Corruption: le bras droit du maire n’a jamais entendu parler de collusion

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Publié 17/04/2013 par Lia Lévesque (La Presse Canadienne)

à 17h33 HAE, le 18 avril 2013.

MONTRÉAL – L’ancien président du comité exécutif de Montréal, Frank Zampino, a affirmé jeudi qu’il n’avait «jamais» entendu parler de partage de contrats ou de collusion entre les entrepreneurs en construction faisant affaires à Montréal, avant les audiences de la Commission Charbonneau.

D’autres témoins devant la commission ont affirmé qu’un tel système a existé durant les années 2000 à Montréal, notamment dans le secteur des égouts.

M. Zampino a toutefois entendu parler des coûts de construction plus élevés à Montréal, en 2002 ou 2003, mais c’était lors de discussions au comité exécutif, où on lui soumettait des raisons qui expliquaient les différences de coûts de construction entre Montréal et les banlieues.

On évoquait alors des coûts plus élevés de 10 à 15 pour cent, parfois 20, selon le secteur d’activités municipales, a-t-il rapporté.

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La procureure chef de la commission, Me Sonia Lebel, s’est longuement attardée à une transaction concernant un terrain à développer, le projet Marc-Aurèle Fortin, à propos de laquelle l’ancien directeur des transactions immobilières pour la Ville de Montréal, Joseph Farinacci, avait déjà témoigné.

M. Farinacci avait rapporté que M. Zampino lui avait dit qu’il n’était pas content d’une recommandation d’un comité de sélection pour ce projet favorable à l’entrepreneur Iberville. M. Zampino aurait affirmé que ça devait être le tour du groupe Pétra-Saint-Luc de remporter le contrat, avait soutenu M. Farinacci.

«C’est complètement faux», s’est exclamé M. Zampino. Il a concédé s’être objecté au fait qu’Iberville remporte le contrat, mais assure que c’est parce qu’il savait que l’arrondissement Rivière-des-Prairies_Pointe-aux-Trembles s’y opposerait, pour des raisons de non-conformité.

Iberville proposait de verser 1,5 million $ à la Ville pour le terrain et Pétra-Saint-Luc, dernier de trois soumissionnaires, voulait verser 1 million $.

Un second comité de sélection a été formé, qui a cette fois choisi Pétra-Saint-Luc, de Joe Borsellino.

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M. Farinacci, embauché pour que la Ville tire le meilleur parti possible de ses terrains, a alors exigé que Pétra-Saint-Luc verse 1,5 million $, comme Iberville, plutôt que 1 million $, avait-il témoigné.

«C’est moi qui ai demandé qu’on s’assure d’avoir 500 000 $ de plus de Pétra-Saint-Luc», a soutenu M. Zampino.

Départ du directeur du financement du parti

Par ailleurs, M. Zampino a soutenu qu’il n’a pas posé de question quand son ami de longue date, Bernard Trépanier, directeur du financement d’Union Montréal, lui a dit que son poste avait été aboli… mais qu’il continuerait à s’occuper du financement.

Devant la Commission Charbonneau, M. Zampino a soutenu que même si M. Trépanier a été congédié par le maire Gérald Tremblay en février 2006, ce n’est qu’en août 2006 qu’il l’a appris, bien que M. Trépanier soit son ami depuis 1986.

Et M. Trépanier n’aurait pas parlé de congédiement. Il lui aurait alors dit que son poste de directeur du financement avait été aboli, mais qu’il continuerait à s’occuper du financement.

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D’autres témoins devant la commission ont affirmé que M. Trépanier a justement été congédié à cause de sa trop grande proximité avec M. Zampino.

Un autre motif qui a été évoqué devant la commission est une rumeur selon laquelle le cabinet du maire avait été informé du fait que M. Trépanier aurait demandé une somme de 1 million $ à un représentant des centres commerciaux Smart Center pour voir se réaliser son projet.

M. Zampino a affirmé que M. Trépanier était entré en trombe dans son cabinet, outré que cette rumeur circule, mais sans mentionner que c’était la raison invoquée par le maire pour le congédier ou abolir son poste.

M. Zampino a admis avoir ensuite demandé des explications au maire quant à cette rumeur sur M. Trépanier, mais sans que le maire lui dise que c’est pour cette raison, en partie, qu’il avait congédié M. Trépanier.

Il doute de la preuve

L’ancien numéro deux de la Ville de Montréal n’a pas apprécié que la commission se serve de son agenda électronique pour examiner ses rencontres, se plaignant du fait qu’il ne l’a plus entre les mains depuis longtemps. «Moi je ne peux pas aujourd’hui confirmer la véracité des dates exactes de ces rencontres ou des personnes qui sont présentes à ces rencontres», a-t-il affirmé.

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Étonnée, la juge France Charbonneau lui a alors demandé s’il présumait du fait que ces documents auraient été falsifiés depuis qu’il ne les a plus entre les mains.

«Si je dois me baser sur certaines inscriptions à mon agenda, oui je suis porté à croire qu’il y a des inscriptions qui sont là et qui ne reflètent aucunement la réalité», lui a-t-il répondu, ajoutant qu’il ne savait pas combien de personnes avaient pu consulter son agenda.

«Je vais vous rassurer tout de suite, monsieur Zampino, il n’y a aucune fausseté ou malhonnêteté, malversation ou falsification qui sont faits du côté de la commission», a rectifié la juge Charbonneau.

Écoute électronique

Me Lebel a également fait entendre de l’écoute électronique entre Louis-Pierre Lafortune, réputé proche des Hells Angels, et un homme inconnu, où le nom de M. Zampino est mentionné.

Selon elle, il y est question du fait que l’on doit «passer des billets dans un compte de Garnier Construction» pour une activité de financement pour Union Montréal en avril 2009. Or, à cette date, M. Zampino n’était plus à l’emploi de la Ville.

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«On n’a pas le choix, ça crisse, c’est Garnier, c’est Frank Zampino, estie ça (…) j’ai reçu des billets», y affirme Louis-Pierre Lafortune.

L’homme inconnu lui parle de «900 piastres», puis Louis-Pierre Lafortune ajoute «c’est ça, c’est Frank Zampino, ça on n’a pas le choix, pis en plus, faut que tu sois là, pis moi aussi». Et il ajoute que «c’est toute l’équipe municipale là».

Interrogé sur cette écoute électronique, M. Zampino a dit ne pas connaître Louis-Pierre Lafortune et y voir «du ouï-dire».

Selon lui, «sûrement, je n’ai aucun rôle à jouer» dans le financement, à cette époque, puisqu’il ne travaillait plus pour la Ville. «Et que M. Lafortune se serve de mon nom pour vendre des billets à quelqu’un, c’est complètement à mon insu et c’est inacceptable», a lancé M. Zampino.

Au mariage du fils du «parrain»

En début de semaine, la Commission Charbonneau s’était intéressée aux possibles liens entre Frank Zampino et certaines familles de la mafia.

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«Je n’avais pas de lien avec la famille Di Maulo», a lancé M. Zampino.

La procureure chef de la commission, Me Sonia Lebel, lui a alors demandé pourquoi il avait assisté au mariage du fils de Frank Cotroni et de la fille de Joe Di Maulo, en juillet 1991.

M. Zampino a expliqué que Mario Di Maulo était un travailleur d’élection et qu’il avait insisté pour qu’il se rende au mariage de son cousin. Il a ajouté qu’à titre de maire de Saint-Léonard, à l’époque, il pouvait recevoir 40 à 50 invitations à des mariages chaque année.

«On fait toujours appel au bureau du maire de Saint-Léonard quand il y a une activité caritative quelconque. On se présente là et quand on se présente, c’est sûr qu’on ne fait pas de vérifications pour voir qui est dans la salle, avec qui on va nous asseoir. Moi je ne fais pas de recherches sur les antécédents de certaines personnes», a fait valoir M. Zampino.

«Vous trouvez judicieux de vous présenter en tant que maire de l’arrondissement de Saint-Léonard et d’être associé, ne serait-ce que par apparence, à Frank Cotroni?» lui a demandé Me Lebel.

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«Je n’assistais pas au mariage de M. Cotroni. Je ne vous ai pas dit de quel côté j’étais assis», a-t-il répondu, ajoutant qu’il avait été invité par les Di Maulo.

M. Zampino a concédé qu’au plan des apparences, cela ne donnait pas une bonne image, surtout pour un homme politique. «Je vous dis que ce n’était pas la décision la plus brillante du siècle d’assister à ce mariage, mais il n’y a aucune arrière-pensée», s’est-il défendu.

Il s’est dit offusqué que Me Lebel cherche ainsi à insinuer qu’il avait une arrière-pensée.

Sollicitation

Me Lebel lui a aussi demandé s’il se rappelait d’avoir adressé une lettre sollicitant une contribution financière à sa campagne électorale à Jimmy Di Maulo dans les années 1990.

«Je n’ai absolument aucun souvenir de ça», a répondu M. Zampino au sujet de la lettre, demandant même à la voir si la procureure en avait une. Celle-ci n’a rien déposé.

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Il a ajouté que s’il avait bel et bien adressé une telle lettre, c’était dans le cadre d’un envoi généralisé de lettres par l’équipe d’organisation électorale et qu’il aurait dû signer.

Me Lebel lui a aussi demandé s’il avait été «vu ou photographié en compagnie de (Vito) Rizzuto dans le début des années 1990».

«À ma connaissance, non. Est-ce que j’ai été à un événement où M. Rizzuto était présent et qu’il y a une photo qui existe à quelque part? Ça je l’ignore. Comme je vous dis, quand on occupe une fonction comme j’occupe, on est invité à participer à plusieurs activités. Et je ne peux pas exclure ou confirmer qu’effectivement, il n’existe pas des photos avec certains individus», a-t-il répondu.

Aucune influence

M. Zampino a soutenu n’avoir eu aucune influence, «du tout, du tout» sur le parti Union Montréal, son propre parti, et n’y avoir eu aucun rôle officiel. Il ne s’est pas non plus occupé de financement.

La commission a pourtant fait état de 55 échanges téléphoniques entre lui et Marc Deschamps, agent officiel du parti, entre 2005 et 2011, dont 22 seulement en 2007.

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«Je n’ai aucune relation avec Marc Deschamps autre qu’une relation professionnelle. Je n’ai aucun rôle à jouer dans le parti. Et je n’ai pas de discussions avec Marc Deschamps sur son rôle spécifique au parti», a-t-il dit.

Embauche du dg de la Ville

Par ailleurs, M. Zampino a confirmé avoir participé à un souper au Club Saint-Denis concernant l’embauche du directeur général de la Ville, Claude Léger, en compagnie du patron de la firme de génie Dessau, Rosaire Sauriol.

Il en a toutefois donné une autre version que celle de M. Léger. Ce dernier avait fait part devant la commission de son malaise devant le fait qu’un ingénieur du privé assiste à une discussion entre le président du comité exécutif de la Ville et un candidat au poste de directeur général de la Ville.

M. Zampino a soutenu qu’il ne s’agissait pas d’une entrevue d’embauche, qu’il n’a fait qu’énoncer les grands enjeux auxquels Montréal était confronté, et qu’il n’y avait là aucune information privilégiée. Il n’a rien vu de mal dans le fait que l’ingénieur Sauriol soit présent, puisque c’est lui qui avait servi d’intermédiaire, demandant à M. Zampino s’il serait intéressé à rencontrer M. Léger, qui avait déjà été approché pour le poste de dg de la Ville.

C’est M. Sauriol, un ingénieur du privé, qui s’est retrouvé à payer le repas, puisque c’était lui qui était membre du Club Saint-Denis, a précisé M. Zampino.

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Élections clé-en-main

M. Zampino a affirmé que c’est par les journaux qu’il a entendu parler du concept des élections clé-en-main. Lui qui a été élu comme conseiller dans Saint-Léonard, la première fois en 1986, n’avait pas encore entendu parler de ce concept d’élection clé-en-main à l’époque.

M. Zampino a une formation de comptable et faisait simplement de la vérification lorsqu’il a été recruté pour se lancer en politique municipale. Il ne se destinait aucunement à faire de la politique au départ, a-t-il témoigné.

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