Corruption: des élus à Laval ont servi de prête-noms

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Publié 30/05/2013 par Lia Lévesque (La Presse Canadienne)

à 15h55 HAE, le 30 mai 2013.

MONTRÉAL – Jean Bertrand, avocat et ex-représentant officiel du parti PRO des Lavallois, a admis jeudi que la plupart des conseillers de ce parti ont déjà servi de prête-noms pour du financement politique et ont été remboursés avec de l’argent comptant pour leurs contributions. Et, selon lui, l’ex-maire Gilles Vaillancourt était au courant au moins en partie.

Devant la Commission Charbonneau, il a souligné que parmi ces dizaines de conseillers qui ont servi de prête-noms, sur plusieurs années, il y avait notamment l’actuel maire de Laval, Alexandre Duplessis.

Me Bertrand a expliqué qu’en novembre, il contactait les conseillers pour obtenir leurs chèques de contribution au parti, puis il les remboursait à coups de 2000 $ ou 3000 $ avec de l’argent comptant _ selon le nombre de chèques reçus.

Cet argent comptant provenait du notaire Jean Gauthier, qui avait recueilli les sommes auprès d’ingénieurs de Laval, a relaté Me Bertrand. Les ingénieurs refusaient de servir de prête-noms, alors ce sont les conseillers qui l’ont fait.

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Mais les conseillers n’ont jamais demandé à connaître la provenance de cet argent comptant, a-t-il rapporté.

L’avocat s’était fait expliquer, lors d’une rencontre en 1995, que «les conseillers n’ont jamais payé de leur poche les contributions» au parti. Il a donc accepté de continuer avec une méthode qui avait été lancée avant lui, bien que cela lui déplaisait.

«Ils m’ont dit: tu vas continuer à le faire avec les conseillers, parce que les conseillers veulent continuer à faire ça _ on appelle ça du prête-nom aujourd’hui, mais à l’époque, ce n’était pas du prête-nom _ à se faire rembourser les montants qu’ils cotisaient au parti», a-t-il relaté.

Par exemple, il a avoué avoir reçu, en 2009 _ une année électorale _ quelque 150 000 $ en argent comptant de la part du notaire Gauthier, qui avait obtenu cet argent d’ingénieurs de Laval. Avec cet argent, il remboursait les conseillers pour leurs contributions au parti et, parfois, pour d’autres dépenses, comme l’usage de leur téléphone portable de la Ville à l’étranger.

Conseillers remboursés

Rarement les conseillers ont refusé d’être remboursés, bien qu’il les ait informés que cela était illégal. Une année, certains sont même allés jusqu’à demander à Me Bertrand des reçus pour fins d’impôt, alors qu’ils n’avaient rien contribué.

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Un d’entre eux, Robert Plante, a toujours refusé d’être remboursé pour ses contributions, mais il est fortuné, a souligné Me Bertrand.

Des conseillers plus récemment élus n’ont pas été remboursés et n’ont d’ailleurs pas été sollicités pour financer le parti non plus, a souligné Me Bertrand.

Le représentant officiel s’est d’ailleurs plaint à deux occasions au maire Gilles Vaillancourt de devoir procéder ainsi. Il lui a fait valoir que cela était mauvais pour la réputation des conseillers s’ils se faisaient prendre. Le maire Vaillancourt, selon lui, a paru irrité de son commentaire et a simplement changé de sujet.

Une année, alors que Me Bertrand s’était abstenu de solliciter les conseillers, le maire Vaillancourt l’a même convoqué, ayant en main les états financiers du parti. Le doigt pointé vers Me Bertrand, le maire Vaillancourt l’a intimé de recommencer à solliciter les conseillers. «Je lui ai dit: ‘pourquoi recommencer? On n’a pas besoin de ça; on l’a l’argent. C’est pas juste à cause des amendes; c’est la réputation de tout le monde’. Il m’a dit: ‘tu recommences à faire du prête-nom’», a relaté Me Bertrand.

Il a recommencé en 2006, mais avec moins d’ardeur. «Sinon, je m’en allais chez moi», a-t-il objecté.

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Durant les années qui n’étaient pas électorales, le parti recueillait plutôt entre 40 000 $ et 60 000 $ en argent comptant provenant des ingénieurs.

Trois sources de financement

Le PRO des Lavallois était un parti fort populaire, ayant pas moins de 28 000 membres en 2009, soit 10 pour cent de l’électorat de Laval _ 282 000 électeurs, a témoigné Me Bertrand.

Lors du cocktail annuel du maire _ la deuxième source de financement du PRO _, le parti pouvait recueillir 140 000 $, une fois ses dépenses payées. Il vendait 920 billets à 250 $ l’unité _ à la fin _ et en donnait 750 à des gens de l’organisation du PRO.

La troisième source de financement du parti était une somme d’environ 500 000 $, qui a atteint 590 000 $, pour le remboursement des dépenses de recherche et secrétariat.

Pas proche de Vaillancourt

Plus tôt dans la journée, Me Bertrand, qui fait partie des 37 personnes arrêtées par l’Unité permanente anticorruption, le 9 mai dernier à Laval, a soutenu n’avoir jamais demandé d’argent comptant ni parlé d’argent à l’ex-maire Vaillancourt.

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«Je n’ai jamais demandé d’argent comptant à M. Vaillancourt; je n’ai jamais donné d’argent comptant à M. Vaillancourt, non, non, non. Mais, comme je vous dis, mes contacts étaient rares avec le maire», a martelé le témoin.

Il s’est toutefois retrouvé en présence du maire au cours de plusieurs événements mondains et politiques, mais en compagnie de plusieurs autres personnes, a-t-il noté.

Ainsi, il a relaté un souper au cours duquel Bernard Landry, avec son épouse et une escorte policière, se sont joints, après coup, au groupe formé du maire Vaillancourt et de son épouse, de lui-même avec son épouse, de son fils et sa bru.

«À ce souper-là se sont joints, après, M. Bernard Landry et son épouse, qu’on a rencontrés au restaurant à Sainte-Anne-de-Bellevue et qui ont été sur le bateau de M. Vaillancourt, mais juste pour discuter, là. Ils n’ont pas fait de tour de bateau», a-t-il raconté.

Bernard Landry

«M. Vaillancourt, l’été, prenait son bateau et il invitait plusieurs personnes. Et c’est arrivé comme ça qu’il m’ait invité à aller souper», a relaté Me Bertrand. La rencontre avec Bernard Landry avait été fortuite, a-t-il souligné.

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Il ignore d’ailleurs le moment précis de cette rencontre, «dans les années 2000», et croit qu’à l’époque, vers 2004-2005, M. Landry n’était pas premier ministre.

En fait, M. Landry a été premier ministre de mars 2001 à avril 2003. Mais il a été chef du Parti québécois de mars 2001 à juin 2005.

Me Bertrand a été représentant officiel du parti PRO à compter de 1984, et ce, jusqu’en janvier 2013.

Il a assuré n’avoir jamais été au service du maire, mais plutôt au service des conseillers. Et si les médias ont rapporté qu’il était un proche de l’ex-maire Vaillancourt, c’est faux, a-t-il affirmé. Il avance n’avoir lunché avec lui que trois fois en 28 ans.

Il a également souligné que bien que le parti ait été fondé en 1980, ce n’est qu’en 2010 qu’il a eu sa première inspection sérieuse de la part du Directeur général des élections. «Ils ont fait une seule vérification en 30 ans, mais une bonne», s’est-il exclamé.

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