Avant Sargon et Assourbanipal

Comme dans la vraie vie

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Publié 06/07/2010 par Jean-Luc Bonspiel

L’empire de Sumer, au sein duquel notre espèce apprit à écrire, brasser de la bière, et cuire du pain, offrait une mise en garde urgente à tous ses sujets: celle de ne surtout pas céder à la tentation de croire, ne serait-ce qu’un court instant, qu’il y a un au-delà plus désirable que ce moment précis que nous avons la brève joie de subir consciemment.

C’est de l’Égypte que nous avons hérité nos notions culturelles d’un voyage de l’âme. La nature illusoire de cette odyssée est soulignée par le fait que notre destin dans un monde pur et sans tache y est toujours dépendant de notre comportement dans un monde d’iniquité, censément régi par les forces du mal.

De là, il n’y a qu’un pas à faire pour créer l’esclavage et toutes les formes d’endettement, tous les bonheurs différés pour la promesse d’un bonheur plus grand.

Vivre pour un moment autre que celui-ci, un moment par définition impossible, car il n’y a finalement que celui-ci, est depuis lors le symptôme le plus caractéristique de cette maladie qui nous fait sacrifier notre vie si fragile et si éphémère pour la plus pure des illusions de gain.

Le message se tord du tympan au cerveau

C’est la pratique de l’exhumation des os de la dépouille mortelle (après le travail de décomposition des petits charognards de dernier recours vivant dans le sol) qui est à l’origine de la narrative depuis lors si tordue de la résurrection corporelle, la même relatée par Saint-Paul et ses co-religionnaires.

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Commune dans les pays du levant au début de l’ère chrétienne, la résurrection, ou récupération des os blanchis de leur matière putrescible pour ensuite les placer dans l’ossuaire qui serait leur dernière demeure, a donné lieu à de nombreuses narratives fantastiques, dont celle qui a nourri l’imaginaire de l’occident durant des siècles.

Il y a un siècle à peine, le cœur de l’Afrique – si trompeusement rapetissé par les représentations cartographiques usuelles – était aussi méconnu que les déserts blancs de l’Antarctique le sont aujourd’hui.

C’est presque la surface entière du globe qui est maintenant infectée par une entente tacite globale portant sur une seule réalité, commerciale et infiniment divisible en sources potentielles de revenu, qui finira par tuer toute créativité en devenant la monoculture humaine.

Dans les replis encore inaccessibles de la profonde Amazonie ou de la lointaine Nouvelle-Guinée, les quelques derniers peuples au contact desquels une étincelle pourrait se produire sont sur le point d’être assimilés.

Ces rares peuples que nous n’avons pas encore contactés – intensément affairés qu’ils sont par l’essentiel de la survie – vivent dans un perpétuel présent, conscients d’un seul et unique moment omniprésent et sans limites concevables, parce qu’il n’est à rien d’autre semblable.

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Qu’est-ce qu’être?

Des versions de la réalité, il y en a autant qu’il y a d’êtres humains. Et bien qu’une insistance malvenue pouvait autrefois mener jusqu’au bûcher, feindre d’être d’accord avec la version officielle est tout ce qu’on vous demande pour avoir la paix de nos jours.

C’est l’immortalité dans l’éternel présent que nous avons échangé, en goûtant au fruit défendu, pour une vie différée dans un ailleurs non-existant, au service d’un mo(nu)ment qui sera tout sauf le nôtre.

Nous ne pourrons réintégrer le Jardin que lorsque nous cesserons de croire à cette très convaincante notion humaine qu’est le temps, dont toutes les heures blessent et dont la dernière tue.

Nous devons transcender le paradoxe du barbier et répondre à la question suivante: si, dans un village donné, le seul barbier des lieux rase tous les hommes qui ne se rasent pas eux-mêmes, alors qui rase le barbier?

Quand je joue du piano, les gens lancent des briques par ma fenêtre pour mieux m’entendre.

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