À TORONTO POUR LA FRANCO-FÊTE : Ariane tisse des ponts

Une conversation avec Ariane Moffatt sur le bilinguisme, la peur et les ponts...

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Publié 12/06/2012 par Nathalie Prézeau

Musicienne touche-à-tout, incontournable au Québec et consacrée en France, Ariane Moffatt se lance sans filets dans une nouvelle aventure avec MA, son sixième disque. De retour de Paris, Bruxelles, Toulouse et des Francofolies de Montréal, l’auteure-compositrice-interprète québécoise se produira pour la deuxième fois en deux mois à Toronto le vendredi 22 juin à Harbourfront, dans le cadre de la Franco-Fête. Nathalie Prézeau l’a rencontrée pour L’Express.

NP: Comment s’est passé ton spectacle du 25 mai au Drake?

Ariane Moffatt: Ça a été mon expérience la plus ultime du bilinguisme! Des Anglo-Québécois, des Québécois, des Franco-Ontariens… J’ai fini par jouer avec ça, avec les langues. Les interventions entre deux chansons se faisaient en français, en anglais. C’était plein, super ambiance!

Ce qui est l’fun dans cette espèce d’aventure de développement de nouveaux marchés, que ce soit à New-York ou à Toronto, c’est qu’il y a toujours des Québécois qui y travaillent, qui me connaissent. Pour moi, ce sont mes assises. C’est agréable parce que ça fait un pont avec les nouveaux spectateurs.

Le 15 juin, Ariane fait le Festival de la chanson de Tadoussac. Le 22 juin, elle vient nous voir pour la Franco-Fête de Toronto. Puis le 6 juillet, elle sera de la Fête fransaskoise en Saskatchewan.

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NP: Approcheras-tu ces trois spectacles de la même façon?

AM: Oui, parce que ce sont des shows de style festival… même si je trouve ça un peu «ackward» d’être invitée avec un contenu pour la première fois bilingue dans des festivals francos un peu partout. Ça doit être ce pont-là qui est possible… Mais je vais en découverte en ce qui concerne Toronto et la Saskatchewan. C’est quoi le public de la Franco-Fête, en fait?

Je lui explique qu’au Drake, elle a fait l’expérience du «melting pot» bilingue. À la Franco-Fête, elle peut s’attendre à l’expérience ultime du mix francophone: Québécois, Franco-ontariens, Français, francophones d’autres pays et francophiles bien «entraînés» par leurs conjoints ou amis.

NP: C’est très familial. Et nous, les parents, on veut montrer à nos enfants que le français, c’est cool! Alors quand il y a une fille branchée qui chante en français, en anglais, qui nous parle en français, et qui est drôle, ça aide notre cause.

AM: Mon geste d’avoir chanté en anglais, finalement je réalise qu’il m’aide à être l’ambassadrice du français. J’ai la preuve dans ma poche! Je peux aller à New York, à Toronto, et emporter le français avec moi!

NP: Comment les anglophones au Canada et aux États-Unis ont-ils réagi à ton matériel français?

AM: Je pense qu’il y a un aspect qu’ils trouvent exotique, charmant. C’est là qu’on découvre aussi que la curiosité pour la langue, elle est là. La beauté de cette langue… Comme je l’ai expérimenté moi-même en tant que francophone qui écoutait de la musique anglaise sans comprendre tous les mots, ça m’empêchait pas d’être «dedans».

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NP: En écoutant ton DVD À la station c, sorti en 2005, j’ai remarqué que tu avais déjà une chanson en anglais, ainsi que dans ton disque Le Coeur dans la tête. Puis il y a eu un CD compilant tes interprétations des chansons anglaises de la série télévisée québécoise Trauma. On pourrait s’étonner de l’étonnement des gens face à ton disque bilingue MA, non?

AM: C’était inconsciemment annoncé dans la tête des gens! Ma langue maternelle, d’emblée, c’est la priorité. Mais de par mon éducation musicale, mon background, même mon quotidien (j’ai des amis anglophones), je pense que j’ai toujours eu en moi ce besoin de m’exprimer aussi en anglais à travers la musique. L’album de Trauma a été un bon pont, une carte de visite pour dire aux gens: «Voici! C’est moi en anglais; ça fait pas mal!» L’aspect bilingue est important pour moi, pour montrer la réalité sociale de mon quartier.

NP: Je lisais que tu as fait une visite d’une semaine dans le Grand Nord où ton frère a fondé un camp de basketball pour les jeunes. Tu y as enregistré du rap avec des ados inuits qui faisaient du chant de gorge, en anglais, en français. Ça t’aurait «ouvert les valves»?

AM: Après cette expérience, je me suis dis: «Voyons, j’ai pas à avoir peur de faire ce que j’ai envie de faire ça, comme ça se présente. Let’s go!»

NP: Tu viens de mentionner le mot «peur». Depuis le début de ta carrière, t’as jamais l’air d’avoir peur, et pas de peur, pas de gros égo. Que dirais-tu à ceux qui te regardent aller et pensent que c’est facile pour toi parce que «t’es faite comme ça, t’es forte»?

AM: Oh non! Je répondrais qu’au contraire, j’ai beaucoup de fragilité, mais j’essaie de gérer mes peurs. J’essaie d’affronter ou de regarder ça, sans jouer de “game”. Peut-être que ce qui donne une impression légère, c’est parce que je regarde mes peurs, et j’essaie de m’en occuper, de ne pas me mentir à moi-même. C’est un travail humain que tout le monde fait un moment donné dans sa vie.

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Avec pareille philosophie, pas étonnant que les textes d’Ariane Moffat soient aussi universels.

Vous pouvez entendre des extraits de tous les albums d’Ariane sur son site www.arianemoffat.com.

On pourra la voir en spectacle à Harbourfront le vendredi 22 juin à 21h. En première partie à 19h, on aura la chance de découvrir le duo original du rappeur Samian, alliant son urbanité à la culture algonquine de sa grand-mère, et d’Anodajay, surnommé le «rappeur des bois», de Rouyn Noranda. C’est le temps de sortir vos ados. Le français n’aura jamais sonné aussi «cool»!

Lire aussi l’article Soundcheck au Drake de Nathalie Prézeau.

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