Corruption: le DG d’Union Montréal était aussi à l’emploi d’une firme de génie

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Publié 12/03/2013 par Lia Lévesque (La Presse Canadienne)

à 16h54 HAE, le 12 mars 2013.

MONTRÉAL – Le directeur général du parti Union Montréal de 2004 à 2008, Christian Ouellet, a en même temps accepté une rémunération de la firme privée de génie Roche.

Devant la Commission Charbonneau, mardi, M. Ouellet a dû admettre que pendant un certain temps, il était à la fois employé à plein temps du parti politique au pouvoir et qu’il touchait une rémunération de 5000 $ par mois de la firme Roche.

Or, Roche voulait justement savoir pourquoi elle obtenait si peu de mandats de la Ville de Montréal. Elle lui a d’ailleurs confié la tâche de régler ce «problème». M. Ouellet a organisé des rencontres avec les élus et a dit aux gens de Roche de contacter Frank Zampino, l’ancien président du comité exécutif de Montréal.

«Vous étiez salarié pour Union Montréal, pas comme consultant, vous êtes un employé d’Union Montréal, et vous travaillez à temps plein pour Union Montréal. Et au même moment, vous recevez plus de 5000 $ par mois de Roche sans faire grand-chose pour eux – ce sont vos propres mots», s’est étonné le commissaire Renaud Lachance.

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Étonnamment, M. Ouellet avait lui-même avoué n’avoir pas fait grand travail pour Roche pour une telle rémunération, hormis préparer un plan de communications en 2004 et faciliter les contacts avec les élus, puisque la firme de génie se plaignait d’avoir peu de mandats de la Ville.

«Vous ne trouviez pas que vous étiez un peu en conflit d’intérêts?» lui a demandé la juge France Charbonneau.

M. Ouellet a affirmé qu’il n’y voyait pas de problèmes, tout en admettant qu’il ne referait plus la même chose aujourd’hui.

Et même s’il n’y voyait pas de problèmes, il n’a pas informé le maire Gérald Tremblay, chef d’Union Montréal, de cette situation potentiellement délicate.

De septembre 2003 à juin 2008, les honoraires professionnels qu’il a facturés à Roche atteignent 327 250 $.

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Monsieur trois pour cent

Tout au long de son témoignage, M. Ouellet a cherché à prendre ses distances du responsable du financement de ce parti, Bernard Trépanier, qui relevait pourtant de lui dans une petite équipe de six à huit personnes.

Il a tenté de justifier son désintérêt par le fait que M. Trépanier faisait ses propres activités de financement, en suivant ses objectifs et ses échéanciers. Mais le commissaire Lachance s’est étonné du fait qu’«à vous entendre, il ne faisait rien» pour le parti.

Pourtant, la commission a mis en preuve un relevé téléphonique faisant état de dizaines d’échanges entre MM. Trépanier et Ouellet. Il n’a pu expliquer la teneur de ces échanges. Le commissaire Lachance a souligné que même après son départ, en juin 2006, M. Trépanier a joint ou tenté de joindre M. Ouellet «17 ou 18 fois».

M. Ouellet a soutenu qu’il n’avait même pas entendu le surnom de Bernard Trépanier, «Monsieur trois pour cent», avant que les reportages dans les médias n’en fassent état.

M. Trépanier s’est mérité ce surnom parce que c’est la contribution financière qu’il demandait pour le financement du parti à certains entrepreneurs et firmes qui obtenaient des contrats de la Ville, ont soutenu d’autres témoins.

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Quand Bernard Trépanier a quitté sa petite équipe de six à huit personnes, en 2006, M. Ouellet a affirmé qu’il n’a même pas demandé pourquoi il partait.

«Ce n’est pas un peu étrange? Vous êtes six, là. Ce n’est pas une multinationale votre boîte. Vous êtes six, vous travaillez ensemble au quotidien. Et là, un des six ne se pointe plus, un matin. Quelqu’un de votre entreprise vous dit ‘il paraît qu’il est parti’ et vous ne faites pas d’appel pour dire ‘Bernard, pourquoi au juste t’as quitté?’», lui a demandé le commissaire Lachance, incrédule.

M. Ouellet a d’ailleurs qualifié de «mystérieux» le départ de M. Trépanier. Il a même affirmé que c’est le procureur de la commission qui lui a appris que c’est le maire de l’époque, Gérald Tremblay, qui a demandé le départ de Bernard Trépanier.

Le dg d’Union Montréal a aussi assuré n’avoir jamais vu d’argent comptant circuler au parti, sauf l’argent prélevé dans le fameux «chapeau» qui servait aux dons anonymes, lors des différentes activités de financement du parti.

Lui qui s’est occupé d’organisation et de financement du parti assure que jamais les gens d’affaires ne lui ont demandé d’avoir la liste des contrats de la Ville.

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«Il n’aurait surtout pas fallu me parler de ça. J’ai bâti une bonne réputation d’organisateur redoutable, intègre. Il n’y a pas personne qui va essayer de briser cette réputation-là. Et si j’avais découvert des choses, vous pouvez être sûr de ça que je les aurais réglées aussi vite que je l’aurais su», s’est-il exclamé.

Méthode importée du PLQ

Plus tôt, M. Ouellet a soutenu qu’il était «simple, simple, facile, facile» d’assurer le financement d’un parti politique.

L’organisateur, qui a aussi oeuvré sur la scène provinciale pour le Parti libéral du Québec, a juré avoir «appliqué à la lettre la loi» sur le financement des partis politiques lorsqu’il oeuvrait à Union Montréal, de 2004 à 2008.

Le procureur de la commission, Me Cainnech Lussiaà-Berdou, l’interrogeait sur la présence constante du fameux «chapeau» à toutes les activités du parti Union Montréal. Ce «chapeau» sert à recueillir les dons anonymes, censément moindres, en plus des chèques personnels donnés en bonne et due forme pour participer à une activité de financement.

Cette façon de procéder avec un chapeau pour les dons anonymes, «ça faisait votre affaire?», lui a demandé la juge France Charbonneau.

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«Tous les partis politiques faisaient la même affaire», a répliqué M. Ouellet, acquiesçant à la question de la présidente de la commission.

M. Ouellet s’est ensuite appliqué à expliquer comment il dressait son «système de suivi et de contrôle par arrondissement, par district et par région», soit les dépenses permises, l’objectif donné en termes de membership et de financement, etc.

Prête-noms

Par ailleurs, deux employés de Construction DJL, un commissionnaire et une adjointe administrative, sont venus expliquer à la Commission Charbonneau, mardi, qu’ils avaient servi de prête-noms pour financer des partis politiques municipaux à Montréal.

Les deux employés ont fait des dons aux partis Union Montréal et Vision Montréal, à la demande d’un représentant de leur employeur, ont-ils admis. Leur employeur leur avait fait valoir qu’ils bénéficieraient ainsi d’un remboursement d’impôt.

Ces dons par chèque leur ont été remboursés par leur employeur, ont témoigné Claude Duhaime junior et Ghislaine Dujmovic. Le premier touchait à l’époque un salaire de 25 000 $ et la seconde de 35 000 $.

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Pourtant, l’un a donné 500 $ à Union Montréal une année, puis 1000 $, puis 600 $, et parfois même sa conjointe aussi.

Les deux ont affirmé au procureur de la commission, Me Simon Tremblay, qu’ils n’en ont pas parlé à leurs collègues, à l’époque. Les deux ont dit qu’aujourd’hui, ils ne le referaient plus, ayant appris que cela contrevenait aux dispositions de la loi.

«Si j’avais eu un problème éthique ou moral, je ne l’aurais pas fait» à l’époque, a admis Mme Dujmovic. «Là (maintenant), je ne le ferais pas, parce qu’on voit que ce n’est pas légal.»

Les deux ont aussi confirmé la distribution de cadeaux de Noël par leur employeur, Construction DJL: bouteilles de vin, certificats cadeaux pour un spa à Saint-Sauveur, trousses pour la voiture, par exemple.

Ces cadeaux étaient offerts non seulement à la Ville de Montréal, mais aussi au ministère des Transports du Québec et même à la Société des ponts Champlain et Jacques-Cartier, a précisé Mme Dujmovic.

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Elle a estimé que la moitié de ces cadeaux étaient livrés aux bureaux et l’autre moitié dans des résidences privées.

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