Dans son Décaméron rédigé en italien, Boccace (1313-1375) parle d’un pays merveilleux où les saucisses abondent et où coule un ruisseau de malvoisie (vin blanc). Le philologue François Genin (1803-1856), dans ses Récréations philologiques, Paris, 1853, t. II, donne du mot cocagne une étymologie assez crédible.
«Cocagne est un mot italien et plus particulièrement napolitain (cuccagna). Aux XVIe et XVIIe siècles, on élevait, sur une place de Naples, une montagne en éruption qui lançait des saucisses, des viandes cuites, des macaronis, lesquels roulaient sur le fromage râpé dont la montagne était couverte; le peuple se battait pour faire bombance. Le mot aurait ensuite été introduit en France…» (Le pays de Cocagne, Internet)
Une autre description est tout aussi évocatrice du Pays de Cocagne. «Sur tous les chemins et dans toutes les rues, sont des tables dressées où l’on vient librement s’asseoir; des boutiques ouvertes où l’on peut prendre sans payer; partout des concerts, de la musique, et des danses; jamais querelle ni guerre; toutes les femmes belles enfin, et peu farouches, qu’on peut choisir à son goût, et quitter au bout de l’année. Mais ce qu’il y a surtout de merveilleux, c’est que dans ce beau pays se trouve la fontaine de Jouvence.» (Fabliaux ou contes du XIIe et du XIIIe siècle, Paris, 1779, p.227-228. Extraits, j’ai modernisé l’orthographe.)
Comme on le voit, l’imaginaire masculin s’est donné libre cours, sans doute aussi en réaction contre la morale contraignante de l’Église. Certains traits indiquent ce mouvement de contestation.
Réalités
Cette idée de fête est passée dans les mœurs sous le nom de cocagne, temps de réjouissance, de fête. Voltaire en parle dans une lettre à l’Impératrice de Russie du 18 octobre 1775: «Je vois des cocagnes pour un peuple immense, des feux d’artifice, et tous les miracles de l’opéra réunis.»