Bob Rae s’adresse à son électorat francophone

Élections partielles dans Toronto-Centre le 17 mars

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Publié 04/03/2008 par Aline Noguès

Candidat malheureux à la course à la chefferie libérale fin 2006, Bob Rae n’a pas dit son dernier mot. L’ancien Premier ministre NPD (Nouveau parti démocrate) de l’Ontario (1990-1995) renoue avec la politique après dix années d’absence, en se présentant comme candidat libéral dans la circonscription de Toronto-Centre. Forteresse libérale – son prédécesseur Bill Graham en était à son 5e mandat – la circonscription ne représente pas vraiment un danger pour Bob Rae. C’est dans un excellent français, appris à Genève alors que son père y était diplomate, qu’il a répondu aux questions de L’Express.

L’Express: Quelle doit être la place du français dans le Canada du XXIe siècle? Le français a-t-il toujours la même légitimité malgré la présence croissante d’autres langues issues des dernières vagues d’immigration?

Bob Rae: Le Canada doit continuer à mettre l’accent sur le français même si la réalité de l’immigration fait que le français est devenu une langue parmi d’autres. Au Québec, au Nouveau-Brunswick, en Ontario, le français demeure une langue fondatrice du pays, alors son statut restera toujours particulier. Les autres langues parlées dans ce pays ne sont ni officielles ni fondatrices et il est important de reconnaître la différence. Le Canada est synonyme de bilinguisme.

Comme le dénonçait un de nos chroniqueurs récemment, la communication de votre campagne électorale se fait exclusivement en anglais. Quelles sont vos explications?

C’est vrai que nous communiquons avec les gens de la circonscription essentiellement en anglais. Ceux qui travaillent dans ma campagne sont-ils tous bilingues? Non.

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C’est la réalité du Canada mais je garde quand même une grande sensibilité au français. Et si lors d’une rencontre on me pose des questions en français, j’y réponds dans cette langue!

Avez-vous l’intention, si vous êtes élu, de défendre des dossiers spécifiquement francophones?

J’ai eu la chance de rencontrer des membres de la communauté francophone de Toronto pour voir ce qui reste à faire. Le défi est qu’il s’agit d’une communauté diverse. C’est une francophonie qui représente le monde! Certains sont ici depuis des siècles, d’autres proviennent de la francophonie mondiale…

Pour ces prochains mois, nous attendons le rapport de Bernard Lord et notre parti fait déjà des efforts pour s’assurer que les droits des francophones soient bien enracinés, que le Fédéral travaille de près avec les provinces sur les questions des services en français.

Nous souhaitons qu’il y ait des garderies, des écoles, des services sociaux, des hôpitaux… dans lesquels il soit possible de recevoir des soins et des services en français. Ce n’est pas facile car il reste à faire des efforts pour assurer la formation du personnel et garantir la qualité du service mais cela reste essentiel.

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Au-delà des questions liées aux francophones, quels sont les thèmes que vous défendrez dans cette campagne et, en cas de victoire, au Parlement?

Il faut que les intérêts des villes soient défendus au Parlement. On doit donner la priorité aux investissements dans les infratstuctures de la ville comme le transport, l’aménagement du territoire…

Le gouvernement Harper considère que tous ces investissements relèvent des provinces mais pour nous il est essentiel que le gouvernement fédéral fasse face à ces questions.

Est-ce possible de rassembler les électeurs si différents de votre circonscription autour d’un programme commun?

En effet, on a tout le Canada dans une circonscription, toute la diversité du monde! Pour nous, il est très important d’avoir la sensibilité nécessaire pour représenter tout ce monde.

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Au Parti libéral, nous pouvons justement rallier tout le monde car nous n’essayons pas de créer une guerre de classes, pour représenter un groupe au détriment d’un autre.

Bien sûr, ce n’est pas facile de proposer un programme qui puisse attirer tout le monde mais on y travaille. On constate d’ailleurs que certains thèmes sont rassembleurs comme l’environnement.

Pourquoi, après dix ans d’absence, se lancer de nouveau dans l’arène politique, et dans le camp libéral, vous qui étiez membre dans votre «première vie politique» du NPD ontarien?

Quand j’ai quitté la politique en 1996, je suis retourné à ma profession d’avocat et j’ai vécu des expériences très intéressantes.

J’ai participé à la restructuration de la Croix Rouge, participé à la commission sur Air India, j’ai mené une étude sur l’avenir de l’éducation en Ontario… J’ai beaucoup aimé ces expériences mais lorsque s’est présentée l’opportunité de faire la course à la chefferie du Parti libéral, je l’ai prise. La politique me tient vraiment à coeur, j’ai toujours voulu y participer.

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Pourquoi choisir de revenir à la politique du côté libéral? Mon expérience de Premier ministre m’a convaincu que le NPD, dans ses racines et sa pensée, a beaucoup de problèmes avec les réalités du pouvoir. Le NPD préfère l’opposition, la protestation.

Or pour moi, faire de la politique, c’est faire des choses pratiques pour les Canadiens, prendre des décisions pour améliorer la vie de chacun. C’est mon pragmatisme qui m’a poussé à retourner à la vie politique en participant à la course à la chefferie.

Quand j’ai perdu cette course, j’ai décidé de faire mon possible pour garantir le succès du parti, c’est une responsabilité.

Le NPD n’était donc plus une option pour vous…

Non. On a pu constater une évolution politique et philosophique chez les partis sociaux démocrates en Europe, on ne la voit pas au NPD. Il est temps pour lui de devenir un parti moderne!

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Lorsque j’ai quitté ce parti il y a dix ans, j’étais convaincu qu’il n’était pas capable de changer. C’est un parti qui est resté très idéologique, devenant de plus en plus «irrelevant».

Il est important pour vous d’obtenir un siège de député pour gagner en crédibilité au sein du Parti libéral?

Non, il ne s’agit pas de crédibilité. Si l’on veut changer le gouvernement au profit d’un gouvernement libéral, je pense que c’est le moment pour moi de me présenter et de faire l’effort d’assurer cette possibilité.

J’espère que le gouvernement conservateur ne durera plus très longtemps. Nous choisirons le bon moment pour le renverser. En attendant, je respecte les décisions de Stéphane Dion. Ce sera à lui de décider du moment opportun.

Comment voyez-vous votre avenir?

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J’espère pouvoir contribuer à la renaissance du Parti libéral. Il est important que le Parti présente une approche à la fois basée sur ses traditions mais également nouvelle, une approche de substance à proposer à la population.

Votre bilan en tant que Premier ministre de l’Ontario n’aura pas laissé beaucoup de bons souvenirs, votre course à la chefferie libérale s’est soldée par un échec… Cela ne vous a pas découragé?

Non, c’est l’expérience de la vie, comme pour tout le monde, qui connaît des échecs. La seul différence, c’est qu’en politique, on les vit en public!

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