À Paris, Pauline Marois critique la politique étrangère du Canada

Partagez
Tweetez
Envoyez

Publié 16/10/2012 par Michel Dolbec (La Presse Canadienne)

17 oct 2012 15h04

PARIS – Le Québec ne se reconnaît plus dans la politique étrangère actuelle du Canada, qui ne correspond ni à ses valeurs ni à ses intérêts.

C’est ce qu’a déclaré la première ministre Pauline Marois, mardi à Paris, dans une allocution devant l’Institut français de relations internationales (IFRI), un « think tank de référence sur les questions internationales ».

Devant une centaine d’étudiants, d’experts et autres habitués des cercles franco-québécois, Mme Marois a critiqué les positions défendues par le gouvernement de Stephen Harper sur la scène internationale.

Selon elle, les Québécois « ne se reconnaissent plus guère dans la politique étrangère canadienne, qui tourne le dos à sa tradition d’ouverture, de médiation et de multilatéralisme ». Pendant 50 ans, cette tradition, a-t-elle rappelé, a été inspirée par l’ancien premier ministre Lester B. Pearson, « l’inventeur du concept du maintien de la paix » et Prix Nobel de la Paix.

Publicité

« La politique étrangère actuelle du Canada ne correspond ni à nos valeurs ni à nos intérêts », a poursuivi la première ministre, en rappelant que les positions d’Ottawa en matière de lutte contre les changements climatiques sont, par exemple, « aux antipodes de celles du Québec ».

L’ex-ministre conservateur Jean-Pierre Blackburn, maintenant ambassadeur du Canada à l’UNESCO, assistait à cette conférence. Interrogé par les journalistes, il n’a pas réagi à l’attaque même s’il n’a pas semblé l’apprécier, parlant simplement d’un discours « intéressant », éventuellement « inspirant » pour ceux qui partagent le point de vue d’un gouvernement « qui veut l’indépendance du Québec ».

Au Sommet francophone de Kinshasa en fin de semaine dernière, Mme Marois a rencontré M. Harper pour la première fois depuis son élection. L’occasion ne s’y prêtant guère, sans doute, elle ne s’était pas montrée aussi critique, parlant même d’une rencontre « presque chaleureuse ». En conférence de presse, elle s’est défendue d’avoir soudainement changé de ton face à Ottawa.

« On n’a pas durci le ton. Ce sont des choses que l’on dit depuis un long moment. On l’a fait lorsque nous étions dans l’opposition. Maintenant que nous sommes au gouvernement, nous tenons le même langage. (…) Nous sommes en désaccord et nous le disons autant au Québec qu’à l’étranger », a dit Mme Marois, estimant avoir parlé « très simplement mais très fermement ».

Après ce discours devant l’IFRI, la première ministre s’est rendue à l’Hôtel Matignon, où elle a été reçue par son homologue Jean-Marc Ayrault. À l’issue de l’entretien de 45 minutes, celui-ci a parlé d’une rencontre « plus que cordiale, chaleureuse et amicale ».

Publicité

On peut penser que celle que Pauline Marois a eu ensuite avec le ministre du Budget et des Finances Pierre Moscovici l’a été bien davantage. M. Moscovici est un grand ami du Québec et plus encore du Parti québécois. Très proche de François Hollande, il a joué un rôle important dans le retour à la « non-ingérence, non-indifférence » annoncé lundi par le président et qui n’était pas encore acquis en fin de semaine, croit-on savoir.

« Je suis très heureux que le président de la République ait repris cette formule à laquelle je tenais, parce que je crois qu’elle est juste. Je crois que ça définit bien ce qu’est notre relation fraternelle, dans la liberté et la souveraineté, c’est le cas de le dire, de chacun », a-t-il déclaré lors d’un point de presse avec Mme Marois.

Au fil de ses rencontres mardi, Mme Marois a parlé de libre-échange Canada-Europe, de jeunesse, d’innovation, d’économie solidaire, etc. En début de journée, à la radio d’État France Inter, comme à l’IRIF juste après, elle a aussi expliqué les grandes priorités de son gouvernement: la gouvernance souverainiste, la langue, la Charte de la laïcité, l’adoption d’une constitution, la création d’une citoyenneté québécoise.

Interrogée par l’intervieweuse vedette de la maison, Pascale Clark, elle a souligné qu’un référendum sur l’indépendance du Québec était « difficilement imaginable aujourd’hui » compte tenu de la situation de son gouvernement.

« Ce serait difficile de tenir un référendum, mais ce n’est pas non plus impossible. Cependant, comme mon parti est minoritaire et qu’il doit faire adopter cette option à l’Assemblée nationale face à deux oppositions fédéralistes, on peut difficilement penser que ce soit possible », a-t-elle dit.

Publicité

Vu du Québec, cela sonne comme une évidence mais les auditeurs français l’apprenaient.

En soirée, le délégué général du Québec, Michel Robitaille, donnait un dîner officiel en l’honneur de la première ministre. Autre témoignage d’amitié sans équivoque: sept ministres – le tiers du gouvernement Ayrault – y étaient attendus.

Non ingérence, non indifférence

Par ailleurs, Nicolas Sarkozy parti, la droite française revient elle aussi à la « non-ingérence, non-indifférence » à l’égard du Québec, une formule qu’elle avait inventée à l’époque du président Giscard d’Estaing et avec laquelle le président François Hollande a officiellement renoué.

La première ministre Pauline Marois a pu le vérifier mercredi, au dernier jour de sa visite en France, en recevant coup sur coup à la résidence du délégué général du Québec à Paris « trois grands amis du Québec », les anciens premiers ministres Jean-Pierre Raffarin, Alain Juppé et François Fillon.

« Nous avons eu un excellent échange avec les gens de la droite, qui tout au long des dernières années, en particulier messieurs Raffarin et Juppé, sont restés en constant dialogue avec nous. Leur attitude n’a pas changé », a dit Mme Marois en évoquant son dîner avec les deux hommes.

Publicité

« Ce que l’on souhaitait, c’est qu’ils s’inscrivent eux aussi dans la continuité de la position (traditionnelle de la France). Ils sont d’accord avec cette perspective de la non-ingérence, non-indifférence », a poursuivi la première ministre.

Interrogés par des journalistes qui faisaient le pied de grue en bas de la résidence du délégué général Michel Robitaille, avenue Foch, à deux pas de l’Arc de Triomphe, MM. Raffarin, Juppé et Fillon ont pris leurs distances avec la position de l’ex-président Sarkozy sur le Québec.

Dans le cas de deux premiers, ce n’est pas une surprise. Jean-Pierre Raffarin, qui avait été le premier à voir venir la rupture sarkozienne avec le « ni-ni » en 2009, ne l’avait jamais approuvée, pas plus que le discours dans lequel le président associait le mouvement souverainiste québécois à la « détestation de l’autre » et à l’enfermement sur soi. Alain Juppé n’avait pas vraiment cherché à cacher non plus qu’il la désapprouvait, avant de souhaiter ouvertement le retour à la « non-ingérence, non-indifférence ».

François Fillon, le premier ministre de Nicolas Sarkozy, parlait de cette affaire pour la première fois. Pour lui, des « mots ont peut-être été mal compris » à l’époque, mais dans les faits, plaide-t-il, il n’y a « jamais eu de changements » dans la politique réelle de la France face au Québec.

Lundi matin à l’Élysée, le président Hollande a assuré que cette politique, vieille de 30 ans, « prévaut toujours ». On dit que le ministre français des Finances, Pierre Moscovici, grand ami du Québec et du Parti québécois, a joué un rôle déterminant dans ce dénouement.

Publicité

« Nous sommes très contents du résultat », a déclaré Mme Marois mercredi en dressant le bilan de sa première visite en France en tant que première ministre.

Auteur

Partagez
Tweetez
Envoyez
Publicité

Pour la meilleur expérience sur ce site, veuillez activer Javascript dans votre navigateur