Comment développer les échanges entre les «deux solitudes» canadiennes?

Conférence de Kenneth McRoberts à Glendon

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Publié 17/03/2009 par Vincent Muller

«Les échanges sont négligés au niveau universitaire» déplorait mercredi dernier Kenneth McRoberts, principal du Collège bilingue Glendon, lors d’une des neuf conférences organisées à l’occasion du cinquantième anniversaire de l’Université York. Ces conférences ont pour but de faire le point sur un sujet d’importance pour chacun des Collèges de l’université.

Intitulée Faire face à la dualité: langue, culture et identité au Canada, cette conférence traitait bien entendu des relations entre ceux que l’on appelle communément les deux peuples fondateurs du pays: les Français et les Anglais, dont les descendants s’appellent plutôt francophones et anglophones. Le terme parfois controversé de «peuples fondateurs» écarte les Premières nations, dont les affaires sont traitées par une administration distincte. Celles-ci n’ont d’ailleurs pas manqué de dénoncer à plusieurs reprises l’exclusion des peuples autochtones à chaque fois que se sont tenues des discussions concernant les peuples fondateurs.

Quoi qu’il en soit, et c’est peut-être moins compliqué, on considère habituellement que le Canada s’est construit sur le principe de la dualité, principe qui est déjà source de nombreuses problématiques développées dans cette conférence bilingue par Kenneth McRoberts.

Le principal de Glendon est revenu sur certains points de l’histoire de la cohabitation entre anglophones et francophones au Canada. Cette dualité, d’abord basée sur la religion (protestants/catholiques), est par la suite devenue principalement linguistique.

La commission BB

Une partie importante de la conférence traitait de la commission royale d’enquête sur le bilinguisme et le biculturalisme mise en place en 1963 par le premier ministre libéral Lester B. Pearson. L’idée venait du journaliste québécois André Laurendeau, inquiet de la montée du discours séparatiste au Québec et de l’indifférence du Canada anglais concernant cette question ainsi que celle des francophones des autres provinces.

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Laurendeau a été choisi pour diriger la commission avec Davidson Dunton, un journaliste anglophone. Le but de cette commission était d’étudier la pratique du bilinguisme dans les administrations relevant du fédéral, de réfléchir à la façon de favoriser le bilinguisme dans les institutions privées et publiques ainsi qu’au sein de la population.

C’est à l’État d’être bilingue

Kenneth McRoberts a rappelé ce qu’était, du point de vue de cette commission, le bilinguisme au Canada: «Un pays bilingue n’est pas un pays dont tous les habitants doivent nécessairement parler deux langues; c’est un pays dont les principales institutions, tant publiques que privées, doivent dispenser leurs services dans les deux langues, à des citoyens qui peuvent fort bien dans l’immense majorité être des unilingues.»

Des enquêtes d’opinion ont eu lieu auprès de citoyens, qu’ils soient francophones, anglophones où issus d’autres groupes. Chercheurs et ministres provinciaux prirent également part à l’exercice. Ceci a abouti à la rédaction de plusieurs rapports mettant en place des recommandations concernant l’utilisation des deux langues, surtout au niveau des administrations et de l’enseignement. Suite à cela, sous Pierre Trudeau, le Canada a adopté la Loi sur les langues officielles en 1969.

La commission BB a donc permis d’amorcer le dialogue entre francophones et anglophones qui, jusque là, avait toujours été soit inexistant, soit très compliqué, influencé par de vieilles rancœurs.

Cependant cela ne pouvait résoudre tous les problèmes. En 1980 le premier référendum sur la question de la souveraineté du Québec, proposé par le Parti Québécois, eut lieu dans la province où la majorité fut finalement favorable au «non».

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Deux années plus tard, la constitution du Canada fut rapatriée de Grande-Bretagne, mais sans l’accord du Québec. En 1987 des tentatives de réforme constitutionnelle ayant pour but de conduire à la signature de la constitution canadienne par le Québec eurent lieu. L’accord du lac Meech échoua au Manitoba et à Terre-Neuve en 1990. Une tentative de ressuciter la réforme constitutionnelle, l’Accord de Charlottetown, soumis à un référendum pan-canadien, fut également défaite en 1992.

Bilinguisme ou multiculturalisme?

La Loi sur les langues officielles a cependant continué d’être améliorée. On a notamment apporté des précisions sur les tâches, le pouvoir et les fonctions des institutions fédérales en ce qui concerne les langues officielles et des points destinés à encourager le développement des minorités linguistiques (francophones hors Québec et anglophones au Québec).

Kenneth McRoberts rappelle que, dans les années 1970, le multiculturalisme – également promu par Pierre Trudeau, surtout au Canada anglais – a eu tendance à remplacer la dualité. Selon le principal de Glendon, professeur de science politique, «les anglophones accordent peu d’importance à l’identité sociale basée sur la langue». La notion de la dualité est donc «surtout portée par les leaders francophones alors que les leaders anglophones préfèrent parler de diversité…»

Quoi que l’on dise, même si l’on met en avant le multiculturalisme, cette dualité francophones-anglophones est toujours bien présente et il faut la prendre en considération.

Fort de son expérience dans le milieu bilingue qu’est Glendon, M. McRoberts considère qu’il est nécessaire de mettre en place de nouvelles approches pour atténuer la dualité, rapprocher ce que l’on appelle toujours les «deux solitudes» francophone et anglophone. Il faut, selon lui, persévérer dans l’enseignement des deux langues officielles au niveau universitaire.

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Fier de son établissement, il explique que «très peu de gens sont effectivement bilingues, Glendon faisant exception». Il conclut en apportant ses recommandations: «Il faut multiplier les établissements bilingues et augmenter le nombre de programmes d’échanges qui sont largement négligés au niveau universitaire et mieux financés au niveau des écoles secondaires».

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