À l’heure du numérique, comment sauver nos médias?

La plus grave crise depuis l'invention de l'imprimerie

Sheila LeBlanc inscrit une idée lors du Forum sur l'avenir des médias francophones. Photo: Alexandre Pirottin
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Publié 11/10/2019 par Lucas Pilleri

À l’heure du numérique, comment sauver nos médias? Une centaine de chercheurs et participants se sont penchés sur la question.

Du 4 au 6 octobre à l’Université Sainte-Anne en Nouvelle-Écosse, le grand colloque Les médias francophones sous toutes leurs coutures est revenu sur le rôle des médias, leurs défis et occasions en cette période de crise inédite.

Bannir la gratuité

«La rupture qu’on vit aujourd’hui est probablement la plus grave crise à laquelle les médias sont confrontés depuis la création même de l’imprimerie», estime Sylvain Lafrance, présentateur de la conférence d’honneur.

Le professeur à HEC Montréal et président du conseil d’administration de TV5 Numérique a décrypté les origines de la crise des médias avant d’en venir à plusieurs recommandations.

En premier lieu: bannir la gratuité. «L’information doit avoir un prix car elle a un coût», raisonne-t-il.

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Selon lui, le citoyen doit mettre la main à la poche s’il veut sauver la démocratie. «La gratuité entraîne une déresponsabilisation du citoyen face aux grands enjeux démocratiques et culturels. Les citoyens doivent accepter de s’impliquer.»

Sylvain Lafrance. Photo: Alexandre Pirottin

Engagement du gouvernement

En pleine révolution numérique, et pour affronter les imposants GAFA (Google, Apple, Facebook et Amazon), les médias devraient aussi pouvoir compter sur le gouvernement, croit Sylvain Lafrance.

Le professeur appelle à réinvestir de l’argent publicitaire dans les journaux et radios traditionnels, mais aussi à réformer les lois sur les droits d’auteur, la radiodiffusion et les langues officielles.

«Très souvent, les ministres disent qu’il faut accepter que le monde devienne numérique, accepter de changer, mais les lois, règlementations et financements publics ne changent pas.»

Rétablir la crédibilité des médias

Au-delà de la question financière, l’intervenant relève aussi la question de la découvrabilité des produits de langue française. À ses yeux, les gros diffuseurs comme Radio-Canada, TFO et l’ONF ont un rôle à jouer dans la visibilité des contenus, trop souvent noyés dans l’abondance du web.

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En outre, Sylvain Lafrance se dit favorable à la création d’un tribunal de la presse indépendant pour s’assurer du respect des normes journalistiques et rétablir la crédibilité des médias auprès du public.

Plusieurs conférences, tables rondes et forums ont ponctué les trois jours du colloque. Photo: Alexandre Pirottin

Moins de revenus, plus de partenariats?

En marge du colloque, le consultant Martin Théberge a animé un forum afin de développer des pistes de solutions pour un avenir meilleur de l’industrie.

Responsables communautaires, représentants du gouvernement, journalistes, chercheurs et citoyens lambdas sont tombés d’accord pour dire que plus de collaboration s’avérait cruciale en ces temps incertains.

«Il faut penser autrement, analyse le conseiller. Plutôt que d’avoir plus de revenus, on peut réduire les dépenses et gagner en efficacité. C’est toute la question des partenariats.»

Un rapprochement avec les universités pourrait par exemple ouvrir la voie à de nouvelles pistes. Également, le partage de ressources entre médias, autant humaines que matérielles, offrirait une solution.

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«Arrêtons de travailler en silo, parlons-nous», a lancé à son tour lors d’une table ronde sur le pouvoir des médias Linda Lauzon, directrice de l’Association de la presse francophone.

Des citoyens-journalistes?

Pour pallier le manque de personnel, certains avancent l’idée de journalisme citoyen.

Dans le cadre du colloque, une courte formation intitulée SOS Médias! a été offerte à une quinzaine de francophones vivant en situation minoritaire désireux de couvrir leurs réalités.

«L’objectif est d’outiller les gens de la communauté pour qu’ils puissent participer à la vie médiatique dans leur région», indique Natalie Robichaud, directrice générale de la Société acadienne de Clare, à l’origine du projet.

«Il y a plein de choses qui se passent dans nos régions, mais il n’y a pas assez de journalistes», présente la responsable.

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À titre d’exemple, des apprentis pigistes ont été mandatés pour produire des textes et capsules radiophoniques couvrant le colloque, qui seront ensuite publiés dans Le Courrier de la Nouvelle-Écosse, le seul journal en français de la province comptant seulement deux employés.

Faut-il pour autant y voir une solution durable pour sauver le journalisme en milieu minoritaire?

Le campus principal de l’Université Sainte-Anne. Photo: Alexandre Pirottin

Auteur

  • Lucas Pilleri

    Journaliste à Francopresse, le média d’information numérique au service des identités multiples de la francophonie canadienne, qui gère son propre réseau de journalistes et travaille de concert avec le réseau de l'Association de la presse francophone.

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