Anique Granger: un début sans pépins

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Publié 26/02/2008 par Dominique Denis

Depuis les années Polly-Esther, le duo qu’elle formait avec Rachel Duperreault, la fransaskoise Anique Granger a longtemps évolué en marge du genre de reconnaissance critique et commerciale dont bénéficièrent jadis Daniel Lavoie et Hart Rouge, ces autres représentants de la francophonie des Plaines. Mais peut-être y avait-il du bon dans ces années de gestation, qui lui ont donné le temps de préparer sa véritable entrée en solo, armée d’un répertoire qu’elle signe à part entière, paroles et musique.

Il serait facile de classer Pépins (Productions La Grange/Distribution APCM) au rayon «folk» et d’en rester là. Après tout, Anique compose à la guitare et s’accompagne d’instruments majoritairement acoustiques.

Mais ce ne serait pas rendre justice à cet album longuement mûri, tant sur le plan de l’écriture que des orchestrations, et qui contient assez de «hooks» pour espérer accrocher un plus vaste public. Un exemple parmi d’autres: Particulièrement naïve vous met pratiquement au défi de ne pas chanter son refrain qui vous reste en mémoire longtemps malgré la présence d’un banjo, instrument qu’on retrouve rarement chez les abonnés des palmarès.

Bien qu’elle la joue un petit peu trop librement sur le mode confessionnel, présumant que ses moindres états d’âme – et de chair – ont de quoi nous intéresser, Anique mise sur sa grande musicalité et un bagage d’images qui nous interpellent pour éviter l’écueil du nombrilisme, réalisant le genre de numéro de funambule musical et poétique auquel on associe Joni Mitchell, ce qui n’est pas peu dire.

Pour chaque passage qui semble tiré du journal intime d’une adolescente précoce («Je me fais des idées/Mais au moins je sais que ce sont les miennes»), Anique brosse, à coup de métaphores inspirées, une poignée de tableaux qui s’écoutent avec les yeux, comme autant de petits films dont elle tient le rôle principal («Je voudrais être l’Alaska l’été/Pour tous les livres que je n’ai pas encore lus/Pour les cafés à tes côtés/Que je n’ai pas encore bus/Pour éterniser la matinée/Mais je n’ai rien contre la nuit»).

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Une grande partie du pouvoir de séduction de Pépins est le fruit du travail du réalisateur Shawn Sasyniuk, qui a su allier profondeur et transparence pour donner à cet album une véritable identité sonore. Mais en bout de ligne, c’est l’identité d’Anique Granger – forgée de mots et de mélodies – qui nous est ici révélée, nous donnant envie de la connaître davantage.

Lambert Wilson, côté coeur

Premier constat: voilà un album qui a un son – et donc une identité – bien à lui. S’entourant de guitares acoustiques, avec quelques notes de violoncelle ou de mandoline pour la couleur, Lambert Wilson a trouvé un écrin de rêve pour sa voix chaude, qui est à son mieux dans le registre intimiste.

Avec ses échos du Brésil et de l’Espagne, Loin (Virgin/Fusion III) offre sa part de dépaysement musical, sans toutefois jouer à outrance la carte de l’exotisme.

Après une série de projets thématiques – un album consacré au répertoire du cinéma français et un hommage à Broadway – Lambert Wilson avait besoin de faire quelque chose de tout à fait différent pour assurer la transition du statut d’acteur qui chante (quoi de plus français!) à celui d’interprète à part entière.

Mission accomplie. Question de ne rien laisser au hasard, Wilson a profité de son profil enviable pour solliciter certaines des plus belles plumes de l’heure, dont Christophe Mali (Enfants de la balle), Marie Nimier (Nous deux), sans oublier Boris Bergman, qui signe le magistral Retouches, une chanson en forme de plaie vive, où la plainte d’un violoncelle fait écho à des mots qui se briseraient d’un rien («Retouches/À ces photos du présent/Avant que le temps ne les touche/À ce pont coupé entre nous/D’un seul mot de ma bouche/Mais ne retouche pas la photo du chevalier sous la pluie»).

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On attendait Lambert Wilson au virage? On attendra désormais la suite de cette histoire d’amour avec la chanson, une histoire dont nous sommes les témoins privilégiés.

Pierre Perret, côté cul

Peu importe qu’il ne trouble guère les ondes radiophonique, Pierre Perret est parmi nous depuis si longtemps, avec sa guitare, son sourire de celui qui est fier de son plus récent mauvais coup, et ses chansonnettes «éroticoquines», comme il se plaît à dire, qu’on pourrait avoir l’impression que ses gauloiseries remontent à l’époque d’Astérix et Obélix.

Pourtant, il lui aura fallu attendre l’âge vénérable de 73 ans pour enfin tomber dans la cochonceté sans équivoque. Le plaisir des Dieux (Disques Adèle/Fusion III) retrouve Perret dans le rôle d’archiviste de ces refrains de salle de gare qui, s’ils ne datent pas d’hier, n’en ont pas moins gardé leur effet de choc.

Le père Dupanloup, La carotte et Les poils du cul, que le mandat familial de cet hebdomadaire m’empêche de vous citer, me font regretter d’être né du mauvais côté de la mare, où ce genre de propos n’avait pas cours dans la cour de récréation (à sa façon, Plume Latraverse s’efforça de pallier à cette lacune, mais c’était trop peu, trop tard).

Non satisfait de reprendre mot pour mot ces refrains salés, Perret se charge de les remanier de sa plume habile, question d’en alléger certains passages ou – si vous me permettez la métaphore – d’enfoncer le bouchon. Et comme pour rappeler que ce puits patrimonial est pratiquement inépuisable, une dizaine de ces classiques ont été rassemblés en un savoureux pot pourri.

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Ajoutez à cela le sympathique La pute au grand cœur, créé par Perret pour l’occasion, et l’exhumation d’un texte inédit de Brassens (Le petit-fils d’Œdipe, qui nous rappelle que l’ami Georges aurait bien voulu mener à terme un tel projet, si cela n’avait pas brisé le cœur de sa maman), et on se retrouve avec un album qui fera le bonheur des Dieux de l’Olympe autant que les mortels en mal de plaisirs interdits.

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