Chat de gouttière ou un angora?

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Publié 28/01/2013 par Paul-François Sylvestre

Maurice Henrie cultive depuis longtemps le genre bref: nouvelles, récits, réflexions. Avec Petites pierres blanches, son seizième ouvrage, il aborde une fois de plus ses sujets de prédilection: folie du monde moderne, nostalgie du passé, observation de la nature, goût du voyage, absurdité de la vie. L’ouvrage renferme 44 nouvelles regroupées sous sept thèmes: voyages, humour, quotidien, culture, ami/amour, insolite, réflexions.

Dans la nouvelle intitulée Transition, l’auteur décrit la visite d’un homme chez le psychiatre. Le client se confie et explique son état d’inconfort. Le psy écoute. Le client analyse minutieusement son comportement. Le psy écoute. Le client met le doigt sur la cause de son malaise. Le psy répond que «c’est bien cela…», puis que la séance est terminée. «Nous nous reverrons la semaine prochaine… Mes honoraires? Ne vous inquiétez pas: ils seront moins élevés que le sont les vôtres!»

Dans un texte, l’auteur confirme ce que le lecteur a déjà compris, à savoir qu’on vit «dans un univers complexe où le nombre de règles et de prohibitions sociales est en progression constante». Dans Chansons, le nouvelliste passe allègrement du Dies Irae aux artistes qui vivent de Nashville, en n’oubliant pas Robert Charlebois, pour dresser un survol de chants/chansons de toute une vie, celle d’un être né avant le milieu du siècle dernier.

Le bonheur est un thème éternel de la littérature. Maurice Henrie en traite avec une rare simplicité lorsqu’il décrit la vie de Bernie, cet homme qui a toujours l’air content.

«Content de quoi au juste? Content de tout. Y a pas de guerre, y mouille pas, je ne suis pas malade, pis j’ai ben déjeuné, à matin.» Le bonheur tient à se peu de choses.

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Je me suis demandé pourquoi Maurice Henrie parle de la Mona Lisa et non de la Joconde dans la nouvelle intitulée Chef-d’œuvre. Mona Lisa est le nom que les anglophones utilisent (les Italiens aussi bien entendu) et j’ai toujours cru qu’on disait la Joconde en français.

Comme toujours, le lecteur a droit à un style finement ciselé. Pour décrire un homme presque chauve, l’auteur parle de «cheveux rares et flamboyants à la Van Gogh». Ailleurs, la condition humaine fait l’objet d’une rare analogie : une personne est «un chat de gouttière et non un angora», «une bête solitaire qui passe ses nuits dehors et non un animal d’intérieur qu’on embrasse sur le museau…».

Chaque nouvelle est une réflexion personnelle d’un observateur aguerri. Depuis bientôt vingt-cinq ans, Maurice Henrie décortique le quotidien. Il en vient à la conclusion que ce demain dans lequel nous mettons tant d’espoir pourrait être rien d’autre «que la copie conforme d’aujourd’hui»!

L’éditeur indique que l’auteur dépeint la condition humaine avec ses banalités, ses insignifiances, ses moments les plus risibles. La démarche ne risque-t-elle pas de donner lieu à des nouvelles… banales ou insignifiantes? C’est possible… si on s’arrête à une lecture de premier degré.

Avec Petites pierres blanches, Maurice Henrie a cherché à dire succinctement et avec humour des choses qui touchent le commun des lecteurs. Il a réussi neuf fois sur dix.

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Maurice Henrie, Petites pierres blanches, nouvelles, Ottawa, Éditions David, coll. Voix narratives, 2012, 218 pages, 23,95 $.

Auteur

  • Paul-François Sylvestre

    Chroniqueur livres, histoire, arts, culture, voyages, actualité. Auteur d'une trentaine de romans et d’essais souvent en lien avec l’histoire de l’Ontario français. Son site jaipourmonlire.ca offre régulièrement des comptes rendus de livres de langue française.

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