Corruption: un sous-traitant a reçu des menaces de mort

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Publié 16/11/2012 par Lia Lévesque (La Presse Canadienne)

à 15h32 HNE, le 15 novembre 2012.

MONTRÉAL – Un sous-traitant en céramique de Québec, Martin Carrier, a répété jeudi à la Commission Charbonneau qu’il avait reçu des menaces de mort parce qu’il avait obtenu un contrat à Montréal. Il a aussi révélé avoir reçu des années plus tard une carte de condoléances et savoir qu’un autre entrepreneur de Québec aurait reçu un appel similaire.

M. Carrier, de Céramiques Lindo, a relaté qu’en janvier 2004, après avoir obtenu un sous-contrat pour un pavillon de l’Université de Montréal, il a reçu un appel menaçant de Francesco Delbalso.

«Vous avez fait des travaux de céramique à Montréal? On aimerait ça que tu viennes plus ici faire des travaux. La prochaine fois, tu partiras pas d’icitte, okay?» lui dit l’homme, qui refuse de s’identifier.

C’est plus tard, par la police, qu’il a su qu’il s’agissait de Francesco Delbalso.

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Ces menaces avaient déjà fait l’objet d’un reportage à la télévision de Radio-Canada en novembre 2010.

Francesco Delbalso a été identifié par le policier enquêteur de la commission Éric Vecchio comme membre de la cellule de Francesco Arcadi, qui répondait directement au clan Rizzuto.

Le policier Vecchio a rencontré M. Delbalso, emprisonné au pénitencier de Drummondville, et celui-ci a admis avoir fait l’appel à M. Carrier «pour rendre service à Nick Rizzuto senior». Ce dernier, le père du parrain Vito Rizzuto, a depuis été assassiné dans sa résidence.

L’enquêteur Vecchio a aussi précisé qu’il avait rencontré M. Delbalso une seconde fois, pour lui remettre une assignation à comparaître. Il semble donc que celui-ci sera appelé à témoigner devant la Commission Charbonneau.

Quant au témoin Martin Carrier, il a également révélé qu’en février 2011, soit des années plus tard, il a reçu à ses bureaux une carte de souhaits de condoléances. «Cher ami, ne soumissionne plus à Montréal, tu risques de voir ta famille recevoir une carte identique à celle-là. Dernier avis», y est-il écrit.

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«Je ne vois pas qui d’autre veut m’empêcher de soumissionner à Montréal», a affirmé M. Carrier.

Interrogé par le procureur de la commission, Me Denis Gallant, M. Carrier a indiqué qu’à sa connaissance, un autre entrepreneur de la région de Québec avait reçu le même genre d’appel de Delbalso.

La présidente de la commission, la juge France Charbonneau, a félicité l’entrepreneur pour son courage. «Je vous remercie infiniment et je vous félicite pour le courage exceptionnel dont vous faites preuve et j’encourage d’autres personnes à faire comme vous», lui a-t-elle dit.

Un surveillant de chantier a refusé de l’argent

Par ailleurs, un surveillant de chantier à la Ville de Montréal, Michel Paquette, a indiqué jeudi à la Commission Charbonneau avoir reçu une offre d’argent, une invitation à faire partie d’un système de corruption. Il assure avoir refusé cette offre.

En 2002, l’entrepreneur Tony Conte, de Conex Construction, aujourd’hui décédé, lui aurait demandé s’il «voulait faire plus d’argent», a relaté le témoin, qui est agent technique et qui surveille les chantiers de construction.

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M. Paquette affirme qu’il a dit à l’entrepreneur qu’il ne voulait pas participer à un tel système. «Catégoriquement, j’ai dit non j’embarque pas là-dedans», a-t-il rapporté à la commission.

Il n’a parlé à personne de cet incident, disant craindre de perdre son emploi s’il révélait avoir été victime d’une tentative de corruption. «J’ai préféré garder ça pour moi.»

À partir de ce moment, a-t-il admis, il a commencé à se douter que quelqu’un de plus élevé que lui dans la hiérarchie de son département pouvait avoir accepté pareille offre d’argent.

«J’avais des doutes», a fini par admettre le témoin, après avoir pourtant affirmé quelques minutes auparavant qu’il n’avait même pas eu vent de rumeurs de dons en argent dans son département.

Mais il n’en avait aucune preuve, n’a vu aucun échange d’argent, n’a remarqué aucune hausse de train de vie chez ses collègues, a-t-il soutenu.

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M. Paquette, un technicien en génie civil de formation, a déjà admis avoir reçu des billets de hockey de la part d’entrepreneurs, des bouteilles de vin à Noël, avoir participé à des parties de golf avec des entrepreneurs et ses patrons, avoir lunché avec des représentants d’entreprises de construction.

Il a avoué qu’il ressentait un certain malaise à recevoir ces bouteilles de vin au bureau et qu’il a spécifiquement demandé à les recevoir plutôt à la maison. Il craignait que cela «fasse jaser les gens» dans son département de la voirie, a-t-il témoigné. «Je pouvais deviner que ce n’était pas tout à fait éthique.»

En contre-interrogatoire, le procureur de la Ville de Montréal, Me Martin St-Jean, a démontré qu’un bordereau de quantités rempli par M. Paquette sur un chantier ne comptait plus les mêmes chiffres lorsqu’il était passé entre les mains de l’ingénieur Luc Leclerc, son supérieur. Il y avait 333 mètres d’écart entre les deux bordereaux.

Or, M. Leclerc a déjà admis avoir falsifié les chiffres pour satisfaire les entrepreneurs et toucher ainsi de l’argent des «extras» que ceux-ci réclamaient à la Ville.

M. Paquette a témoigné du fait que c’est M. Leclerc lui-même qui lui demandait de ne pas mettre ses bordereaux de calculs dans le dossier du chantier et de les garder pour lui. C’est M. Leclerc qui inscrivait ensuite les «nouveaux» chiffres dans le bordereau.

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Hockey et golf

Un autre surveillant de chantier qui effectuait le même travail, François Thériault, a affirmé n’avoir reçu que peu d’avantages, soit encore moins de bouteilles de vin que son collègue Michel Paquette et quelques billets de hockey. Il a aussi joué au golf une fois avec l’entrepreneur Tony Conte, mais assure qu’il a payé son voyage de golf.

Pourtant, le 1er octobre, l’ex-dirigeant d’Infrabec Lino Zambito avait affirmé que François Thériault «chargeait 15 pour cent sur les faux extras» réclamés à la Ville par les ingénieurs au profit des entrepreneurs.

M. Thériault a soutenu avoir été «choqué» en entendant le témoignage de l’ingénieur Luc Leclerc, qui a admis avoir touché des centaines de milliers de dollars en faux extras. Ça a été «une surprise totale» pour lui, même si 70 pour cent de ses contrats étaient réalisés avec Luc Leclerc.

Contrairement à M. Paquette, il a affirmé ne pas avoir été approché par un entrepreneur qui voulait le corrompre.

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D’autres reportages de la Presse Canadienne sur les audiences de la Commission Charbonneau.

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