Breveter un virus ne veut pas dire qu’on l’a créé

Déposer un brevet concernant un virus comme celui de la CoViD-19 ne signifie pas qu’on a créé ou inventé ce virus.
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Publié 07/04/2020 par Catherine Crépeau

Le nouveau coronavirus CoViD-19 aurait été créé en laboratoire par des chercheurs de l’Institut Pasteur et breveté en 2004. Non, il aurait plutôt été créé dans un laboratoire américain, comme en attestent des brevets déposés en 2003 et 2015. Que veulent dire ces documents?

Il faut savoir que:

– Déposer un brevet sur un virus, c’est courant en génétique.

– Un tel brevet décrit la découverte d’un virus, non son invention.

– «Coronavirus» est une famille de virus, et non un seul virus.

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Créé en laboratoire

Depuis l’éclosion de la maladie en Chine, on a vu passer sur les réseaux sociaux au moins trois publications affirmant que le nouveau coronavirus avait été créé en laboratoire, chacune associée à un groupe et à une date différente.

La première publication l’attribuait à des Américains, référant à un brevet déposé en 2015.

La seconde renvoyait également à un brevet américain, mais déposé en 2003 et accordé en 2007, photo du document à l’appui.

Et plus récemment, c’est l’Institut Pasteur, un organisme français qui développe des vaccins, qui a été accusé d’avoir créé le virus en 2004.

Une famille de virus

En fait, le brevet déposé en 2015 concerne le développement d’une forme atténuée d’un autre coronavirus, celui de la bronchite infectieuse, tandis que le brevet américain de 2003 et celui de l’Institut Pasteur réfèrent également à un autre coronavirus, le SRAS (SARS-CoV de son nom complet), qui a touché plus de 8000 personnes dans une trentaine de pays en 2002-2003.

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Les affirmations relayées par les médias sociaux partent en effet d’une fausse prémisse, celle selon laquelle il n’existerait qu’une seule sorte de coronavirus.

Dans les faits, «les coronavirus forment une famille comptant un grand nombre de virus qui peuvent provoquer des maladies très diverses chez l’homme, allant du rhume banal au SRAS», indique l’Organisation mondiale de la santé (OMS).

Plusieurs coronavirus peuvent aussi être pathogènes chez l’animal.

Breveter ne signifie pas inventer

Quant aux brevets, ils existent bel et bien. Sauf qu’ils ne font pas référence à la «création» d’un virus, mais bien au développement de vaccins contre ces virus.

L’Institut Pasteur précisait d’ailleurs récemment, en réponse aux fausses informations circulant sur les réseaux sociaux, que «le brevet de 2004 décrit la découverte du virus, puis l’invention d’une stratégie vaccinale contre ce virus, et NON l’invention du virus lui-même».

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L’organisme ajoute que le brevet concerne l’éventuel vaccin contre le SARS-CoV1 sur lequel travaillent ses chercheurs depuis 2003. C’est une souche différente du SARS-CoV2, qui est le responsable de l’épidémie actuelle.

Détournement de sens

La confusion vient d’une mauvaise interprétation par le public des mots «brevet» et «invention», mais aussi d’un détournement du sens original du mot brevet. Celui-ci visait à l’origine une invention ou une idée originale.

Au 20e siècle, on s’est mis progressivement à accepter la possibilité de pouvoir déposer des brevets sur du vivant, en autant qu’il s’agisse d’une nouvelle variété de végétaux. Par exemple, une nouvelle semence ou, plus récemment, un organisme génétiquement modifié (OGM).

Ce n’est pas le cas de ces coronavirus, qui existaient dans la nature avant que quelqu’un ne les découvre.

Brevet sur la piste d’un traitement

Mais les progrès rapides de la génétique depuis les années 1980 ont amené des groupes à défendre devant les tribunaux leur droit à déposer des brevets sur une séquence génétique qu’ils étaient les premiers à isoler, en alléguant que cette séquence rendait possible la production éventuelle d’un médicament ou d’un procédé industriel.

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C’est dans ce contexte que s’inscrivent les brevets sur ces différentes variétés de coronavirus. Or, malgré tous ces changements, les demandeurs continuent d’être identifiés comme «inventeurs», d’où la confusion dans le public.

Il faut aussi savoir que le débat autour du droit à «breveter le vivant» continue de diviser scientifiques, éthiciens, philosophes et l’univers de la recherche en santé.

Auteur

  • Catherine Crépeau

    Journaliste à l'Agence Science-Presse, média indépendant, à but non lucratif, basé à Montréal. La seule agence de presse scientifique au Canada et la seule de toute la francophonie qui s'adresse aux grands médias plutôt qu'aux entreprises.

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