Dans le paysage actuel de la pop française, Chevrotine occupe le même espace que Autour de Lucie, Air ou Jean-Louis Murat, entre autres pourvoyeurs d’atmosphères éthérées.
Un genre aussi séduisant que dangereux, où le style se substitue souvent à la substance, cachant le fait que derrière l’enveloppe sonore, il ne se passe pas grand chose. Mais les jours où l’on n’a pas envie de se casser la tête, cette enveloppe suffit largement à notre bonheur.
Si Chevrotine tire élégamment son épingle de ce petit jeu, c’est que le quintette français, qui signe avec Holden (La Tribu / Sélect) son troisième CD, assume sans peine sa relative vacuité.
Là où Murat – que l’on retrouve sur L’orage – est un auteur de chansons doublé d’un coloriste inspiré, Chevrotine construit sa musique comme un décorateur conçoit un espace: par de judicieux agencements de formes et de couleurs, ponctué de références tantôt ironiques, tantôt attendries, qui reflètent une connaissance approfondie des divers courants pop dont la convergence se retrouvait déjà, il y a 40 ans, chez Françoise Hardy ou, du côté British, chez Sandy Shaw ou Dusty Springfield. Et la présence vocale diaphane d’Armelle Pioline ne fait qu’accentuer cette généalogie.
Bref, il serait incongru de se pencher ici sur le contenu des chansons du groupe, d’en citer les paroles, mais ce n’est pas le genre de reconnaissance auquel aspire Chevrotine: s’ils sont aussi les héritiers de la «musique d’ameublement» dont leur compatriote Érik Satie fut l’inventeur, alors nos alchimistes pop nous livrent ici un mobilier taillé sur mesure pour une vie de loft.