Corruption: l’ex-maire Gérald Tremblay affirme avoir alerté le chef de police

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Publié 25/04/2013 par Lia Lévesque (La Presse Canadienne)

25 avril 2013, 18h01

MONTRÉAL _ L’ex-maire de Montréal, Gérald Tremblay, affirme avoir raconté à l’ancien directeur du service de police de Montréal, Yvan Delorme, qu’il avait eu vent d’une tentative d’extorsion de 1 million $ par son directeur du financement Bernard Trépanier, mais que le chef de police lui aurait dit qu’il n’y avait pas matière à enquête.

Devant la Commission Charbonneau, jeudi, M. Tremblay a donné sa version de cette histoire qui avait été abordée partiellement par d’autres témoins.

M. Tremblay affirme qu’il avait d’abord reçu une information confidentielle émanant de Toronto, voulant que Bernard Trépanier, se présentant comme « un représentant officiel du maire », avait demandé une somme de 1 million $ à un promoteur de Smart Centers pour permettre le développement d’un projet commercial dans la Carrière Saint-Michel.

Outré, il a appelé lui-même le président de Smart Centers à Toronto pour rectifier la situation et lui dire qu’il n’avait rien à payer, que son projet était bon. Il a aussi appelé le représentant québécois de Smart Centers.

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Après confirmation, il a relaté « mot à mot » de l’histoire au président du comité exécutif, Frank Zampino, lui précisant qu’il congédiait sur-le-champ Bernard Trépanier, son organisateur de longue date et ami.

« Pour moi, le lien de confiance était rompu », justifie M. Tremblay.

Pas d’enquête policière

Le maire relate que Frank Zampino n’a posé qu’une question: « est-ce qu’à ta connaissance, il y a une enquête policière? » Le maire lui a répondu qu’à sa connaissance, il n’y en avait pas.

M. Tremblay n’a pas dit à M. Trépanier pourquoi il le congédiait, parce qu’il avait obtenu l’information sous le sceau de la confidentialité et qu’il voulait protéger sa source. « Je ne lui ai pas dit, pour ne pas qu’il y ait de menaces, d’intimidation et de répercussions sur quelqu’un qui m’a fait confiance, qui m’a dit des choses, des faits et de la vérité », a-t-il justifié.

Deux ou trois jours plus tard, le maire Tremblay rencontre Yvan Delorme, le directeur du service de police de l’époque, pour une réunion déjà planifiée. Il lui relate l’histoire.

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« J’ai conté cet événement-là à Yvan Delorme, mon chef de police, et Yvan Delorme m’a dit de façon très claire ‘Gérald, il n’y a pas eu d’acte de commis, donc il n’y a pas matière à enquête' », a raconté M. Tremblay.

Mais le maire n’en est pas resté là. « Je l’ai revu par la suite, et je lui ai répété encore: tu es certain qu’on ne peut rien faire? On ne peut pas faire une enquête? », a souligné le maire Tremblay, ajoutant qu’il ne voulait pas que la réputation de Montréal soit salie, mais il n’a pas obtenu de réponse différente du chef de police.

Trépanier toujours actif

Le directeur du service de police a quitté son poste en 2010, de façon prématurée. Son contrat venait d’être renouvelé et il était valide jusqu’en 2013. Après cinq années en poste, il a annoncé qu’il voulait prendre sa retraite.

Et bien que M. Tremblay ait congédié Bernard Trépanier en 2006, ce dernier est resté dans les parages en fréquentant les activités de financement du parti. Le maire a justifié sa présence par le fait qu’il ne pouvait l’en empêcher, puisque tout citoyen pouvait assister à un événement public et que M. Trépanier avait tissé maintes amitiés au fil des ans, à titre d’organisateur.

Il ignorait que son agent officiel, Marc Deschamps, avait continué d’émettre des certificats de solliciteur de fonds à Bernard Trépanier en 2007, 2008 et 2009, bien qu’il l’avait avisé qu’il l’avait congédié.

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Par sa porte-parole, le ministre de la Sécurité publique Stéphane Bergeron a affirmé que les allégations entourant la tentative d’extorsion étaient troublantes.

Il laisse le soin à l’Unité permanente anticorruption (UPAC) et la Sûreté du Québec, qui travaillent en collaboration avec la commission, de déterminer s’il y a matière à enquête, a affirmé Jacqueline Aubé.

3%

« Il n’y a jamais eu de trois pour cent à Union Montréal, c’est impossible, c’est impossible », avait lancé l’ex-maire de Montréal, Gérald Tremblay, jeudi matin, au début de son témoignage devant la Commission Charbonneau.

D’autres témoins devant la commission ont affirmé avoir dû verser une contribution équivalant à trois pour cent de la valeur de leurs contrats au parti du maire, Union Montréal. L’argent était toutefois versé à Bernard Trépanier, le responsable du financement du parti à l’époque, ont-ils témoigné.

Mais selon le maire Tremblay, c’était impossible, parce que le parti « n’avait pas besoin de ça », qu’il avait un agent officiel, que celui-ci faisait rapport aux autorités compétentes et que tout était en règle, a-t-il résumé.

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Quand la juge France Charbonneau lui a demandé sur quoi il se basait pour être aussi catégorique, surtout qu’il avouait ne s’être jamais occupé du financement, M. Tremblay a répondu qu’il se basait sur la confiance qu’il avait en l’intégrité de son agent officiel, Marc Deschamps.

Pas naïf ni aveugle

L’ex-maire a par ailleurs nié avoir fait de l’aveuglement volontaire devant les tractations qui avaient cours dans son entourage. « Je n’ai jamais fait d’aveuglement volontaire. Je ne suis pas naïf. Je ne suis pas une personne naïve. Je fais confiance », a-t-il corrigé.

La procureure chef de la commission, Me Sonia LeBel, lui a aussi demandé s’il se sentait responsable de ce qui arrive à la Ville de Montréal.

« Je suis imputable. Je suis responsable. Et j’ai admis que j’en assumais l’entière responsabilité. Si je me suis entouré de certaines personnes qui peuvent avoir trahi ma confiance, à ce moment-là j’en assume l’entière responsabilité. J’assume les choix que j’ai faits. Je suis entièrement responsable. Ce sont mes choix. Je ne blâme personne; c’est moi qui ai fait ces choix-là », a-t-il affirmé.

Ses débuts à la mairie

L’ex-maire de Montréal a relaté que c’est le politicien d’expérience Georges Bossé, représentant des maires de banlieues, qui lui a demandé de se lancer en politique municipale.

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Il a accepté, étant extrêmement préoccupé par la situation financière précaire de Montréal. « Montréal était une ville techniquement en faillite », a-t-il relaté. Et comme il s’était spécialisé en redressement d’entreprises, avant de se lancer en politique provinciale, il était stimulé par le défi.

C’est aussi M. Bossé qui lui a suggéré de rencontrer Frank Zampino, qui allait plus tard devenir président du comité exécutif.

M. Tremblay affirme avoir choisi M. Zampino comme président parce qu’il était comptable de profession, qu’il avait bien géré sa ville de Saint-Léonard, et que cela lui serait utile, compte tenu de la précarité des finances montréalaises.

« J’allais là pour sauver la Ville de Montréal; la Ville était en péril », a-t-il lancé.

Pour sa première élection en 2001, il a fait campagne « dans un Winnebago » et s’était donné l’objectif de serrer « 1000 mains par jour ». Il a été élu.

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« Je n’aurais jamais pu assumer la responsabilité de la mairie sans le concours de Frank Zampino et de Georges Bossé », a-t-il conclu. Eux avaient de l’expérience en politique municipale, pas lui, qui n’en avait qu’en politique provinciale, comme député et ministre.

Zampino

M. Tremblay a assuré que Frank Zampino ne l’a jamais mis au courant de ses liens d’amitié avec Rosaire Sauriol, vice-président de Dessau, et Tony Accurso, de Simard-Beaudry, Louisbourg et autres entreprises de construction _ un des principaux fournisseurs de la Ville. M. Zampino a admis ne jamais lui en avoir parlé.

Et s’il l’avait su? « Je l’aurais remplacé comme président du comité exécutif », a-t-il répondu à la juge Charbonneau.

« C’est une question de perception » et, en politique, les perceptions comptent beaucoup, a-t-il souligné.

Pour étayer ses dires, il a raconté que c’est justement pour une telle raison éthique qu’il a congédié l’ancien directeur général de la Ville, Robert Abdallah. Il avait reçu une information confidentielle voulant que M. Abdallah était « régulièrement » vu dans un restaurant du centre-ville avec l’entrepreneur Tony Accurso.

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Il lui a donc annoncé sur-le-champ que son contrat venait de prendre fin, mais ne lui a jamais dit pourquoi.

M. Tremblay a appris par les médias que son bras droit, Frank Zampino, était allé sur le yacht de Tony Accurso. En colère, puisque ce voyage avait eu lieu en plein processus du contrat des compteurs d’eau, auquel une entreprise de M. Accurso s’intéressait, M. Tremblay n’a pas voulu lui parler.

C’est son directeur de cabinet qui s’est informé de la véracité de cette information auprès de M. Zampino.

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