Commission Charbonneau: le PLQ aurait demandé 30 000 $ à Zambito

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Publié 11/10/2012 par Lia Lévesque (La Presse Canadienne)

15 oct 2012 16h56

MONTRÉAL – Lino Zambito, ancien dirigeant de l’entreprise de construction Infrabec, a affirmé que l’ancien grand manitou du Parti libéral du Québec, Pierre Bibeau, lui a personnellement demandé de donner 30 000 $ pour une activité de financement de l’ancienne ministre Line Beauchamp, en avril 2009.

Lors de la reprise des audiences de la Commission Charbonneau, lundi, M. Zambito a rapporté avoir participé à cette activité de financement pour rencontrer Mme Beauchamp, qui était alors ministre de l’Environnement et du Développement durable.

Le coût d’un billet pour cette activité était de 1000 $, respectant ainsi la Loi sur le financement des partis politiques, mais M. Zambito assure qu’il a plutôt remis la somme de 30 000 $ en argent comptant à M. Bibeau.

La somme lui a été remise dans les jours qui ont suivi, dans une enveloppe, et ce, dans les bureaux de Loto-Québec où M. Bibeau travaillait et travaille toujours comme vice-président.

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Tout au cours de son témoignage, M. Zambito a rapporté avoir participé à différentes activités de financement pour les anciens ministres libéraux Nathalie Normandeau, Line Beauchamp, David Whissell et Tony Tomassi.

« Je n’ai pas été un ange. J’ai truqué des contrats; j’ai financé des partis politiques; j’ai corrompu des fonctionnaires, mais le système était fait de telle façon que si je voulais travailler, que ça soit à Laval, Montréal, sur la Rive-Nord ou le ministère, je n’avais pas le choix d’agir ainsi », a conclu M. Zambito.

Plusieurs partis

L’ex-entrepreneur spécialisé dans les égouts a également indiqué avoir fait des dons tant au Parti libéral du Québec qu’à l’Action démocratique du Québec et au Parti québécois. Au cours des dernières années, il l’a parfois fait par l’intermédiaire de prête-noms, puisqu’il avait personnellement dépassé la limite permise à l’époque de 3000 $.

« Un moment donné, on atteint notre limite de contributions. Notre entourage qu’on peut aller voir pour nous faire des chèques et le remettre en argent, on n’en a plus. Comme j’ai déjà dit à quelqu’un au Parti libéral: ‘ma grand-mère est décédée, je ne peux pas lui en faire faire de chèques’. Ça fait qu’on rencontre, on propose et on dit: ‘moi, les chèques, je ne suis plus capable de vous en faire, est-ce que ça ferait votre affaire si je vous le donne en comptant?’ Quand la personne me dit ‘oui, ça va être correct’… »

M. Zambito a tenté de justifier le fait qu’il ait donné des fonds à tous les partis politiques. « C’était des commandes qu’on avait. Ça n’a pas été des montants qu’on a versés par conviction; c’était des montants qui ont été versés par obligation, des ententes, des demandes qui m’ont été faites », a-t-il expliqué.

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La Commission Charbonneau a d’ailleurs obtenu des relevés téléphoniques de M. Zambito, de la part de Bell Mobilité, qui confirment certains appels qu’il a dit avoir reçus ou faits, notamment à Violette Trépanier, responsable du financement au Parti libéral du Québec, et à Alexandre Bibeau, alors directeur de cabinet du ministre David Whissell.

Et à Laval

M. Zambito a également montré du doigt le maire de Laval, Gilles Vaillancourt.

À Laval, a-t-il précisé, c’est un groupe de neuf entrepreneurs qui se répartissent les contrats tour à tour, comme ce qu’il a décrit à Montréal.

En 2002-2003, il avait été incité par un autre entrepreneur à assister à l’ouverture du magasin de meubles et d’électroménagers MD Vaillancourt, à Dollard-des-Ormeaux, qui appartient à la famille du maire de Laval. Lorsque le maire a terminé son allocution, il est allé rencontrer M. Zambito pour lui dire: « ta job, ton contrat s’en vient sous peu; les gars vont te dire c’est lequel ».

Peu après, Infrabec de M. Zambito a obtenu le contrat du boulevard Cléroux, réalisé en 2003. Mais le contrat, ardu, lui a coûté 400 000 $ de plus que prévu.

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C’est par un intermédiaire, Marc Gendron, du bureau d’ingénieurs Tecsult à Laval, que M. Zambito affirme avoir appris qu’il devrait faire un don politique s’il voulait que ses dépenses supplémentaires de 400 000 $ lui soient remboursées.

« Ça a été assez clair, quand j’étais dans son bureau, M. Gendron m’a fait part: ‘vous avez fait des réclamations pour tel contrat et vous avez eu des difficultés. Vos extras sont possiblement recevables, mais je pense que t’es au courant de la façon dont ça fonctionne à Laval’. M. Gendron a été clair avec moi; il m’a dit ‘si tu veux que tes extras soient autorisés, ça prend un montant de 25 000 $ qui va directement au maire Gilles Vaillancourt’. M. Gendron était l’intermédiaire entre le maire et les entrepreneurs », a conclu M. Zambito.

Mais même avant d’avoir eu son premier contrat à Laval, il avait eu vent du système qui y prévalait. « C’était très connu dans le milieu. À Laval, c’était clair, c’était une ‘quote’ de 2,5 pour cent que les entrepreneurs donnaient au maire de Laval, M. Vaillancourt, par le biais d’un intermédiaire », a rapporté M. Zambito.

L’attachée de presse du maire Vaillancourt, Johanne Bournival, a fait savoir que ce dernier niait tout. Il a nié avoir reçu de l’argent de la part de M. Zambito ou de qui que ce soit en échange de l’octroi d’un contrat.

L’ex-entrepreneur, aujourd’hui restaurateur, a également témoigné du fait que l’ancien candidat à la mairie de Montréal Benoit Labonté, de Vision Montréal, lui a également demandé de lui donner un coup de main pour sa campagne en 2009, même s’il ne résidait même pas à Montréal. « Je lui ai remis 25 000 $ à 30 000 $ comptant, personnellement », dans un restaurant de Laval, a-t-il témoigné.

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Différent au MTQ

Au ministère des Transports du Québec, le système était différent, a-t-il expliqué. Là, les entrepreneurs s’entendaient moins souvent entre eux pour se répartir d’avance les contrats, comme c’était le cas à Montréal, par exemple.

Ce qui arrivait le plus souvent au MTQ, a-t-il témoigné, c’était que les firmes privées de génie qui effectuaient la surveillance des chantiers pour le ministère accordaient des « extras » aux entrepreneurs pour des travaux supplémentaires qui avaient dû être effectués. Mais ces extras pouvaient facilement être exagérés ou des factures d’achat de matériaux faussées, afin que les parties disposent ainsi d’argent à verser aux partis politiques, a-t-il laissé entendre.

Il a aussi précisé que des entrepreneurs bénéficiaient parfois d’informations privilégiées de la part des ingénieurs du privé qui faisaient la conception des travaux. Ils avaient une indication sur la quantité de terre à excaver, par exemple, ce qui leur permettait d’être avantagés par rapport à leurs concurrents. « On est payé en quantité et c’est là qu’un ingénieur peut vous aider », a-t-il affirmé.

Mise en tutelle?

De son côté, le gouvernement provincial de Pauline Marois a indiqué qu’il aimerait pouvoir dégommer des élus municipaux qui sont la cible d’accusations.

Le gouvernement péquiste réagit ainsi aux multiples controverses dans le monde municipal, que ce soit à Laval, à Montréal, ou encore à Mascouche, ou une fois de plus, le maire Richard Marcotte ne s’est pas présenté en séance mardi soir.

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Avant d’entrer à la réunion du conseil des ministres mercredi matin, le ministre des Affaires municipales, Sylvain Gaudreault, a fait savoir que le gouvernement écarte actuellement la possibilité d’une mise en tutelle.

Il a reconnu que ses moyens sont limités, mais a ajouté que son ministère se penche sur différents scénarios qui seront proposés à l’Assemblée nationale. On examine actuellement l’hypothèse d’un mécanisme de suspension.

« Il y a beaucoup de possibilités, j’ai mis les fonctionnaires (…) à l’oeuvre très, très rapidement, a-t-il dit. Il est encore trop tôt pour vous dire sur quoi on va, mais il y a différents scénarios, (par exemple) possibilité de suspension, mais tout ça est à évaluer de façon très très sérieuse. »

M. Gaudreault a affirmé qu’il veut surtout ainsi « entendre le message de la population qui est frustrée », notamment à propos de ce qui arrive à Mascouche, mais il admet que la loi actuelle ne lui permet pas de faire grand-chose.

Le maire de Montréal se dit à l’aise

Malgré les nombreux appels à sa démission à la suite de révélations incriminantes visant des membres de son administration et les déclarations du président de la Fraternité des policiers de Montréal, Yves Francoeur, qui a dit ne plus avoir confiance en lui, Gérald Tremblay estime qu’il a toujours fait partie de la solution et non du problème.

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Lors d’une conférence de presse, mercredi, portant sur la manière dont Montréal honorera la mémoire de l’ancien joueur des Expos Gary Carter, le maire Tremblay a dit se sentir très à l’aise dans ses fonctions.

Il a rappelé qu’il avait dit au moment de sa réélection qu’il souhaitait faire la lumière sur les allégations de collusion et de corruption, ajoutant qu’il était prêt à assumer ses responsabilités comme maire pendant que la Commission Charbonneau effectue ce travail.

M. Tremblay n’a pas précisé s’il allait se représenter à la mairie de Montréal aux prochaines élections mais il a indiqué qu’il ferait connaître sa décision à cet effet prochainement.

Site Internet de la Commission Charbonneau

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D’autres reportages de la Presse Canadienne sur les audiences de la Commission Charbonneau.

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