Alexandre Le Grand

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Publié 12/08/2008 par Angèle Bassolé

«Un grand n’est pas un petit!» C’est ce qu’auraient sûrement dit les jeunes des quartiers urbains de Douala, Ouaga ou Abidjan à propos du monstre sacré de la littérature russe et mondiale qui vient de s’éteindre dans la nuit du 3 au 4 août 2008.

Alexandre Issaïevitch Soljenitsyne a tiré sa révérence comme 
Youssef Chahine, une semaine avant lui. Dissident jusqu’au plus profond de lui-même, il est resté tel, égal à lui-même, debout jusqu’à la mort.

Mathématicien ayant choisi avec passion la littérature, il a donné au patrimoine littéraire mondial ses plus belles pages en dénonçant l’oppression, la torture, le manque de liberté d’expression, les désillusions de la grande Russie avec ses ilots d’atrocités, d’où le titre de cette œuvre qui lui a valu l’expulsion de son pays natal, l’Archipel du goulag.

Le mot goulag est un acronyme russe des camps de travaux forcés, Glavnoe oupravlenie ispravitelno-trudovykh Lagerei. Il fait maintenant partie du vocabulaire français pour designer tout endroit où la liberté des personnes n’existe pas et où règnent la terreur et l’oppression.

En 1970, quand Soljenitsyne recevait (en réalité, il ne le recevra qu’en 1974 après son expulsion) son Nobel, j’avais 3 ans, je n’allais pas encore à l’école et je ne savais pas lire. Et voilà que vingt ans après, j’allais rencontrer son œuvre magistrale et me trouver des affinités dans le rebelle qu’il était, qu’il fut et sera à jamais.

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Que de vicissitudes il a connues pour être et demeurer écrivain. Que de menaces, que d’échappatoires face à la mort toujours sur sa trace.

Que de ressemblances entre ses descriptions de la vie dans un système oppressant avec ce que connait l’Afrique; celle de l’esclavage, celle des colonies, celle des indépendances ratées, celle encore des démocraties dévorantes, de la liberté jamais trouvée.

«A la recherche de la liberté», telle est la quête éternelle des opprimés du monde qui refusent malgré tout de courber l’échine, de laisser les oppresseurs gagner.

Il aurait pu mourir plusieurs fois sous la main de ses ennemis du KGB, de Staline et de ses sbires. Il a réussi à échapper à la mort physique mais il a été condamné à la mort intérieure, cet exil sans fin.

Expulsé de son pays en 1974 et déchu de sa citoyenneté russe suite à la publication à Paris de l’Archipel du goulag, copie envoyée là pour échapper à la censure, Soljenitsyne ne s’est vraiment décidé à publier ce livre que parce qu’une de ses proches fut torturée et pendue par le KGB.

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Celle-ci dut en effet révéler sous la torture les cachettes des papiers épars du manuscrit de l’Archipel cachés dans des jardins d’amis un peu partout.

Exilé en Allemagne, en Suisse puis finalement aux États-Unis, dans le Vermont, il n’hésitera pas non plus à critiquer sa société d’accueil dans son mode de consommation exagérée.

C’est ce qu’on appelle rester fidèle à ses idéaux.

Où qu’il soit, l’écrivain se donne le droit de dire ce qu’il pense, que cela plaise ou non.

Lui qui a écrit Les Droits de l’écrivain (1969) n’aurait pas pu se taire sur ce qu’il a pu observer de son exil occidental (L’Erreur de l’Occident, 1980).

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Rétabli dans ses droits (restitution de sa nationalité russe et publication de l’Archipel du goulag), il rentre triomphalement chez lui le vendredi 27 mai 1994. Le 12 juin 2007, il reçoit des mains de Poutine le prestigieux Prix d’État.

Voilà qui prouve que seuls les imbéciles ne changent pas. L’État qui l’a vilipendé, poursuivi et contraint à l’exil reconnait enfin en lui ce qu’il est : un enfant talentueux de Russie qui a laissé à l’Humanité une quarantaine d’ouvrages et une pensée encore à découvrir.

Un intellectuel engagé qui n’a jamais trahi ses causes ni retourné sa veste, voilà qui devrait servir de modèle à certains qui, sous d’autres cieux, choisissent de mettre allégrement leur intelligence au service de la bêtise.

Honte à eux et salut à toi, Alexandre Le Grand.

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