Cannes 2006: la ruée vers la Palme d’or

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Publié 30/05/2006 par Jacqueline Brodie

Les hordes se sont dispersées. Cannes a repris son souffle. Par milliers – 130 000 – selon les manchettes, festivaliers et touristes ont envahi, l’espace d’un festival, la Croisette, cœur de cette station balnéaire de 70 000 habitants où cohabitent paisibles retraités et millionnaires de tout poil.

Cannes, rendez-vous annuel où se jouent, à coup de millions, de rêves et d’espoirs déçus, le meilleur et le pire du cinéma mondial.

Décor: la Croisette, ravissante promenade en bord de mer, agrémentée de palaces, de palmiers et de mille fleurs aux couleurs éclatantes. En toile de fond, la Grande Bleue, ses voiliers et ses yachts de milliardaires. Et en premier plan, l’énorme masse de béton autour duquel se font tous les jeux, le Palais des Festivals, ses marches et son fameux tapis rouge.

Chaque soir, agglutinés au bas des marches, posés sur leurs chaises pliantes, juchés au faîte de leurs escabeaux, accrochés aux lampadaires et debout tout autour du parvis protégé par des barricades, des nuées de badauds ont guetté les stars.

Rituel immuable

Lentement, une à une arrivent les voitures officielles porteuses de stars. Elles débarquent leur précieuse cargaison. La foule s’électrise. Reines, rois et servants de l’écran sont sur le tapis. Et fusent les cris d’approbation quand, parées d’inestimables joyaux prêtés pour un soir, les créatures de rêve font la roue pour les photographes.

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Ces messieurs ne sont pas en reste. Danses, baisers, signature d’autographes, on ne lésine pas sur le charme pour séduire la foule. Jeux de stars. Et des stars, le Festival en fut cette année encore, fort prodigue. Avec une fabuleuse constellation: Catherine Deneuve, Sophie Marceau, Fanny Ardant, Audrey Tautou, les bellissimes Penelope Cruz, Monica Bellucci et Zhang Ziyi (ces deux dernières membres du jury), Cate Blanchett, Sharon Stone, Halle Berry, Kirsten Dunst (Marie-Antoinette), Sidney Poitier, Bruce Willis, Tom Hanks, Gael Garcia Bernal, Vincent Perez, Oliver Stone, Vincent Lindon, Gérard Depardieu et Cécile de France pour n’en citer qu’une infime fraction, comment douter de la suprématie du super-spectacle Cannes au sein de la planète festivals. Précisons que le cérémonial de la montée des marches est retransmis dans 80 pays.

Une affaire en or

Tandis que sur les plages les starlettes offraient au soleil et aux regards des passants leurs courbes de déesses, les affaires se brassaient dans les restaurants alentours toujours bondés. C’est un fait, le Festival est la poule aux œufs d’or de la ville de Cannes et de la région Provence Alpes Côte d’Azur.

Ses 11 jours de cocktails, réceptions, fêtes nocturnes où le champagne coule à flots, de feux d’artifices de minuit et d’hébergement dans de somptueux hôtels, procurent plusieurs milliers d’emplois. Les retombées économiques que génère cette brève période sont tout aussi impressionnantes que les activités qui s’y déroulent: 180 millions d’euros, soit 256 millions de dollars canadiens.

Jeux de films

Louvre, Versailles. Du célèbre musée au non moins célèbre palais, le cinéma américain a joyeusement joué dans les plates-bandes de l’histoire. Après une spectaculaire visite du Louvre en ouverture avec le polar Da Vinci Code de Ron Howard, nous eûmes droit à un chapitre d’histoire de France avec le Marie-Antoinette de Sofia Coppola. Rien de la fin sanglante de la belle guillotinée, de la Révolution en marche à peine esquissée, dans cette production de 40 millions de dollars.

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Mme Coppola a construit son œuvre sur l’aspect frivole de la jeune princesse autrichienne, ses frasques et son ennui. Images somptueuses de la cour, costumes splendides dans le décor naturel du Palais de Versailles, tout concourt à vous ravir l’œil dans cette fresque. Un beau livre d’images, édition de grand luxe.

Histoires à pleurer

Que de pages d’histoire dans cette compétition cannoise 2006: la guerre anglo-irlandaise, dans The Wind That Shakes the Barley du vétéran Ken Loach récompensé par la Palme d’Or pour son œuvre magistrale sur la spirale de la violence et d’une juste cause qui aboutit en guerre fratricide.

Recréant la sinistre période de l’Espagne franquiste, alternant lyrisme et réalisme, El Laberinto Del Fauno de Guillermo Del Toro illustre le paradoxe de l’homme, tortionnaire, libérateur.

De l’Argentin Israel Adrian Caetano, Cronica de Una Fuga, d’une efficacité et d’une intensité quasi insoutenables, témoigne de l’une des plus sombres pages de l’histoire de son pays, la dictature militaire.

Quant à Indigènes de Rachid Bouchareb, c’est au front, en 1944, qu’il nous conduit. En première ligne avec les bataillons d’Africains du Nord. Véritables héros, ils découvriront pourtant que la devise française «Liberté, Égalité, Fraternité» ne s’applique pas dans leur cas. Émouvant document basé sur des faits réels qui valut aux cinq principaux acteurs le Prix d’interprétation masculine (second Prix collectif de ce palmarès.) Très décontractés, ils remercièrent en entonnant sur scène la chanson du bataillon d’Afrique.

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Solitude, violence, sexe en tant qu’ultime tentative de communication dans un monde en perte de repères, autant d’autres thèmes très présents dans cette édition 2006 d’une étonnante variété.

Du merveilleux et tendre Volver de Pedro Almodovar (prix collectif d’interprétation féminine pour ses six actrices) au remarquable Babel du Mexicain Alejandro Gonzalez Inarritu, (Prix de la mise en scène), du troublant Red Road (Prix du Jury) de Andrea Arnold qui traite de la fascination d’une femme pour le meurtrier de sa famille, à Flandres de Bruno Dumont (Grand Prix) avec ses personnages démunis, le monde, ses convulsions, ses tourments et ses joies nous furent contés.

Absent de la compétition, le cinéma canadien était cependant fort présent sur la Croisette. Avec la comédie Congorama du Québécois Philippe Falardeau, projeté avec succès en clôture de La Quinzaine des Réalisateurs et déjà acheté par une importante société française; avec un programme de 13 longs métrages récents au Marché du Film – une heureuse initiative de Téléfilm Canada – et en particulier grâce à l’Office national du film qui célébrait ses 65 ans de cinéma d’animation avec un Hommage officiel du Festival au génial Norman McLaren. Au Marché, nos 150 sociétés s’activaient: ventes et projets de production, les affaires allaient bon train. Voilà qui augure bien pour Cannes 2007.

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