Bilinguisme en cour: faut-il des interprètes pour les juges?

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Publié 15/06/2010 par Gérard Lévesque

Le 31 mars dernier, la Chambre des communes a adopté, par un vote de 140 contre 137, le projet de loi C-232, une initiative du député acadien Yvon Godin visant à modifier la Loi sur la Cour suprême en créant une nouvelle condition de nomination des juges de la Cour suprême selon laquelle ceux-ci devront comprendre le français et l’anglais sans l’aide d’un interprète. Parrainé par la sénatrice franco-albertaine Claudette Tardif, le débat en 2e lecture se déroule actuellement au Sénat du Canada.

Les juges de la Cour suprême doivent-ils être en mesure de comprendre directement la langue officielle dans laquelle une affaire est plaidée?

Aucun gouvernement fédéral n’oserait nommer un unilingue français à l’un des neuf postes du plus haut tribunal du pays car les juristes et justiciables d’expression anglaise n’accepteraient jamais qu’une cause plaidée en anglais devant la Cour suprême soit entendue par un juge unilingue français lequel serait limité à ne comprendre les plaidoiries que par la voie de l’interprétation.

Or, les députés et sénateurs conservateurs pensent qu’il est équitable qu’une cause plaidée en français devant la Cour suprême puisse être entendue par un juge unilingue anglais, limité à comprendre les plaidoiries par la voie de l’interprétation.

Leur position revient à affirmer que, devant le plus haut tribunal du pays, un francophone a le droit d’employer le français, mais n’a pas le droit d’être compris en français.

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L’opposition à ce que l’habileté linguistique fasse dorénavant partie de la compétence requise pour une nomination à la Cour suprême du Canada vient de recevoir un appui public de la part de la ministre de la Justice et procureure générale de l’Alberta.

Dans une lettre publiée dans la presse albertaine dont le Calgary Herald (Forcing bilingualism on Supreme Court would be damaging), http://documentationcapitale.ca/index.cfm?Repertoire_No=2137985599&voir=centre_detail&Id=3875
le Edmonton Journal (Alberta challenges bill requiring top court judges to be bilingual), http://documentationcapitale.ca/index.cfm?Repertoire_No=2137985599&voir=centre_detail&Id=3876 et le Red Deer Advocate (Justices need not be fluently bilingual), http://documentationcapitale.ca/index.cfm?Repertoire_No=2137985599&voir=centre_detail&Id=3877 la ministre Alison Redford indique qu’elle a écrit au ministre fédéral de la Justice pour lui faire part du fait que le projet de loi C-232 représente un risque sérieux aux intérêts des Canadiens de l’Ouest du pays, au fonctionnement adéquat de la Cour suprême et à l’intégrité du système juridique.

Alléguant qu’empêcher les Canadiens unilingues d’être juges à la Cour suprême est une erreur et que ce projet de loi est une menace à la confiance que les Canadiens ont envers leur système juridique, la ministre fait un appel à la mobilisation de tous les Albertains afin qu’ils communiquent à cet égard avec leur député et avec les sénateurs.

Le procureur général de l’Ontario devrait se sentir interpellé par l’intervention inusitée de la ministre de la Justice de l’Alberta.

Le ministre Chris Bentley devrait à son tour écrire au ministre fédéral de la Justice pour dénoncer la position de son homologue albertain en rappelant qu’en Ontario, toutes nos lois sont en français et en anglais, que nos tribunaux ont deux langues officielles et que l’accès à la justice dans la langue officielle des citoyens ne doit pas être diminué lorsqu’un dossier ontarien est déposé en Cour suprême du Canada.

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À mon avis, le ministre de la Justice et procureur général de chaque province et territoire dont les lois sont votées et publiées dans les deux langues et dont les tribunaux peuvent être saisis de dossiers dans l’une et l’autre de ces deux langues, se doit de répondre publiquement aux propos de la ministre de la Justice de l’Alberta.

Je vous invite à suivre le débat pour constater si, entre autres, le ministre de la Justice du Québec et son homologue du Nouveau-Brunswick vont défendre le droit de leurs concitoyens à l’accès à la justice dans la langue officielle de leur choix.

Auteur

  • Gérard Lévesque

    Avocat et notaire depuis 1988, ex-directeur général de l'Association des juristes d'expression française de l'Ontario. Souvent impliqué dans des causes portant sur les droits linguistiques. Correspondant de l-express.ca, votre destination pour profiter au maximum de Toronto.

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