Corruption: l’ex-bras droit du maire de Montréal nie tout

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Publié 30/10/2012 par Lia Lévesque (La Presse Canadienne)

à 18h59 HAE, le 30 octobre 2012.

MONTRÉAL – Frank Zampino nie en bloc les allégations formulées lundi devant la Commission Charbonneau par Élio Pagliarulo, ancien ami et associé de l’entrepreneur en construction Paolo Catania. Il remet aussi en doute le travail accompli par la commission.

Par la bouche de son avocat, l’ancien président du Comité exécutif de la Ville de Montréal assure que jamais Paolo Catania ne lui a versé la moindre somme d’argent. La veille, Élio Pagliarulo soutenait que l’entrepreneur en construction lui avait dit avoir versé 300 000 $ en trois versements de 100 000 $ à Frank Zampino.

Le témoin a également déclaré lundi que la cuisine de la demeure de M. Zampino avait été rénovée aux frais des entreprises de Paolo Catania. La facture de ces travaux, selon Élio Pagliarulo, s’élevait à 250 000 $.

Frank Zampino assure que ces révélations sont archi-fausses. Il affirme en fait que sa cuisine n’a «jamais été rénovée par qui que ce soit, ni pour 250 000 $, ni pour 1 $».

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Dans un communiqué publié en début de soirée, mardi, l’avocat Claude-Armand Sheppard met en doute — au nom de son client — les propos tenus devant la Commission Charbonneau, qu’il qualifie d’«affirmations gratuites» n’ayant «manifestement pas fait l’objet de vérifications antérieures».

Frank Zampino et Paolo Catania ont été arrêtés par l’escouade Marteau en mai dernier. Ils font face à divers chefs d’accusation pour leur implication présumée dans la vente du Faubourg Contrecoeur.

Selon Me Sheppard, l’«épandage délibéré sur la place publique des affirmations fausses précitées» prive son client du droit à une défense pleine et entière et «constitue littéralement une entrave à la justice».

Frank Zampino se réserve ainsi «tous les recours appropriés» pour faire face à cette situation, conclut l’avocat.

Lundi, un ancien ami et associé de Paolo Catania dans une entreprise de prêts usuraires, Élio Pagliarulo, a soutenu devant la Commission Charbonneau que l’ancien président du comité exécutif de la Ville de Montréal Frank Zampino était «corrompu».

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Plus précisément, M. Pagliarulo a soutenu que l’entrepreneur en construction Paolo Catania lui avait dit qu’il avait versé 300 000 $ en trois versements de 100 000 $ à l’ancien président du comité exécutif. De plus, la cuisine de sa maison aurait été rénovée pour 250 000 $.

Il n’a toutefois pas vu lui-même de l’échange d’argent entre MM. Catania et Zampino. Comme il avait été associé à Catania et était devenu son ami, celui-ci lui faisait des confidences sur ses revenus, sur sa part des contrats publics de la Ville de Montréal, sur les sommes d’argent qu’il versait à des «inspecteurs» de la ville.

Il a toutefois vu lui-même M. Zampino, notamment lors d’une fête, en présence de M. Catania.

C’est d’ailleurs dans le cadre du dossier de la vente des terrains du Faubourg Contrecoeur qu’il a entendu parler de Frank Zampino pour la première fois. M. Catania lui a affirmé avoir acheté pour 20 millions $ un vaste terrain évalué à 50 millions $. Et, finalement, grâce à une fausse facture de décontamination du terrain, il a réduit son paiement à 5 millions $. Et il espérait faire des profits de 80 millions $ au bout de 10 ans grâce à ces terrains.

M. Pagliarulo a aussi rapporté que Paolo Catania lui a dit verser une redevance de 5 pour cent de la valeur de ses contrats de construction à un intermédiaire, Niccolo Milioto, de Mivela Construction. M. Milioto a déjà été décrit comme un intermédiaire entre les entrepreneurs en construction et la mafia montréalaise.

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M. Pagliarulo ignore le pourcentage versé par les autres entreprises de construction. L’ex-dirigeant d’Infrabec, Lino Zambito, avait affirmé devant la Commission qu’il devait verser 2,5 pour cent au crime organisé.

Après avoir été ami et partenaire d’affaires de Paolo Catania, M. Pagliarulo a vu sa relation avec lui s’envenimer. Au bout de quelques années, leur entreprise conjointe a perdu de l’argent et Paolo Catania a voulu être remboursé, bien que tous les partenaires aient perdu de l’argent. M. Pagliarulo, qui était également propriétaire de la chaîne de pâtisseries Pagel, avait lui-même fait faillite et ne pouvait plus payer.

C’est alors que les menaces ont commencé. Finalement, il a été kidnappé et battu pendant trois heures par des hommes inconnus qui lui disaient que «Paolo veut son argent bientôt». Il a dû être hospitalisé. Des couronnes de fleurs funéraires ont aussi été livrées à son ancienne maison.

Paolo et Frank Catania étaient identifiés au clan Rizzuto, selon M. Pagliarulo.

L’homme d’affaires a porté plainte à la police. Il a ensuite reçu des offres d’argent pour laisser tomber sa plainte. Les accusations ont finalement été abandonnées, puisqu’il s’agissait de confronter sa parole à celle de M. Catania, a-t-il soutenu.

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À certains moments, c’est M. Pagliarulo lui-même qui apportait de l’argent à M. Catania, qui lui confiait alors que la somme était destinée à «des inspecteurs» de la Ville de Montréal, par exemple, ou à M. Zampino, du comité exécutif.

M. Pagliarulo puisait l’argent dans son propre compte bancaire. La somme était déduite de leur entreprise conjointe de prêts usuraires, a-t-il soutenu.

À un moment, il y a eu des «tensions» entre Paolo Catania et un autre entrepreneur en construction, Joe Borselino, de Garnier construction. M. Pagliarulo a rapporté que Paolo Catania lui a demandé s’il serait possible de trouver des gens pour incendier les camions de Garnier, ce à quoi il a répondu que c’était possible de le faire. La conversation n’a toutefois pas eu de suites.

Le père de Paolo, Frank Catania, rencontrait directement Nick Rizzuto senior, puisque les deux hommes venaient du même village. Et, selon M. Pagliarulo, l’argent qu’il versait servait à assurer à son entreprise sa part des contrats publics à Montréal dans le système de collusion entre entrepreneurs. Il avait alors 22 pour cent des contrats, a rapporté M. Pagliarulo.

Il a aussi montré du doigt l’ingénieur Luc Leclerc, qui surveillait les chantiers de construction de la Ville et qui, selon M. Pagliarulo, recevait de l’argent de la part de M. Catania pour les «extras» qu’il faisait passer dans les contrats de la ville avec les entrepreneurs. Paolo Catania s’était lui-même baptisé «Monsieur Extras», a relaté le témoin.

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Paolo Catania aurait dit à M. Pagliarulo que c’est pratiquement lui qui avait payé l’équivalent de la maison de Luc Leclerc, tant il lui avait donné de l’argent. À Brossard, l’ancienne résidence de cet ingénieur de Montréal était d’ailleurs située près de celle de Paolo Catania et Frank Catania, son père.

Il a également cité l’ingénieur Gilles Vézina pour d’autres raisons, affirmant que ce supérieur de M. Leclerc a également participé à des «réunions» et qu’il était traité avec «beaucoup de respect» par les Catania, qui lui offraient des cigares. Il l’a décrit comme «un homme de champagne» comparativement à M. Leclerc, qui était «un homme de bière». Il ne l’a toutefois pas vu recevoir d’argent.

Interrogé à savoir jusqu’où M. Catania pouvait aller, s’il n’obtenait pas ce qu’il voulait, M. Pagliarulo a eu cette réponse lourde de sens: «j’étais son meilleur ami et regardez ce qu’il m’a fait, alors vous pouvez imaginer» ce qu’il aurait pu faire à d’autres, a-t-il conclu.

Par voie de communiqué, lundi soir, l’entreprise Catania a démenti les propos de M. Pagliarulo, qualifiant ceux-ci de «diffamatoires».

Ses dirigeants soulignent que «les procureurs de la Couronne n’ont pas donné suite aux allégations de M. Pagliarulo relativement à sa plainte d’enlèvement et de séquestration» et que «les prêts effectués personnellement par M. Paolo Catania à M. Pagliarulo étaient documentés [et] signés devant notaire».

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À leurs yeux, les propos tenus par M. Pagliarulo devant la Commission «s’apparentent à un règlement de comptes».

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D’autres reportages de la Presse Canadienne sur les audiences de la Commission Charbonneau.

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