Le festival ImagiNATIVE met en lumière les artistes autochtones

Deux films aux sujets poignants

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Publié 30/10/2012 par Guillaume Garcia

Créé en 1998, le festival imagineNATIVE du film célèbre les œuvres d’artistes autochtones à l’avant-garde de l’innovation dans le domaine du cinéma, de la vidéo, de la radio et des nouveaux médias. La dernière édition du festival a eu lieu du 17 au 21 octobre derniers, une occasion de mettre en lumière deux productions cinématographiques qui ont marqué L’Express.

The People of the Kattiwapiskat River, d’Alanis Obomsawin

À l’automne 2011, la collectivité Attawapiskat des Premières nations, dans le Nord de l’Ontario, se retrouve au centre de l’attention médiatique, aux prises avec une grave crise du logement. La communauté autochtone établie sur la rive ouest de la baie James, déclare l’état d’urgence.

De nombreuses familles vivent dans des cabanes ou des tentes sans électricité ni eau courante. L’hiver, dans ses régions, la température peut descendre jusque -50°C. Les médias s’emparent du problème, le gouvernement envoie un émissaire… Les Canadiens prennent conscience des conditions dans lesquelles certains de leurs compatriotes vivent et c’est l’émoi.

Des conditions déplorables

La célèbre réalisatrice de descendance autochtone, Alanis Obomsawin décide de se pencher sur la crise du logement qui sévit et sur ses causes. Elle rencontre des familles contraintes de dormir dans des abris de fortune mal chauffés, vivant dans des conditions comparables à celles du tiers monde.

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Caméra au poing, elle se rend sur les bords de la rivière Kattiwapiskat et entre dans les «maisons» des habitants. Les images parlent d’elles-mêmes. La salubrité est inexistante. On découvre une mère vivant avec ses deux enfants dans un ancien bâtiment composé de petites chambrettes destinées à accueillir des prospecteurs miniers seuls. L’endroit n’est pas chauffé, comme de nombreuses cabanes que la réalisatrice nous dévoile.

Le fort taux de natalité pousse les jeunes couples à vivre chez leurs parents, dans des maisons surpeuplées, ou à partir se loger dans des abris normalement utilisés comme débarras.

La sécurité laissée de côté, plusieurs de ces abris de fortune sont reliés à l’électricité par des rallonges qui passent de maison en maison. Les habitants de ces cabanes doivent aller chez leur famille pour se laver, et chercher de l’eau. Les images sont difficiles à regarder. En quelques années, le petit village a vu sa population exploser, sans pour autant que la construction de nouvelles maisons ne soit enclenchée.

Un village coupé du monde

Coupé du monde, le territoire d’Attawapiskat ne peut se permettre «d’importer» des matériaux de construction vu le coût rédhibitoire du transport. Alors on fait comme on peut, en faisant tout tenir avec des bouts de ficelle. Dans plusieurs foyers, les parents voient leurs enfants tomber malades à longueur d’année à cause de la moisissure des murs, des plafonds, de l’humidité et surtout des trous qui laissent passer l’air glacial du Grand Nord.

Loin des yeux, loin du cœur, ces hommes, femmes et enfants n’ont personne à qui s’adresser, leurs cris se perdent dans le vide qui les entoure. Partout ils font face à des murs. Alors que les résidents croupissent dans la pauvreté, tout à côté, à moins de 100 km, on exploite la mine de diamant Victor Diamond depuis 2008. Les accords passés ont été signés au détriment des habitants d’Attawapiskat, qui ne bénéficient pas des retombées économiques de la mine.

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Les Canadiens aiment donner pour les grandes causes humanitaires. Parfois il ne faut pas aller bien loin pour voir des situations catastrophiques. Parfois, il suffit de regarder devant sa porte et c’est ce qu’Alanis Obomsawin montre si bien dans son documentaire.

Nous n’étions que des enfants, de Tim Wolochatiuk

Durant plus d’un siècle, au Canada, des enfants autochtones ont été tenus, par la loi, de fréquenter des pensionnats dirigés par le clergé, une pratique d’assimilation aujourd’hui considérée comme une tragédie nationale et culturelle.

Des excuses tardives

Nous n’étions que des enfants s’attaque à ce pan sombre de l’histoire canadienne, dont le Premier ministre Stephen Harper s’est excusé que très récemment, en juin 2008 en prononçant ces mots: «Pendant plus d’un siècle, les pensionnats indiens ont séparé plus de 150 000 enfants autochtones de leurs familles et de leurs communautés. Dans les années 1870, en partie afin de remplir son obligation d’instruire les enfants autochtones, le gouvernement fédéral a commencé à jouer un rôle dans l’établissement et l’administration de ces écoles. Le système des pensionnats indiens avait deux principaux objectifs: isoler les enfants et les soustraire à l’influence de leurs foyers, de leurs familles, de leurs traditions et de leur culture, et les intégrer par l’assimilation dans la culture dominante. Ces objectifs reposaient sur l’hypothèse que les cultures et les croyances spirituelles des Autochtones étaient inférieures. D’ailleurs, certains cherchaient, selon une expression devenue tristement célèbre, «à tuer l’Indien au sein de l’enfant». Aujourd’hui, nous reconnaissons que cette politique d’assimilation était erronée, qu’elle a fait beaucoup de mal et qu’elle n’a aucune place dans notre pays.»

Une histoire vraie

Le documentaire relate l’histoire véridique de Lyna Hart et de Glen Anaquod, retirés du foyer familial respectivement à quatre et six ans et forcés de s’adapter à un nouvel univers étrange et menaçant, qu’étaient les pensionnats pour les jeunes autochtones. Mêlant récit dramatique et témoignages, le film donne la parole à deux enfants pris au piège d’un système qui aura marqué leur vie à jamais.

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Très jeunes, Lyna et Glen sont retirés de leur foyer et placés dans des pensionnats dirigés par le clergé. Au traumatisme de cette expérience s’ajoutent des années de violence physique, sexuelle et psychologique vécue dans le secret, et dont les conséquences marquent encore leur vie d’adultes.

Entre documentaire et fiction, le film nous plonge dans une réalité difficile à appréhender. Veut-on vraiment voir un prêtre entrer dans un dortoir d’infirmerie où seule une petite fille dort? Veut-on le voir s’en approcher et la regarder d’une manière lubrique et méprisante? Non, mais il le faut, si l’on veut comprendre ce qu’ont vécu bon nombre de jeunes autochtones forcés d’aller dans ces pensionnats.

Pourquoi?

Plusieurs fois dans le film, le spectateur se retrouve à détourner le regard, sent aussi monter la colère et l’incompréhension. Et la question qui revient: Pourquoi? À leur arrivée au pensionnat, une fois déshabillés, les enfants subissaient plusieurs humiliations. On leur coupait les cheveux, on leur mettait des produits chimiques dans ce qui en restait, jetait à la poubelle leurs effets personnels.

Là pouvait commencer l’assimilation forcée. Interdits de parler leur langue, les plus jeunes ne pouvaient tout simplement pas communiquer avec quiconque. Le film montre clairement, même s’il faut se souvenir qu’on a à faire à un docu-fiction, la relation de supériorité des blancs sur les jeunes autochtones.

Autres temps autres mœurs, peu de peuples sur la planète sont exempts de tout reproche. Le film, tourné au Manitoba, se conclut sur quelques chiffres et surtout une date: 1996, quand a été fermé le dernier pensionnat, au Manitoba, celui que Glen Anaquod avait été forcé de rejoindre dans sa jeunesse.

Auteur

  • Guillaume Garcia

    Petit, il voulait devenir Tintin: le toupet dans le vent, les pantalons retroussés, son appareil photo en bandoulière; il ne manquait que Milou! Il est devenu journaliste, passionné de politique, de culture et de sports.

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