Chronique du naufrage du rêve américain

Le sociologue Robert Putnam à U of T

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Publié 15/04/2014 par Charles-Antoine Rouyer

Le sociologue américain Robert Putnam, de passage à Toronto le 7 avril, a tiré la sonnette d’alarme devant les inégalités socio-économiques qui se creusent selon lui aux États-Unis.

En bref, le milieu des enfants défavorisés s’appauvrit alors que les familles aisées investissent davantage dans des activités enrichissantes, résume Robert Putnam, qui cite d’ailleurs Laura Bush (la femme de l’ancien président conservateur George W.): «Si vous ne savez pas combien de temps vous allez pouvoir garder votre maison ou votre emploi, alors vous avez moins d’énergie à investir dans les enfants.»

Solutions bipartites

Les solutions devront être «mauve» a ajouté le professeur de Harvard et conseiller du président Obama, autrement dit entre rouge et bleu, entre Démocrates et Républicains.

Robert Putnam, qui a popularisé le concept de «capital social» en 2000 dans son ouvrage Bowling Alone, donnait une conférence à l’Université de Toronto (École de politiques publiques et gouvernement) le lundi 7 avril. Le sénateur conservateur canadien Hugh Segal a ensuite apporté un contrepoint.

Robert Putnam a développé les thèses de son prochain ouvrage à paraître début 2015 Our Kids: The American Dream in Crisis.

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Course aux compétences

Les inégalités débutent très tôt, voire même avant l’école, explique Robert Putnam, dont les recherches ont comparé les enfants issus du tiers supérieur de la société avec ceux issus du tiers inférieur.

L’incertitude économique est certes l’une des causes de ces inégalités, précise-t-il. Mais d’autre part, les parents aisés sont en train de gagner une «course à l’armement» pour l’acquisition de compétences générales chez leurs enfants («soft skills») qui vont contribuer à la réussite de leur progéniture.

«Les parents de couches sociales plus aisées passent plus de temps à lire à leurs enfants, à les emmener dans des parcs, dans des musées ou à des entraînements de soccer. Et en grandissant, ces enfants des classes aisées vont participer davantage à des activités extrascolaires.»

Gangs de rue

Deux autres facteurs expliqueraient ce naufrage du rêve américain, selon Robert Putnam: l’éclatement de la structure familiale (comprendre familles monoparentales et divorces) et la disparition du tissu communautaire dans les quartiers plus défavorisés, remplacé bien souvent par les mailles des gangs de rue.

À terme, d’ici 30 à 40 ans, lorsque ces enfants seront devenus adultes, il sera trop tard pour tenter de corriger la situation, prévient le sociologue.

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À ce titre, après sa conférence, il précisera que l’Europe va elle aussi connaître une situation comparable, mais avec un décalage, car le processus s’est déclenché plus tôt aux États-Unis.

Le sénateur Hugh Segal a certes souligné la qualité de l’école publique canadienne et les soins de santé au pays, mais a concédé qu’à l’échelle internationale, d’autres pays, dont en Europe, connaissent ces difficultés.

Bouées de sauvetage

Certaines solutions avancées (évoquées sur la page Internet de l’Université Harvard consacrée à ce sujet) comprennent: favoriser des familles stables et attentionnées; améliorer l’emploi et les salaires de la moitié inférieure de la population active; investir dans l’école publique et dans des programmes préscolaires de bonne qualité; aménager davantage de passerelles (collèges communautaires.); offrir davantage de mentorat bénévole, entre autres.

Mentionnons qu’un livre blanc copublié en août 2012 par Harvard sur la participation civique en Amérique développe ces thèses. Il est disponible gratuitement en ligne: www.hks.harvard.edu/programs/saguaro/our-research/inequality-growing-youth-class-gap

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