Becquerel moins connu que Curie… mais aussi important pour le nucléaire

Un anniversaire qui ne saurait passer inaperçu

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Publié 26/08/2008 par Gabriel Racle

Dans la liste des célébrations d’anniversaires auxquels l’Organisation des Nations Unies pour l’éducation, la science et la culture (UNESCO) est associée en 2008 se trouve le 100e anniversaire de la mort d’Henri Becquerel, physicien français décédé le 25 août 1908 dans une petite ville du littoral atlantique français, Le Croisic.

Mais qui est exactement Henri Becquerel, dont le nom n’est sans doute pas aussi connu que celui de Pierre et Marie Curie, alors qu’il a pourtant obtenu le prix Nobel de physique de l’année 1903 «en récompense des services extraordinaires rendus par sa découverte de la radioactivité naturelle», tandis que les Curie l’obtenaient «pour leurs recherches communes sur les phénomènes de radiation découverts par le professeur Henri Becquerel»?

Et puisqu’il est question de radioactivité, on comprend de suite que sa découverte ait des retentissements jusqu’à nos jours, alors que le nucléaire envahit notre environnement, de manière positive ou négative, avec des centrales nucléaires, des réacteurs nucléaires propulsant des sous-marins ou des brise-glaces, la médecine nucléaire, des engins militaires destructeurs (bombes, obus) et d’autres applications. Et le nom de Becquerel est toujours d’actualité, puisqu’il se retrouve mentionné comme nom commun lors de la plupart des accidents nucléaires.

Mais comment Henri Becquerel en est-il arrivé là? Est-ce par accident, par chancre, par hasard comme on le dit parfois? C’est bien plutôt le résultat d’un travail de recherche qu’il faut replacer dans le contexte familial et scientifique de l’époque. Familial, car Henri Becquerel s’inscrit dans une filiation de physiciens, dont les travaux se complètent en quelque sorte de père en fils. C’est ce qu’explique son fils Jean: «Henri Becquerel, dans sa modestie, aimait à reporter le mérite de sa découverte sur son grand-père et sur son père: il disait que les découvertes qui s’étaient succédées depuis une cinquantaine d’années dans ce même laboratoire du Muséum [où avaient travaillé ces deux parents] formaient une chaîne qui devait nécessairement aboutir à la radioactivité.» (La Radioactivité, Paris, 1922, p. 8)

Cette citation provient d’un petit livre que vient de publier, aux éditions Belin, Loïc Barbo, Les Becquerel – Une dynastie de scientifiques (Paris, 143 p.). Ce livre, qui comporte de nombreuses illustrations et des encadrés explicatifs, est extrêmement intéressant pour faire la connaissance des Becquerel, une génération de quatre scientifiques, qui tiennent une place importante durant 150 ans d’histoire de la physique, et pour découvrir les développements de la physique durant cette période, et comment ce qui nous semble évident aujourd’hui, ne l’a pas toujours été.

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Un exemple en est la création et le perfectionnement de ce qui est pour nous une simple pile électrique, mais ne l’est devenue que par les travaux ardus de physiciens, dont Henri Becquerel.

Le grand-père, Antoine-César, et le père, Edmond, se sont intéressés par exemple, au magnétisme. «La continuité et la solidarité scientifique entre (eux) est très forte dans le domaine du magnétisme. Et ce trait marquant qui appellera l’expression de dynastie scientifique pour la famille Becquerel est sensible dans bien d’autres domaines de la physique qu’ils abordèrent.» (Barbo, p. 68)

Et l’un de ces domaines est celui de la luminescence ou émissions lumineuses, qualifiée de fluorescente lorsqu’elle ne dure qu’une fraction de seconde et de phosphorescence lorsqu’elle perdure un certain temps. Les recherches sur ces phénomènes suscitèrent l’intérêt des Becquerel pour les sels d’uranium.

Et ce sont précisément ces sels d’uranium qui vont permettre la découverte de ce qui s’appellera par la suite la radioactivité. Nous sommes en 1896. Le 8 novembre 1895, le physicien allemand Röntgen a découvert les rayons X, si communs de nos jours en médecine, pour le contrôle des bagages et d’autres utilisations.

Ces nouveaux rayons sont-ils semblables à ceux de la fluorescence des sels d’uranium? C’est le grand mathématicien Henri Poincaré qui pose la question. Henri Becquerel va vérifier cette hypothèse et constater que les rayons de l’uranium sont différents et impressionnent une plaque photographique dans l’obscurité, sans excitation électrique ou solaire. Il parle alors de rayons uraniques et, en poussant ses expériences avec différents éléments, il finit par parler de corps radioactifs, en reprenant un terme «dû à Pierre et Marie Curie, et utilisé pour la première fois par Marie Curie, le 18 juillet 1898».

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Comme le souligne Barbo: «La découverte de la radioactivité est peut-être «accidentelle». Les mérites d’Henri Becquerel sont manifestes. Contrairement à d’autres physiciens, il alliait le savoir-faire expérimental au courage «de renoncer résolument aux idées préconçues» qualité qu’il avait probablement hérité de ses parents auxquels il se sentait redevables. «Mes découvertes sont les filles de celles de mon père et de mon grand-père», aimait-il à répéter.» (p. 134)

Et dans l’avant-propos de son livre, d’une lecture facile et enrichissante, Barbo résume en quelques lignes l’importance de la découverte du physicien Henri Becquerel: «La découverte de la radioactivité n’est pas la dernière découverte du XIXe siècle finissant, mais plutôt la première du XXe siècle naissant. Elle est l’événement fondateur d’une nouvelle branche de la physique, et au-delà, d’une nouvelle ère de l’humanité: celle du nucléaire. Jamais un siècle ne se sera, pour le meilleur et hélas, pour le pire, autant identifié à un phénomène physique!»

Et le patronyme Becquerel est maintenant devenu un nom commun. Le becquerel (Bq) est une unité de mesure de la radioactivité, de la quantité de rayonnement émis par une matière radioactive. La mesure de l’activité permet de déterminer en becquerels l’importance d’une source radioactive à l’origine de la contamination atmosphérique (becquerels par mètre cube), de la contamination de surface (becquerels par mètre carré) ou de la contamination d’effluents liquides (becquerels par litre).

Et lorsque survient un accident nucléaire, spécialistes et journalistes parlent de cette mesure du Système international (SI), adopté aussi par le Canada. Ainsi, après Tchernobyl, «dans les zones les plus touchées (en France), on est monté entre 50 000 et 60 000 becquerels par mètre carré». (Commission de recherche et d’information indépendante sur la radioactivité).

Auteur

  • Gabriel Racle

    Trente années de collaboration avec L'Express. Spécialisé en communication, psychocommunication, suggestologie, suggestopédie, rythmes biologiques, littérature française et domaine artistique. Auteur de très nombreux articles et d'une vingtaine de livres dont le dernier, «Des héros et leurs épopées», date de décembre 2015.

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