Chronique d’une mort annoncée: le cas GM

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Publié 02/12/2008 par Claude Fugère

Supposons que vous êtes dans une situation financière critique, que vos liquidités s’épuisent à un rythme d’enfer et que vous êtes maintenant incapable de faire face à vos obligations. Vous décidez d’aller voir votre ami le banquier afin qu’il vous accorde un prêt et qu’il efface une partie de votre dette. Vous vous doutez bien de sa réponse et du rire moqueur qui l’accompagnera… Or, c’est exactement ce que les constructeurs automobiles tentent actuellement d’obtenir du gouvernement.

Nous savons déjà que les trois grands constructeurs automobiles américains ont demandé une aide exceptionnelle de 25 milliards de dollars au congrès américain afin de rester à flot. La situation de GM serait à ce point dramatique que, faute de liquidités, l’entreprise pourrait faire faillite d’ici la fin de l’année. C’est ce qui l’a poussé à mettre en vente les marques Pontiac, Saturn et Saab en plus de Hummer qui était déjà en vente depuis cet été.

Ford est en reconstruction et semble avoir un plan pour s’ajuster au marché, mais reste à voir si elle ne manquera pas de liquidités à son tour. Ce qui adviendra de Chrysler dépendra de la patience et de la décision de Cerberus (la société qui tente de redresser Chrysler) tant la gamme de modèles qu’elle offre semble ne pas convenir à la demande actuelle. Attardons-nous plus particulièrement au cas de GM.

La qualité des véhicules offerts chez GM a été douteuse pendant de nombreuses années, ce qui a fait en sorte que plusieurs clients potentiels ont décidé d’acheter une voiture japonaise un peu plus chère, certes, mais moins problématique. De mémoire, rappelez-vous les modèles X ou encore les Corsica/Beretta dont les portes dans certains cas tombaient littéralement dans la rue dès les premiers jours en circulation… Spectacle affligeant s’il en est!

Cette réputation a fait en sorte que la valeur de revente des voitures japonaises, auparavant plus faible à cause de la réputation qu’elles avaient d’attirer la corrosion, a augmenté de façon significative. GM a même tenté de vendre des voitures japonaises sous différents noms, mais sans grand succès.

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Ensuite, l’arrogance de la compagnie, qui a toujours cru savoir ce que les clients voulaient en leur imposant sa vision, a créé sa perte. Les bonzes de GM, croyant offrir ce qui avait de mieux à sa clientèle, lui ont offert des joyaux (!) comme le V8-6-4 (le pionnier des moteurs avec désactivation de cylindres tellement convainquant que les propriétaires les faisait bloquer en position 8 cylindres), le V8 diesel (qui a tué la vente de moteur diesel dans un véhicule non-commercial en Amérique du Nord), la Cadillac Cimarron (ou comment payer 10 000 $ de trop pour une simple Cavalier), l’Oldsmobile Achieva (qui s’était pourtant fait détruire par tous les «focus group») ou encore l’Aztek (une aberration du design technique avec lequel tous les cadres de GM ont eu l’ordre de se promener pour faire croire à sa popularité).

GM a aussi profité de la manne en vendant une quantité phénoménale de véhicules gros, énergivores et polluants représentant une source de profit confortable. Par contre, elle a négligé le développement de véhicules plus économiques et moins coûteux, ce qui a fait en sorte que sa gamme de voitures particulières est devenue moins compétitive.

Conséquence: la crise financière a bouleversé le marché et a ébranlé sérieusement le pouvoir d’achat des Américains qui se sont mis à rechercher des véhicules moins dispendieux et plus économiques. En octobre dernier, les ventes de GM aux États-Unis étaient en baisse de 45 % par rapport à celles d’octobre 2007.

D’autre part, les conditions de travail blindées négociées par le syndicat font en sorte que les coûts fixes de GM sont effarants. Un employé GM coûte près du double d’un employé travaillant pour une firme étrangère assemblant en Amérique du Nord, sans compter les avantages sociaux payés aux retraités. Avec ces conventions collectives en béton, il n’est pas surprenant qu’en cas de crise, GM doive faire des coupures massives dans son personnel. Cela explique, entre autres, le 94 % de hausses des demandes de prestation d’assurance-emploi au bureau d’Oshawa, berceau de GM au Canada.

GM a eu l’excellente idée de se départir de certaines de ses divisions, mais fait-elle le bon choix? Saab et Saturn sont dans le collimateur, et avec raison car elles ne sont pas rentables et leurs produits peuvent être vendus sous d’autres bannières. Mais Pontiac? Bien que plusieurs modèles sont similaires à ceux vendus sous le nom de Chevrolet, le nom est connu du public contrairement à Buick. Cette dernière bannière se vend bien en Chine, mais sa réputation de voitures pour un public d’âge mûr fait en sorte que le potentiel de vente à moyen terme est pratiquement inexistant en Amérique.

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Donc, les gouvernements doivent-il sauver les compagnies automobiles? Non. Cela reviendrait à pardonner l’incompétence de dirigeants qui se sont versés des salaires ridiculement élevés tout en effectuant une gestion bâclée pour obtenir des résultats à court terme. De plus, ils ont constamment demandé des subventions ou des conditions de financement avantageuses auprès des gouvernements (prélevées à même nos taxes) pour rester compétitifs face aux constructeurs étrangers.

Par contre, plusieurs millions de travailleurs dépendent de cette industrie et je serais le premier indigné à les voir mis à la porte. Je dois donc m’incliner et dire oui à l’aide demandée par l’industrie automobile. À deux conditions cependant: premièrement, que la gestion du prêt soit rigoureusement scrutée à la loupe pour que toute action soit axée sur la réussite des projets de relance; deuxièmement, que les PDG ne viennent pas chercher leurs chèques en jet privé…

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