À tort et à travers

Partagez
Tweetez
Envoyez

Publié 26/06/2012 par Martin Francoeur

C’est l’histoire fascinante d’un tout petit mot d’une seule lettre. Une seule lettre, une voyelle, coiffée d’un accent grave. Un mot parmi les plus utilisés de la langue française mais trop souvent malmené. La préposition «à» est certes bien utile en français, mais elle peut entraîner des fautes langagières.

L’utilisation des prépositions n’est pas sans danger. Pourquoi? Parce que bien souvent, on les utilise à tort et à travers.

Ça donne lieu à des emplois fautifs, à des anglicismes ou à d’autres impropriétés grammaticales. Et c’est surtout dans la construction d’expressions que l’utilisation des prépositions devient problématique.

Chaque fois que j’entends ou que je lis des expressions comme «à chaque fois que…» ou «à chaque jour», j’ai tendance à grimacer un peu comme quand on goûte quelque chose d’amer.

La préposition «à» placée devant un adjectif indéfini est rarement permise. C’est pourtant facile à retenir. Mais la langue courante a tendance à l’oublier.

Publicité

On ne peut pas, en français, dire «à tous les jours», ou «à chaque fois qu’elle vient», ou encore «à chaque jeudi». Le «à» est superflu.

On doit plutôt dire: «sa mère lui passe un coup de fil tous les jours», «il met un tablier chaque fois qu’il cuisine» ou encore «mon salaire est déposé chaque jeudi dans mon compte bancaire».

Dans ces cas, l’erreur ne vient pas de l’anglais, mais d’un usage fautif ou répétitif, tout simplement. Les anglophones disent «each time…» ou «each day…», par exemple. On ne peut donc pas blâmer l’influence de l’anglais ici.

Mais c’est là une exception, parce que beaucoup d’autres erreurs qui découlent de l’emploi de la préposition «à» sont en effet des anglicismes.

L’expression «à cet effet», dont l’emploi est malheureusement fréquent, est un bel exemple d’erreur commise avec la préposition «à». Il s’agit d’un anglicisme sémantique qui nous vient de l’emploi, en anglais, de l’expression: «to the effect».

Publicité

À trop vouloir bien traduire, on s’écarte parfois du bon sens et des règles élémentaires du français. On dira plutôt: «en ce sens» ou «à ce propos».

Dans un même ordre d’idées, l’expression «à l’effet que» est aussi un mauvais calque de «to the effect that».

Ainsi, au lieu de dire «la rumeur à l’effet que des élections seraient déclenchées», on dira «la rumeur selon laquelle des élections seraient déclenchées» ou «la rumeur indiquant que des élections puissent être déclenchées» ou, plus simplement encore: «la rumeur concernant le déclenchement des élections».

Dans les médias, ces erreurs sont monnaie courante. Elles se font «à longueur de semaine».

Ne cherchez pas d’erreur dans cette expression. Elle est tout à fait correcte.

Publicité

Les formes «à longueur de journée, de semaine, d’année» sont les versions correctes de «à la journée longue, à la semaine longue ou à l’année longue», qui, elles, sont fautives.

Une autre erreur fréquente découlant de l’emploi de la préposition «à» est le recours à l’expression «à date». Comme dans: «à date, nous avons 162 membres». L’anglicisme vient de l’emploi de «up to date».

De la même façon, on se doute bien que l’expression «jusqu’à date» n’est pas correcte non plus. Il faut plutôt employer des formes comme «à ce jour» ou «jusqu’à maintenant».

«Dû à» et «suite à» doivent aussi être dans le peloton de tête des expressions fautives dans lesquelles on retrouve la préposition «à». Aussi dira-t-on «en raison des mauvaises conditions météorologiques» plutôt que «dû à de mauvaises conditions météorologiques».

Ou encore «à cause de l’important nombre d’appels» au lieu de «dû au nombre d’appels». Pour ce qui est de «suite à», il faut plutôt employer «à la suite de». Ou même «après», tout simplement.

Publicité

Il faut aussi savoir qu’on ne remplace pas quelqu’un «à pied levé» mais bien «au pied levé». On ne peut pas être «à l’emploi d’une multinationale», mais bien «être employé par une multinationale» ou «travailler pour une multinationale».

On ne voyage pas «à travers le Canada», mais bien «partout au Canada» ou «aux quatre coins du Canada».

La liste des expressions fautives dans lesquelles on retrouve la préposition «à» est encore longue, malheureusement.

Il faut faire preuve de vigilance et surtout, garder en mémoire ces erreurs lorsqu’on les relève.

Bien souvent, il suffit qu’on nous dise une fois que telle expression est incorrecte et qu’on nous donne une preuve à l’appui, avec une solution de rechange, pour que ça reste gravé dans notre mémoire.

Publicité

À tout jamais.

Auteur

  • Martin Francoeur

    Chroniqueur à l-express.ca sur la langue française. Éditorialiste au quotidien Le Nouvelliste de Trois-Rivières. Amateur de théâtre.

Partagez
Tweetez
Envoyez
Publicité

Pour la meilleur expérience sur ce site, veuillez activer Javascript dans votre navigateur