Les Africains qui s’installent au Canada délaissent leur langue d’origine au profit du français ou de l’anglais, pensant ainsi favoriser l’intégration de leurs enfants. Un leurre?
Depuis que la grand-mère d’Amadou s’est installée à Montréal, l’atmosphère n’est plus la même dans la maison habitée par la famille d’origine sénégalaise. Parti très jeune du pays natal, l’adolescent est incapable de communiquer en ouolof avec la vieille dame qui, de son côté, s’exprime difficilement en français. Dès qu’il rentre de l’école, Amadou se contente donc des politesses usuelles, au grand désespoir de sa grand-mère qui ne comprend pas qu’il ne lui parle pas dans la langue de ses ancêtres.
«Cette incapacité à communiquer entre personnes de générations différentes dans une même famille n’est pas rare chez les immigrés issus des minorités linguistiques», observe Henriette Ntumba Nzuji, une intervenante sociale originaire de la République démocratique du Congo, où fleurissent quelque 250 langues ou dialectes.
Comme de nombreux immigrés, elle estime que la difficulté à concilier travail et vie familiale est à l’origine du problème: «Débordés, les parents passent des heures à travailler. Lorsqu’ils arrivent à la maison, ils disposent de très peu de temps pour enseigner la langue d’origine aux enfants.»
Communication brisée
Pourtant, la langue est le principal véhicule de transmission de la culture et des valeurs qui s’y rattachent. «Lorsque les parents parlent à leurs enfants dans leur langue d’origine, la famille reste au même diapason, explique Jenny Villa, professeur d’anglais à l’Université Concordia. Mais quand cette langue disparaît pour être remplacée par une autre, la communication peut se briser.»