À propos des saints

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Publié 30/10/2012 par Martin Francoeur

Je faisais récemment remarquer à un ami européen qui était en visite au Québec à quel point la toponymie de la Belle Province est influencée par les noms de saints. Il suffit de porter attention aux panneaux le long des autoroutes ou aux panonceaux sur lesquels on inscrit les noms de rues pour le constater.

Cela fait partie de l’histoire et de la culture québécoise. L’importance de la religion dans le développement du territoire est non négligeable. Et elle a laissé des traces dans la toponymie.

Cela m’a donné l’idée de me pencher un peu sur les différents emplois de l’adjectif «saint» dans la langue française. D’abord quand on l’associe à des personnes, le mot «saint» s’écrit avec une minuscule.

On parle des «saints Apôtres», de l’«Évangile selon saint Luc», de la «sainte Famille» ou de la «sainte patronne des musiciens». Récemment, on a procédé à la canonisation de «sainte Kateri Tekakwitha».

Lorsqu’on met une majuscule et un trait d’union, on parle d’un concept bien précis, généralement d’une fête ou. Aussi écrira-t-on «la Saint-Jean-Baptiste» ou «la Saint-Sylvestre».

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Dans la désignation d’un lieu ou d’une église, on gardera aussi la majuscule et le trait d’union. On va à Saint-Jérôme, dans le quartier Saint-Michel, sur la rue Saint-Denis, près de l’église Saint-Joseph. Les anglophones, vous l’aurez remarqué, ont une toute autre façon d’employer et d’abréger le mot «saint» dans de telles utilisations: Sault Ste. Marie, St. Louis… En français, on ne met pas de point quand on abrège le mot «saint».

Bien sûr, on peut employer l’adjectif «saint» dans d’autres contextes. En parlant des «lieux saints», par exemple. Ou en disant de quelqu’un qu’il est «un saint homme». Une «année sainte» ou une «sainte colère», par exemple.

Là où ça devient intéressant, c’est lorsqu’on constate que des noms communs sont en fait des mots composés avec «saint» ou «sainte». Plusieurs se sont taillé une place dans notre vocabulaire.

On peut d’abord penser au «saint-bernard», cette célèbre race de chiens de montagne. On remarquera que lorsqu’on transforme des noms de saints en noms communs, comme on le fait avec saint-bernard, le nom propre perd sa majuscule.

C’est le cas aussi de «saint-honoré», qui désigne un succulent gâteau garni de crème Chantilly et de petits choux glacés au sucre. Un «saint-crépin» évoque l’ensemble des outils du cordonnier, alors qu’un «saint-émilion» désigne un vin rouge corsé, produit sur les coteaux de Saint-Émilion. Si on trouve des vins avec des noms de saints, on trouve aussi des fromages. Le «saint-nectaire» est emprunté au nom de lieu d’où il origine.

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Même chose pour le «saint-paulin» et pour le «saint-marcellin». Du côté des poissons, on peut manger un «saint-pierre».

On a tous déjà entendu ou employé l’expression «à la saint-glinglin» pour vouloir dire «jamais». Elle vient de l’onomatopée produite par la sonnerie d’une cloche, utilisée par plaisanterie pour désigner un saint qui n’existe pas.

Parmi les autres noms composés avec «saint», on note le «saint-frusquin», qui désigne ce qu’on a d’argent, ce qu’on possède.

Si on déménage, on peut emporter avec soi les meubles, les électroménagers et tout le saint-frusquin.

Enfin, dans le vocabulaire de la papauté, on emploie fréquemment le mot «Saint-Père» avec des majuscules pour désigner le pape lui-même. Toujours avec des majuscules, on dira le «Saint-Siège» pour désigner le pouvoir ou le gouvernement du souverain pontife.

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Enfin, il y a cette curieuse expression qui nous revient lorsqu’un chef de gouvernement nouvellement élu forme son cabinet.

On entend alors dire que certains députés entrent au «Saint des Saints» lorsqu’ils accèdent au conseil des ministres. Mais d’où vient cette expression?

En archéologie, le «Saint» (avec une majuscule) désigne l’espace qui s’étendait devant la partie la plus sacrée du Temple.

Et le «Saint des Saints» désigne l’enceinte du Temple la plus sacrée, celle dans laquelle l’arche d’alliance était enfermée. Dans ces expressions, on parle du temple construit par Salomon sur l’ordre de Yahvé, détruit puis rebâti au sixième siècle avant Jésus-Christ, et qui fut anéanti à la prise de Jérusalem en 70.

L’expression le «Saint des Saints» a donc été employée au sens figuré pour désigner la partie la plus secrète et la plus importante, qui doit demeurer interdite et cachée au profane.

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Puisqu’un conseil des ministres regroupe un ensemble de personnes qui sont appelées à prendre des décisions importantes, qui ont accès à des informations privilégiées et qui doivent demeurer discrètes quant à certains dossiers qui leur passent entre les mains, alors on a jugé bon de lui attribuer l’expression «Saint des Saints».

Les réunions d’un conseil des ministres se déroulent à huis clos, à l’abri des caméras.

Voilà de quoi nous donner un éclairage digne de celui que certains souhaiteraient avoir en invoquant les saints…

Auteur

  • Martin Francoeur

    Chroniqueur à l-express.ca sur la langue française. Éditorialiste au quotidien Le Nouvelliste de Trois-Rivières. Amateur de théâtre.

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