Cette chose violette accrochée au frêne…

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Publié 12/07/2011 par Barry Lyons

L’agrile du frêne est un insecte exotique envahissant originaire d’Asie orientale. Il a été introduit accidentellement en Amérique du Nord au début des années 1990, probablement par l’entremise de matériel d’emballage en bois, et a été observé pour la première fois au Canada à l’été 2002, à Windsor, en Ontario, au même moment où il a été signalé près de Detroit, au Michigan.

Les larves de ce coléoptère vivent sous l’écorce de leur hôte, le frêne. Si leur nombre excède un certain seuil, elles peuvent, en se nourrissant, bloquer la circulation des nutriments et de l’eau dans l’arbre et le faire mourir. L’agrile du frêne est un ravageur très actif; il a déjà tué des millions d’arbres et constitue une menace pour tous les frênes d’Amérique du Nord.

En septembre 2008, l’Agence canadienne d’inspection des aliments (ACIA), organisme fédéral chargé de prévenir la propagation des organismes nuisibles aux végétaux au Canada, a confirmé la présence de l’agrile du frêne à Sault Ste Marie, en Ontario. L’ACIA a réalisé des relevés et découvert environ sept frênes infestés, dont cinq dans le secteur de la rue Curran (où l’insecte a été trouvé pour la première fois), un sur le terrain du Casino de l’OLG et un dans un petit parc de la rue Bruce. L’arbre qui se trouvait dans le parc a été coupé par le personnel de la ville.

De plus, l’ACIA a remis aux propriétaires des terrains un avis de quarantaine leur précisant qu’il était interdit de déplacer tout produit de frêne ou bois de chauffage hors de leur terrain.

Difficile de détecter

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Il est extrêmement difficile de détecter l’agrile du frêne lorsqu’il est présent en faible densité. Actuellement, les techniques utilisées au Canada pour détecter l’insecte reposent sur le repérage visuel des signes et symptômes d’infestation. Parmi ceux-ci, on compte la présence dans l’écorce de petits (4 mm) trous en forme de «D» par lesquels les adultes quittent l’arbre; l’altération de la couleur des feuilles et le dépérissement des branches; la présence de signes d’alimentation accrue des pics sur le tronc; l’apparition de pousses adventives (branches se formant à partir de bourgeons dormants, sur le tronc ou sur une vieille branche) et la présence d’écorce déformée et de coloration anormale.

De plus, en retirant l’écorce des arbres infestés, on peut observer les galeries sinueuses formées par les larves, qui sont de forme aplatie.

Nous avons appris par expérience que la découverte de l’agrile du frêne à un endroit signifie habituellement qu’il y a d’autres petites populations dans les environs, qui passent inaperçues. En avril 2009, un arrêté ministériel fédéral a été imposé à la Ville de Sault Ste Marie en vertu de la Loi sur la protection des végétaux. Cet arrêté interdisait le déplacement de produits du frêne et de bois de chauffage de toute essence à l’extérieur de la ville. Cette quarantaine vise à limiter le déplacement, par les humains, de bois de frêne susceptible d’être infesté vers les régions du pays qui ne sont pas infestées.

Le Service canadien des forêts (SCF) de Ressources naturelles Canada a entre autres pour mandat de fournir des conseils scientifiques aux organismes qui sont aux prises avec des problèmes liés aux forêts.

Depuis la découverte de l’agrile du frêne au Canada, le SCF a joué un rôle de premier plan dans les recherches sur ce ravageur, en plus de fournir des conseils d’experts à l’ACIA quant aux mesures de lutte envisageables.

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Un insecticide naturel

Plus récemment, le personnel du Centre de foresterie des Grands Lacs (CFGL) a aidé les employés de la Ville de Sault Ste Marie à mettre au point une stratégie contre l’agrile. Dans le cadre de cette stratégie, un insecticide systémique sera injecté aux frênes bordant la rue Queen, puisqu’on a découvert que l’un des arbres de cette rue était infesté. Cet insecticide naturel, le TreeAzin, a été mis au point dans la région par le SCF et est commercialisé par BioForest Technologies Inc., entreprise de Sault Ste Marie.

Un nombre considérable de travaux de recherche ont été menés aux États-Unis et au Canada en vue de mettre au point un piège qui permettrait de détecter efficacement les populations d’agrile de faible densité, ce dont nous sommes actuellement incapables. Dans le cadre de ces travaux, le SCF et la Ville de Sault Ste Marie réalisent conjointement des expériences de piégeage de l’agrile.

Trois types de pièges ont été installés dans des frênes un peu partout dans la ville. Ces pièges nous aideront à la fois à délimiter la répartition de l’insecte à Sault Ste Marie et à déterminer quel modèle de piège est le plus efficace.

Les trois modèles de piège ont respectivement la forme d’un prisme violet accroché dans le bas du houppier, d’un prisme vert qu’on accroche plus haut dans le houppier et d’une bande collante qu’on installe sur le tronc. Dans les trois cas, le piège est recouvert d’une substance collante à laquelle les insectes restent pris.

La bande collante, qui est l’option la moins coûteuse, est un piège passif sans attractif qui n’attrape que les insectes qui atterrissent par hasard sur sa surface. Le piège violet, conçu par le département de l’Agriculture des États-Unis, simule les couleurs réfléchies par l’écorce des frênes et est enduit d’un attractif reproduisant les substances chimiques libérées par cette écorce. Le piège vert, conçu et mis à l’essai au CFGL, simule la couleur des feuilles du frêne et une substance chimique qu’elles produisent.

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Vol retardé

L’été frais et pluvieux que nous avons connu à Sault Ste Marie a beaucoup retardé la période de vol de l’agrile du frêne. En effet, dans le sud de l’Ontario, des agriles ont commencé à être observés sur les pièges uniquement au début août, alors qu’ils commencent habituellement à voler au début juin. Le CFGL et ses partenaires poursuivront leurs travaux visant à mieux cerner les manières de combattre cet insecte envahissant.

Le Centre de foresterie des Grands Lacs est l’un des cinq centres du Service canadien des forêts de Ressources naturelles Canada. Il fournit en temps opportun de l’information et des conseils pertinents et scientifiquement fondés sur des questions d’intérêt national comme les feux de forêt, le changement climatique, les espèces envahissantes et la situation concurrentielle de l’industrie forestière. Le Centre de foresterie des Grands Lacs, situé à Sault Ste Marie, est un chef de file mondial en recherche forestière.

Barry Lyons est chercheur scientifique spécialisé en lutte contre les insectes nuisibles pour Ressources naturelles Canada, au Centre de foresterie des Grands Lacs du Service canadien des forêts, à Sault Ste Marie.

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