscite débat. En effet, les inégalités salariales entre les joueurs et les joueuses demeurent colossales.

Primes moins importantes, conditions d’entraînements moins bonnes que leurs homologues masculins: les équipes féminines ont de quoi revendiquer.

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L’équipe des États-Unis, tenante du titre de championnes du monde, revendiquait ses droits auprès de sa fédération le 8 mars dernier

Le 8 mars dernier, lors de la journée internationale des droits des femmes, l’équipe féminine des États-Unis, championne du monde en titre, a porté plainte contre sa fédération pour discrimination. Les joueuses accusent l’USSF (la Fédération) d’avoir échoué à promouvoir l’égalité des sexes, rapporte le quotidien d’actualité économique français Les Echos.

Un homme = 1673 femmes

Selon les chiffres d’une enquête annuelle réalisée par Sporting Intelligence, et citée par The Guardian, le salaire combiné de toutes les joueuses des sept ligues de football féminin parmi les mieux payées – 1673 footballeuses précisément – serait égal au salaire d’un seul joueur masculin: Neymar (36,7 millions d’euros pour la saison 2017-18 soit environ 54,7 millions de dollars canadiens).

Le footballeur brésilien Neymar, qui joue au Paris-Saint-Germain, est l’un des joueurs les mieux payés au monde

Créée en 1991, la Coupe du monde féminine arrive bien après l’organisation de la première Coupe du monde masculine, en 1928. De plus, la cérémonie du ballon d’or féminin a été instaurée pour la première fois en 2018, alors que la cérémonie masculine existe depuis 1956.

La Norvège pionnière

Depuis 2017, Ada Hegerberg, la Norvégienne tenante du titre du ballon d’or, fait la grève de la Coupe du monde pour protester contre ces inégalités.

La joueuse norvégienne Ada Hegerberg est détentrice du premier ballon d’or féminin (Photo : Guillaume Charton)

Chez les femmes, il n’existe pas de ligue professionnelle. La rémunération des joueuses dépend donc de leurs pays, comme l’explique le média public français France Info dans un article consacré au Mondial.

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La fédération norvégienne apparaît pionnière en matière d’égalités salariales. En 2017, un accord instaurant cette égalité était signé par les capitaines de sélections féminines et masculines. Une partie des recettes des commandites récoltées par l’équipe masculine a été reversée à la sélection féminine pour parvenir à ce résultat.

De plus, les joueurs ont eux-mêmes consenti à une baisse de leurs revenus annuels afin que les joueuses atteignent le même niveau de rémunération qu’eux.

«Dans l’avenir, le foot féminin aura autant d’importance que le masculin»

 

En Australie, l’égalité parfaite est encore loin d’être acquise. Pourtant, des progrès notables ont été effectués: une augmentation de salaire a été consentie en 2017 ainsi qu’un plan d’action lancé en 2019.

La France, encore loin en termes d’égalité salariale dans le football

En France, une joueuse de première division gagne en moyenne 2 500 € brut par mois (3 700 $ CAN) quand un joueur de Ligue 1 gagne près de 110 000 €, c’est-à-dire 164 000 $ CAN (selon les chiffres rapportés par le quotidien sportif L’Équipe en février dernier).

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En Italie, les joueuses ne disposent pas du statut professionnel et sont rémunérées 3 000 à 4 000 € (4400 à 5900 $ CAN) par mois. Interrogée par l’AFP en 2017, la gardienne de la Juventus de Turin, Laura Giuliani, expliquait: «Nous sommes encore des amateures, mais on tend vers le semi-professionnalisme, et à l’avenir vers le professionnalisme.»

Laura Giuliani, la gardienne de la Juventus de Turin, a bon espoir pour l’avenir du football féminin.

Marché moins lucratif

En cause dans cette inégalité salariale: le marché du foot féminin, bien moins lucratif que le foot masculin. Les salaires des joueurs sont déterminés par les revenus des clubs, eux-mêmes déterminés par les investissements que suscite ce sport. En définitive, plus un sport est médiatisé, plus le salaire des joueurs est élevé. Les commanditaires et droits de télévision jouent donc pour beaucoup.

En effet, la Coupe du monde masculine 2018 organisée au Brésil a rapporté 4,8 milliards $, alors que la Coupe du monde féminine organisée au Canada en 2015 n’avait rapporté que 300 millions $. Ce qui explique pourquoi les sommes reversées aux joueurs et aux joueuses sont inégales.

Pourtant, lors d’un colloque organisé à Paris en février dernier, Brigitte Henriques, vice-présidente de la fédération française, affirmait: «Très sincèrement, je préfère qu’on mène le combat de convaincre les partenaires de s’engager et faire le pari de l’économie du foot féminin. De faire en sorte que le sport féminin rapporte de l’argent pour enclencher ce cercle vertueux. Après, il n’y aura plus le souci d’égalité salariale.»

Brigitte Henriques, présidente de la ligue de football féminin.

Encore un long chemin à parcourir

Ruth Holdaway, directrice de l’association caritative Women in Sports, expliquait au Guardian: «Le sport féminin a une énorme valeur commerciale. Il s’agit de faire en sorte que les marques reconnaissent qu’elles peuvent exploiter le pouvoir du sport féminin. Il y’a une énorme demande du public, mais il s’agit d’exploiter ce marché.»

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Des progrès notables sont à souligner. La démarche vers la reconnaissance est en route. Ça prendra du temps.

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