Biocarburants: les déchets pourraient remplacer les cultures

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Publié 31/03/2009 par André Dumont (Agence Science-Presse)

Printemps 2008: la hausse vertigineuse des prix d’aliments de base comme le riz, le blé et le maïs provoque des émeutes aux quatre coins de la planète. Au banc des accusés, les biocarburants. Un an plus tard, rien n’est tout à fait réglé, mais la science s’en est mêlée.

Si l’on se fie aux récentes annonces de groupes de chercheurs et d’entreprises spécialisées en énergies vertes, l’époque où l’on mélangeait à l’essence de nos voitures de l’éthanol fabriqué à partir de cultures alimentaires comme le maïs et la canne à sucre ne sera bientôt qu’un mauvais souvenir. Place aux biocarburants de deuxième génération, qui valorisent plutôt des résidus agricoles et forestiers, ou même des déchets domestiques!

Enerkem, une entreprise de Montréal, a annoncé la mise en chantier cette année d’une usine qui transformera une partie des déchets domestiques de la ville d’Edmonton en éthanol et méthanol, deux alcools pouvant servir de carburant. À partir de 2011, cent mille tonnes de déchets serviront à produire 36 millions de litres par année de biocarburant, l’équivalent en consommation d’essence de 15 000 voitures.

Plus près de chez nous, Enerkem met la touche finale à une usine à Westbury, près de Sherbrooke, qui transformera des poteaux d’électricité usagés en éthanol.

Enerkem « recycle les molécules de carbone ». Le bois des poteaux est transformé en gaz de synthèse dans un réacteur à haute température par simple réaction entre le carbone du bois et de la vapeur soumis à une forte chaleur.

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D’ici la fin 2009, Enerkem sera en mesure de liquéfier ce gaz en éthanol. Ce procédé thermochimique donnera 360 litres d’éthanol par tonne de bois usagé, de quoi parcourir 2500 km en voiture ou cinq fois la distance entre Montréal et Val-d’Or.

Retour sur la crise alimentaire

Ces percées arrivent à point. Les biocarburants de première génération, qu’on appelle aussi agrocarburants, parce que tirés plantes agricoles, sont en crise.

L’an dernier, une étude commandée par la Banque Mondiale a attribué 75 % de la hausse des prix des denrées à la production d’agrocarburants. Les gouvernements américains et brésiliens contestent cette conclusion. La production d’agrocaburants n’accapare qu’une infime part des terres qui pourraient aussi servir à la production d’aliments, disent-ils.

Le tiers de la production de maïs des États-Unis sert à produire de l’éthanol, ce qui comble à peine 3 % des besoins en essence du pays. Au Brésil, la production d’éthanol à partir de canne à sucre est si importante que l’on retrouve de l’essence contenant 20 % d’éthanol dans toutes les stations-service.

Aujourd’hui, la crise alimentaire est moins aigüe, mais le prix du baril de pétrole a chuté. Puisque l’éthanol est un substitut au pétrole, son prix est également au plus bas. Celui de la matière première, le maïs, reste ferme. La rentabilité des usines en prend pour son rhume.

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Aux États-Unis, on prédit la faillite d’environ 40 des 190 usines d’éthanol en 2009. Là-bas comme au Canada, tous les projets de nouvelles usines sont mis sur la glace ou carrément abandonnés, malgré les subventions au démarrage.

Le bilan énergétique et l’impact environnemental de l’éthanol de maïs en faisaient un biocarburant controversé bien avant cette crise. Aujourd’hui, l’industrie admet qu’il n’est pas la voie de l’avenir, observe le microbiologiste Vincent Martin, professeur à l’Université Concordia et membre du Réseau canadien sur les biocarburants cellulosiques.

« Tout le monde est d’accord pour dire que l’éthanol de maïs aura été une technologie de transition, affirme Vincent Martin. On a beaucoup appris et les connaissances en matière de fabrication, stockage et distribution seront transférées à d’autres types de biocarburants. »

Chez nous

On ne compte qu’une seule usine d’éthanol de maïs au Québec. À Varennes, au sud-ouest de Montréal, Éthanol Greenfield transforme 300 000 tonnes de maïs par année en 120 millions de litres d’éthanol. Le procédé de distillation est très semblable à la production d’alcool pour boissons fortes.

Éthanol Greenfield, dont le siège est en Ontario, planche déjà sur des projets d’usines d’éthanol à partir de résidus agricoles, dont un pourrait voir le jour à Varennes.

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L’éthanol cellulosique, que l’on fabrique à partir de matériaux sans valeur alimentaire, comme l’épi de maïs sans ses grains, la paille du blé ou le bois d’arbres atteints de maladie, est plus complexe à produire. On doit utiliser les bonnes enzymes ou un procédé chimique efficace – comme le fait Enerkem — pour percer les molécules de matière ligneuse et en tirer l’énergie.

Cet éthanol de deuxième génération n’a plus de secrets pour les chercheurs, affirme Vincent Martin. Le défi consiste à atteindre la rentabilité en production à grande échelle, dit-il.

Si l’éthanol de maïs n’est pas rentable dans le contexte actuel, l’éthanol cellulosique l’est encore moins! La crise financière a réduit les capitaux disponibles pour la recherche, ce qui n’empêche pas nombre d’entreprises et de chercheurs américains d’annoncer qu’ils ont mis au point des procédés qui rendent la production en usine viable.

Au Témiscamingue, la papetière Tembec fabrique déjà depuis quelques années de l’éthanol avec des résidus de son usine de pâtes et papiers. Par contre, cet alcool tiré de déchets n’est pas utilisé comme carburant. On le retrouve plutôt sous forme de vinaigre utilisé dans la plupart des marinades et vinaigrettes commercialisées dans l’Est du Canada!

www.sciencepresse.qc.ca

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