Alexandre Da Costa présente Nostalgia à Toronto

«Être soliste, c’est d’abord une question de tempérament»

Partagez
Tweetez
Envoyez

Publié 05/05/2009 par Dominique Denis

Il y a différentes façons d’effectuer un retour à l’âge d’or de la musique classique. Il y a la façon André Rieu, qui écoule des millions de disques en recréant une Vienne de pacotille dans ses spectacles au kitsch consommé. Et puis il y a le genre de nostalgie qu’alimente le phénomène Alexandre Da Costa, ce jeune virtuose québécois qui sillonne le globe comme une réincarnation des maîtres du tournant du dernier siècle, époque où les grands solistes – Kreisler et, avant lui, Paganini – étaient l’équivalent des vedettes rock d’aujourd’hui.

Bien sûr, il serait fâcheux de réduire Da Costa au rôle de pourvoyeur de frissons fin de siècle. Sa démarche ratisse beaucoup plus large, et son archet se frotte à des partitions plus obscures, comme celles de compositeurs du XXe siècle portugais tels Armande José Fernandes et Luis de Freitas Branco, qui lui offrent l’occasion de revisiter ses propres racines.

Mais ces temps-ci, le violoniste surfe sur une crête de popularité qui est liée à sa façon de tutoyer un tout autre univers, celui de Fritz Kreisler (1875-1962), le violoniste-compositeur qui avait poussé à son point culminant la virtuosité romantique et sensuelle («la personnification du péché», disait un de ses contemporains) au tournant du XXe siècle, tant dans ses interprétations des concertos de Beethoven et de Brahms – pour lesquelles il composa des cadences encore jouées aujourd’hui – que grâce à ses propres valses et miniatures, qui incarnaient l’élégance insouciante d’une Vienne sûre de sa place au centre de la culture européenne.

Il faut toujours penser en fonction du public

Et il faut croire que cette conception de la musique n’est pas tout à fait périmée, puisqu’un récent enregistrement des dites valses et miniatures, qu’Alexandre a réalisé avec l’Ensemble Canimex, s’est déjà écoulé à 20 000 exemplaires, chiffre quasi inespéré, de nos jours, pour un disque classique. Pour le plus grand bonheur des mélomanes torontois, plusieurs de ces pièces côtoieront des partitions de Dvorak, Mozart et Heather Schmidt au programme, lorsque Da Costa se produira le 8 mai lors du dernier concert de la saison de l’ensemble Sinfonia Toronto.

«Ce n’est pas un programme trop pointu», concède Da Costa, que L’Express a rejoint durant une trêve qu’il s’est accordée sous le soleil des Bahamas. «C’est conçu pour amener le public à ensuite aimer les autres programmes que je propose.» Le violoniste est donc conscient de la dimension stratégique – et même pédagogique – de ses choix de répertoire.

Publicité

«C’est très bon pour la musique classique qu’elle devienne un produit de consommation de masse», estime-t-il. «Il faut toujours penser en fonction du public. Si les gens ont mon disque de Kreisler, la prochaine fois qu’ils vont au magasin, ils choisiront peut-être mon enregistrement du concerto de Luis de Freitas Branco.»

Mais au-delà de leur accessibilité pour le public, les pièces de Kreisler offrent au musicien l’occasion de renouer avec une certaine conception de l’écriture.

«Il y a dans cette musique quelque chose qui aspire à une perfection violonistique. Mais ce n’est pas intimidant, c’est un plaisir de retrouver la technique de Kreisler en interprétant sa musique. Ça tombe naturellement dans les doigts. Le défi, c’est le côté musical. J’ai passé quatre ans à Vienne, et c’est une autre forme d’interprétation qu’on retrouve là-bas. Pour les Viennois, la virtuosité n’est pas dans le nombre de notes, mais dans l’interprétation.»

«Je ne crois pas au talent pur»

Natif de Montréal, Alexandre Da Costa est issu d’une famille où on a toujours accordé beaucoup d’importance à l’art, puisque sa mère est peintre et son père, comédien.

Si le fait d’être tombé dans la marmite artistique dès son plus jeune âge a prédisposé Alexandre à la carrière qu’il a choisie, cela lui a aussi donné une conscience des difficultés inhérentes à ce choix.

Publicité

«Moi, je vis bien de mon art, mais je suis une exception à cet égard. Beaucoup de musiciens virtuoses doivent accepter de faire partie d’un orchestre ou d’enseigner dans des institutions qui ne seraient pas forcément leur premier choix.»

Si Da Costa s’est retrouvé à l’avant-scène plutôt que dans l’anonymat d’une grande formation orchestrale, il faut y voir le reflet d’une disposition naturelle.

«Être soliste, c’est d’abord une question de tempérament. La virtuosité vient avec le tempérament», affirme-t-il. «Je ne crois pas au talent pur. Je crois qu’il y a une motivation interne qui fait avancer les choses. Il faut vouloir exposer des idées différentes pour s’imposer dans la tradition tout en ayant quelque chose de différent à présenter. Il faut être préparé, avoir un plan de match et…toucher du bois!»

Évidemment, cela ne nuit pas que le bois en question soit celui d’un Stradivarius…

Nostalgia, avec Alexandre
Da Costa et l’ensemble Sinfonia Toronto, vendredi 8 mai, 20h00, Grace Church on-the-Hill, 
300, chemin Lonsdale, Toronto, 416-499-0403, www.sinfoniatoronto.com

Auteur

Partagez
Tweetez
Envoyez
Publicité

Pour la meilleur expérience sur ce site, veuillez activer Javascript dans votre navigateur