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Nouvelle orthographe de 1990

carnet et stylo
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Publié 22/10/2018 par Lucas Pilleri

Alors que la «nouvelle orthographe» de 1990 a du mal à se faire accepter, une période de cohabitation s’est installée: graphies anciennes et moderne coexistent. Si l’usage fait la norme, il faudra attendre encore la prochaine génération pour voir l’orthographe rectifiée entrer complètement dans les mœurs.

28 ans déjà

La «nouvelle orthographe» est en fait déjà vieille de 28 ans. Elle provient d’un rapport du Conseil supérieur de la langue française de France, approuvé par l’Académie française, intitulé Les rectifications de l’orthographe et publié en 1990.

Il comporte un ensemble de modifications de règles grammaticales. Son but: simplifier la langue et corriger les anomalies de l’orthographe.

Cas pratiques

Le trait d’union en prend pour son grade: on écrira désormais weekend au lieu de week-end, croquemonsieur, millepatte, portefeuille ou apriori.

Le tréma se déplace: aiguë devient aigüe et ambiguë se transforme en ambigüe. L’accent circonflexe passe lui aussi un mauvais quart d’heure.

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Le tout premier Dictionnaire de l'Académie française, paru en 1694
Le tout premier Dictionnaire de l’Académie française, paru en 1694.

Quelques familles ont été réaccordées: charriot prend deux «r» pour rejoindre charrue, combattivité deux «t pour refléter la graphie de battre, imbécilité perd son deuxième «l» pour aller de pair avec imbécile.

Enfin, des anomalies ont été supprimées: assoir, exéma, levreau, relai, serpillère, ognon et nénufar sont désormais les bonnes orthographes.

Entre application et résistance : une période de cohabitation

L’usage fait la norme en matière de langue. Et certains milieux sont plus ouverts que d’autres aux changements. Dans les médias, véhicules importants de la langue, l’usage varie.

Au sein de l’hebdomadaire nord-ontarien Le Voyageur, la question a été tranchée: c’est l’orthographe modifiée qui est en vigueur. Julien Cayouette, directeur de l’information, a dû intégrer cette forme d’écriture après une courte formation. «C’est une façon plus logique d’écrire», estime-t-il aujourd’hui.

Étudiants réticents aux changements

Dans les cercles littéraires, la nouvelle orthographe a plus de mal à passer, question de perception. Mais certaines maisons d’édition canadiennes ont franchi le pas. C’est le cas des Éditions du Blé au Manitoba qui, depuis deux ans, publient avec la nouvelle orthographe.

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Sandrine Hallion, directrice éditoriale, explique ce choix: «Si nous ne faisons pas le pas, on continue à transmettre l’ancienne version. Selon moi, c’est un progrès, car on uniformise et on régularise.»

Sandrine Hallion
Sandrine Hallion.

Pourtant, celle qui est aussi linguiste et enseignante à l’Université de Saint-Boniface s’étonne des débats animés dans sa salle de classe. «Les étudiants sont réticents. Je suis toujours surprise de voir la réaction des jeunes. Ils voient ça comme un problème, car ils doivent réapprendre. Ce sera peut-être pour la prochaine génération», songe-t-elle.

Conservatisme de la langue

Par ailleurs, l’un des auteurs des Éditions du Blé a, lui, refusé d’être publié en nouvelle orthographe. «Il nous a dit qu’il était trop vieux et que ça lui faisait mal», rapporte Sandrine Hallion, preuve que la langue revêt un caractère viscéral pour certains.

Lentement mais sûrement

À l’école, la nouvelle graphie fait son chemin, lentement mais sûrement. Certaines universités ont fait le choix d’enseigner la nouvelle orthographe, tout en acceptant l’ancienne.

En Alberta et en Saskatchewan, les Directions de l’éducation française des ministères de l’Éducation ont adopté la nouvelle orthographe depuis 2009. En Nouvelle-Écosse, l’enseignement de l’orthographe rectifiée est obligatoire depuis la rentrée 2011.

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«Ça tourne en rond»

De son côté, l’Office québécois de la langue française ne tranche pas et accepte les deux graphies. «C’est aberrant», juge Isabelle Carignan, professeure et didacticienne du français au département Éducation de l’Université TÉLUQ.

Isabelle Carignan

Écrivant depuis 14 ans en orthographe moderne, elle déplore cette ambiguïté, alors que la plupart des dictionnaires et livres de grammaire sont à jour: «Les enseignants ont du mal à se situer. Ils attendent des formations, de voir changer les manuels, ils attendent le feu vert du ministère. Ça tourne en rond depuis très longtemps», souffle-t-elle.

Isabelle Carignan constate d’ailleurs que beaucoup ne sont pas préparés à changer leur façon d’enseigner.

Des décisions de bon sens ?

«Ce n’est pas une réforme de l’orthographe, ni une simplification, mais une rectification», corrige-t-elle. Loin de tout nivellement par le bas, il s’agirait surtout de régler des anomalies et d’ajuster la graphie en fonction de la prononciation. «C’est une modernisation de certains mots qui auraient dû être changés depuis longtemps», affirme-t-elle.

Sandrine Hallion voit l’orthographe comme un critère de sélection sociale. Simplifier la langue pourrait donc être, aussi, une affaire d’égalité : «Si on peut permettre un meilleur apprentissage, on permet d’accéder à une meilleure éducation et donc à un meilleur statut social.»

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La question des participes passés

En septembre dernier, deux anciens professeurs de français en Belgique ont proposé de supprimer l’accord du participe passé avec l’auxiliaire avoir au passé composé.

«Les fleurs que j’ai cueilli» serait donc correct. L’idée est soutenue par la Fédération internationale des professeurs de français, le Conseil international de la langue française et même André Goosse, successeur de l’illustre Maurice Grevisse qui a donné son nom au célèbre ouvrage Le bon usage.

Leur argument : alléger une règle trop complexe et artificielle pour se consacrer à d’autres apprentissages. Car c’est en fait Clément Marot, poète sous François 1er, qui importa d’Italie au 16e siècle la règle de l’accord.

Voltaire lui-même aurait déclaré à son sujet : «Il a ramené deux choses d’Italie: la vérole et l’accord du participe passé. Je pense que c’est le deuxième qui a fait le plus de ravages».

Sandrine Hallion, des Éditions du Blé, est favorable à l’idée. «Ça ne me pose pas de problème. On perdrait moins de temps à enseigner la langue. […] L’écrit, ce n’est pas la langue, mais sa représentation graphique», avance la linguiste. Isabelle Carignan souligne de son côté qu’«une langue qui n’évolue pas meurt ».

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Pas de consensus

En revanche, pour certains ce serait aller trop loin. «On toucherait quelque chose de plus profond que des simples rectifications orthographiques. On perdrait un peu de richesse de la langue» perçoit Sandra Gravel.

La vigilance est de mise: les rectifications orthographiques de 1990 ne seront pas les dernières!

Auteur

  • Lucas Pilleri

    Journaliste à Francopresse, le média d’information numérique au service des identités multiples de la francophonie canadienne, qui gère son propre réseau de journalistes et travaille de concert avec le réseau de l'Association de la presse francophone.

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