Corruption: Québec savait que les coûts de construction étaient plus élevés à Montréal

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Publié 28/02/2013 par Lia Lévesque (La Presse Canadienne)

à 15h33 HNE, le 28 février 2013.

MONTRÉAL – Selon le directeur de l’approvisionnement à la Ville de Montréal de 2003 à 2006, Serge Pourreaux, le gouvernement du Québec était au courant des coûts de construction de 35 à 40 pour cent plus élevés à Montréal depuis une douzaine d’années et il a continué à financer les projets malgré tout.

Devant la Commission Charbonneau, jeudi, M. Pourreaux a relaté en avoir personnellement parlé à plusieurs cadres au ministère des Affaires municipales.

«Je disais ‘ça n’a pas de bon sens, vous financez les deux tiers, dans certains cas jusqu’à 80 pour cent des projets, et vous savez que ça coûte 35 ou 40 pour cent plus cher. Vous acceptez de financer un surcoût de 35 à 40 pour cent’?» a-t-il dit au directeur du ministère des Affaires municipales auquel il s’adressait.

«Et il m’a dit ‘nous, ce n’est pas notre rôle. Nous, on finance, le problème c’est la Ville qui a le problème. C’est un problème politique, ce n’est pas un problème au niveau du programme tripartite’» lui a répondu son interlocuteur.

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Par l’entremise du programme tripartite de financement des infrastructures, Québec distribuait également les fonds fédéraux, en plus de sa propre part, donc les deux tiers du financement des projets à Montréal, a-t-il expliqué.

À cause de Zampino

L’ancien directeur de l’approvisionnement a également attribué son départ, ainsi que ceux de l’ancien directeur général de la Ville Robert Abdallah et du directeur du Service des services administratifs Guy Hébert, à la résistance qu’ils ont rencontrée en voulant changer les choses à la Ville de Montréal. Et il a montré du doigt l’ancien président du comité exécutif, Frank Zampino.

M. Pourreaux a raconté ses deux années et demie de démarches pour «optimiser» les approvisionnements à Montréal, comme regrouper les achats avec les arrondissements, et pour améliorer les façons de faire dans le but de réduire les coûts de construction trop élevés.

Son plan d’optimisation, basé sur un rapport de 2004, devait permettre d’économiser de 45 à 50 millions $.

Il s’est buté à de la résistance du côté des arrondissements, par exemple, qui invoquaient leur autonomie et qui disaient privilégier l’achat local, a-t-il raconté. Et le service des travaux publics était également réticent, a-t-il dit.

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La démarche d’optimisation cheminait depuis deux ans et demi quand soudainement, il a appris le départ de Guy Hébert, qui avait soutenu la démarche à ses côtés.

Puis son successeur a informé M. Pourreaux que «ça ne marchera pas nous deux» et qu’il devrait en conséquence prendre sa retraite.

Collusion administrative

M. Pourreaux a tenté de rencontrer le directeur général Robert Abdallah pour obtenir des explications sur le fait que sa démarche d’optimisation avait été mise sur la glace, mais il n’a pu obtenir de rendez-vous. Il s’est fait dire que M. Abdallah ne s’occuperait plus de ce dossier, qu’il ne voulait plus en parler.

«Comme ils ne pouvaient pas arrêter la démarche, parce que c’était dans la machine, c’était officiel, ça avait été annoncé, la seule façon, c’était de déplacer les porteurs de dossier. Il y avait trois porteurs de dossier, M. Abdallah, M. Hébert et moi», a résumé M. Pourreaux.

La conclusion de M. Pourreaux est simple: «il n’y a pas grand monde qui peut tasser un directeur général dans une Ville. Il y a le maire ou le président du comité exécutif.» Et comme le maire Gérald Tremblay semblait se réjouir de sa démarche d’optimisation, il en conclut que c’est M. Zampino.

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M. Pourreaux parle d’une «collusion administrative et politique» qui a sévi à Montréal et qui a saboté ses efforts pour changer les choses.

Son plan d’optimisation était basé sur un rapport de 2004 qui avait été rédigé par quatre ingénieurs de l’externe et qui avaient conclu à des coûts de construction de 35 à 50 pour cent plus élevés et qui constatait un marché fermé à Montréal.

Et, selon lui, lorsqu’il a présenté son plan d’optimisation à un comité de suivi, basé sur ce rapport, l’ex-maire Tremblay était présent lors d’au moins une des réunions.

Il a relaté qu’après une présentation d’une heure et demie au sous-comité, il est allé à la salle de bain avec le maire Tremblay et que ce dernier était enthousiaste en apprenant que la Ville pourrait réaliser des économies de 45 à 50 millions $ en gérant mieux ses approvisionnements et en adoptant d’autres mesures d’optimisation.

Le dg se dit impuissant

À son tour, l’ancien directeur général de Montréal de 2006 à 2009, Claude Léger, a rapporté que dès son arrivée en poste, il a reçu le rapport du vérificateur interne Denis Savard soulignant que 56 pour cent des contrats étaient octroyés à quatre groupes d’entreprises.

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Il en a conclu qu’il pouvait apporter certains correctifs à l’interne, mais que d’autres faits évoquant le truquage d’offres ou la collusion «relevaient de la police» et dépassaient sa compétence. «Moi comme fonctionnaire, je ne me sentais pas très bien équipé pour faire face à ça», a-t-il témoigné.

Et assez vite, il a senti le poids du président du comité exécutif Frank Zampino. Il a relaté que le maire Tremblay lui a un jour dit «monsieur Léger, je m’occupe du quoi, et le comment c’est monsieur Zampino».

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