Bresson et les voies de l’ascèse

"Three by Bresson" à Cinémathèque Ontario

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Publié 21/02/2006 par Marta Dolecki

Qu’ils soient anges ou démons en quête de rédemption, les personnages de Robert Bresson aspirent tous à la transcendance. Leur cinéaste, aussi, a toujours été attiré par un cinéma précis, rigoureux, exemplaire et surtout autre, en rupture avec une reproduction fidèle du réel.

Des images d’une pureté rare, des visages austères qui, par moments, viennent s’auréoler d’une lumière radieuse, presque céleste: à travers son œuvre, Bresson, père éternel du cinéma français, explore les chemins empruntés de l’ascèse en filmant la vie intérieure des personnages, tout leur être tendu vers un ineffable mystique qui les dépasse.

À la notion de cinéaste qui invente où encore déforme les événements, il oppose celle de cinématographe, architecte des regards qui recherche l’authenticité, et ce faisant, refuse tout effet particulier, que ce soit dans la mise en scène ou dans le jeu des personnages, devenus non plus acteurs mais modèles dénués de toute théâtralité.

On l’a souvent critiqué pour sa rigueur et son austérité. Reste que visionner l’un de films de Bresson demeure un véritable plaisir cinéphilique permettant de renouer avec l’essence du septième art, avant que les James Bond et autres productions en technicolor ne viennent envahir l’écran.

À Cinémathèque Ontario, du 26 février au 5 mars, Three by Bresson est justement une rétrospective des œuvres du cinéaste. Cette dernière permet de saisir, par le biais d’une trilogie – Journal d’un curé de campagne, Mouchette et Au hasard Balthazar – l’étendue et la portée de sa démarche.

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Journal d’un curé de campagne, 1950, 120 min, présenté le dimanche 26 février à 15h, Jackman Hall.

Un petit curé de campagne, malade et sans le sou, se voit attribuer la charge d’une église à Ambricourt, petit village situé au nord de la France. Jeune, rempli de bonnes intentions et mû par une foi fervente, il prend l’initiative d’aller visiter ses paroissiens les plus aisés afin de solliciter leur aide financière pour divers projets qui souhaite mettre sur pied.

Ce faisant, il pénètre sans le vouloir dans l’univers doré d’un riche comte et de sa maîtresse. Malgré lui, le petit prêtre va se retrouver pris au piège de querelles familiales dont il ne saura sortir indemne.

Adapté du roman de l’écrivain français Georges Bernanos, Journal d’un curé de campagne, vu à travers la lentille de Bresson, illustre parfaitement l’un des parti pris du cinéaste, celui d’une austérité assumée qui envahit l’écran à travers un dialogue minimaliste, de plans longs et intermédiaires, et un retour constant aux mêmes images fixes présentant un journal intime dans lequel se déroule l’écriture du prêtre.

Si désir de spiritualité il y a, cet élan vers un idéal de pureté vient s’incarner dans le visage du curé, un visage bon et doux qui se retrouve aux prises avec la réalité d’un monde extérieur, un univers vain et cynique qui aura tôt fait de mettre en échec ses aspirations. Finalement, le prêtre malade, c’est aussi un peu Bresson lui-même, sur les chemins de l’ascèse et tendant sans cesse vers cet idéal de pureté nommé transcendance.

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Mouchette, 1967, 78 min, vendredi 3 mars à 18h30 et dimanche 5 mars à 13h, Jackman Hall.

Vêtue d’une robe légère, la tête encadrée par deux couettes en bataille, Mouchette aime à se cacher dans des ravins quand elle ne jette pas des pierres à ses amies de classes. Dans les rues du village, elle affiche clairement sa révolte dans les regards narquois qu’elle lance à tous ceux qu’elle croise. C’est l’incarnation de la gamine, une petite fille mal-aimée, d’une beauté à la fois cruelle et sublime, dont les rares échappées vers le bonheur se comptent sur les doigts d’une main.

Au quotidien, elle doit soigner sa mère gravement malade et supporter les humeurs d’un père alcoolique et violent. La vérité, c’est que Mouchette est irrémédiablement seule et incomprise dans un monde d’adultes qui finira par avoir raison d’elle. Elle aussi, à sa façon, cherche la rédemption, mais, résignée, finira par porter sa croix comme un mal nécessaire… jusqu’au moment final.

Au Hasard Balthazar, 1966, 95 min, présenté le 4 mars 2006 à 18h30, Jackman Hall.

Le héros d’Au Hasard Balthazar n’est rien de moins qu’un âne qui, à sa manière, va connaître son lot de souffrances, passant de maître cruel en maître cruel. Le génie de Bresson, c’est de superposer les destinées parallèles de Balthazar et de Marie, une jeune fille dont le père a repris la charge d’une ferme et qui finira par être criblé de dettes. Un jeune homme, Jacques, est amoureux de Marie qui lui préfère les faveurs de Gérard, un garçon de chœur aux intentions pas vraiment très catholiques.

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Le long-métrage est une métaphore symbolique illustrant les impulsions destructrices de l’être humain. Un plan mettant en scène, Marie, Gérard, Balthazar, ensemble dans la neige, n’est pas sans rappeler les thèmes bibliques qui, ensemble, lient la souffrance à la transfiguration.

Pour plus d’informations, contactez la Cinémathèque Ontario au 416-968-FILM ou ww.bell.ca/cinematheque

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