Commission Charbonneau: Duchesneau réclame une «médecine de cheval» contre la corruption

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Publié 19/10/2012 par Lise Millette (La Presse Canadienne)

19 oct 2012 11h20

MONTRÉAL – Pour régler les problèmes de corruption, le Québec a besoin d’une « médecine de cheval », croit Jacques Duchesneau, porte-parole en matière de Justice de la Coalition Avenir Québec (CAQ).

Devant les révélations de l’ancien fonctionnaire de la Ville de Montréal, Gilles Surprenant, devant la Commission Charbonneau, qui a confirmé l’existence d’un système de truquage des contrats municipaux, Jacques Duchesneau estime que l’évidence ne peut être niée. La corruption existe et doit être enrayée.

La CAQ réclame des décisions musclées qui mèneront à un redressement concret. Le parti refuse donc de se contenter de petites mesures, comme le plafonnement à 100 $ des dons aux partis politiques, et exhorte le gouvernement Marois à inclure aussi les partis politiques municipaux dans son train de réformes.

Il en fait une priorité, d’autant que 2013 sera une année électorale pour les villes au Québec. M.Duchesneau en fait également une question de crédibilité, estimant que la population est bien consciente de la situation et souhaite des changements.

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La CAQ aimerait aussi que les dépenses électorales soient plafonnées et que les pouvoirs des vérificateurs généraux soient étendus.

« L’incorruptible » Jacques Duchesneau, ex-responsable de l’unité anti-collusion du ministère des Transport et ex-chef de la police de Montréal, affirme que pas un jour ne passe sans qu’un citoyen ne lui fasse part de son mécontentement et de sa désillusion face à corruption.

Il entend aborder prioritairement la question dès la reprise des travaux à l’Assemblée nationale, indiquant qu’il attend le gourvernement Marois de pied ferme.

« On ne veut pas faire dérailler le gouvernement mais on ne veut pas perdre l’occasion que nous avons, avec la Commission Charbonneau et la prise de conscience de la population, de faire autre chose que de mettre seulement un diachylon sur le problème », a insisté M. Duchesneau.

Le député de la CAQ souhaite aussi que les aspirants au titre de chef du Parti libéral du Québec prennent position dans le débat.

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Surprenant admet avoir reçu des enveloppes

L’ingénieur retraité de la Ville de Montréal Gilles Surprenant, mis en cause par l’ex-entrepreneur Lino Zambito, a admis jeudi, devant la Commission Charbonneau, avoir reçu une première enveloppe d’argent de la part d’un entrepreneur en construction dès 1991. Et jusqu’à l’automne 2008, il a admis avoir touché 600 000 $ en pots-de-vin, en plus de son salaire annuel.

Selon le procureur de la commission, Me Denis Gallant, l’ingénieur a touché des pots-de-vin pour au moins 90 appels d’offres, ce qui lui a donné « autour de 580 000 $ à 600 000 $ », a admis M. Surprenant. De 1995 à 2000, il estime avoir reçu un pot-de-vin par année, puis à compter de 2000, c’est « non-stop jusqu’en 2009 », a résumé Me Gallant.

L’ingénieur Surprenant a reçu sa première enveloppe de la part de l’entrepreneur Frank Catania, de Construction Frank Catania, pour un contrat de conduite d’eau à Westmount. Il a évalué la somme alors reçue à 3000 $ ou 4000 $ au comptant.

Ingénieur pour la Ville, il avait évalué les travaux à 250 000 $ mais, au moment de l’ouverture des enveloppes, le plus bas soumissionnaire conforme, Construction Frank Catania, prévoyait 500 000 $ pour réaliser le projet.

Un employé du service des finances, dont il dit ne plus se rappeler le nom, lui a alors dit que Frank Catania voulait lui parler et qu’ils allaient aller « luncher » les trois ensemble. Au restaurant, l’ingénieur Surprenant et M. Catania restaient sur leurs positions quant au coût du projet. À la fin, M. Catania lui aurait lancé « écoutez monsieur Surprenant, les gens qui nous empêchent de manger, on les tasse ».

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M. Surprenant a avoué qu’il s’est senti « intimidé » et a « toujours eu du respect pour les entrepreneurs » depuis cet incident. Quand Me Gallant lui a demandé ce qu’il voulait dire par « respect », il a admis qu’il voulait dire « avoir peur des entrepreneurs ».

L’ingénieur a réussi à convaincre son patron d’augmenter les fonds prévus pour le projet, puis le contrat a été octroyé à 500 000 $ à M. Catania. Six semaines plus tard, l’entrepreneur lui remettait cette première enveloppe d’argent en remerciement, dans les bureaux de l’entreprise, à Brossard.

123 000 $ comptant chez lui

La Commission Charbonneau a vécu un moment surréaliste, lorsqu’un enquêteur a déposé devant elle un sac de plastique contenant 122 800 $, en coupures de 20 $, 50 $ et 100 $, soit l’argent qu’il restait à l’ingénieur Surprenant lorsque les enquêteurs se sont présentés chez lui, le 31 août dernier.

M. Surprenant a lui-même demandé à remettre l’argent aux enquêteurs, affirmant qu’il était mal à l’aise, qu’il voulait se « débarrasser » de cet argent accumulé dans sa maison durant plusieurs années, qu’il s’agissait là d’une « libération » de sa conscience.

Il affirme qu’il n’a jamais voulu se payer de luxe et a gardé le même train de vie, comme ingénieur, père séparé avec trois enfants.

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Les quelque 600 000 $ qu’il a touchés au fil des ans ont été en partie engloutis au casino. « Le plus simple que j’ai trouvé, j’ai commencé à aller au casino pour dépenser cet argent-là. C’était ma façon à moi de remettre cet argent-là dans les coffres de l’État. C’était ma façon à moi de payer un genre d’impôt », a-t-il soutenu.

Il a aussi fait faire des rénovations chez lui en payant comptant et a payé des cours à ses enfants. Il a aussi prêté une somme de 150 000 $ à l’entrepreneur Tony Conte, de Conex Construction, mais celui-ci n’a eu le temps de lui rendre que 50 000 $ avant de mourir.

M. Surprenant était très nerveux au début de son témoignage, se raclant régulièrement la gorge, le visage rougi. Mais avec l’insistance de Me Gallant, il a fini par être ébranlé, voire à avoir les larmes aux yeux, quand il a relaté que c’est lui qui a demandé aux policiers s’il pouvait leur remettre l’argent qu’il lui restait, laissant entendre qu’il a fini par éprouver des remords. « C’était juste des mauvais souvenirs », finira-t-il par dire.

Dans son témoignage, l’ancien dirigeant d’Infrabec, Lino Zambito, avait rapporté que les entrepreneurs participant au cartel des égouts devaient verser à M. Surprenant une quote-part équivalant à 1 pour cent de la valeur des contrats qu’ils décrochaient de ce département à Montréal. Il se faisait d’ailleurs surnommer « Monsieur TPS » pour Taxe pour Surprenant.

M. Zambito avait évalué avoir donné à lui seul « aux alentours de 100 000 $

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à 200 000 $ » à cet ingénieur qui s’occupait de la conception, des plans et devis dans le domaine des égouts durant les années où il a décroché des contrats à Montréal.

M. Zambito, dont la compagnie a depuis fait faillite, a aussi témoigné du fait qu’il avait invité l’ingénieur Surprenant dans une villa au Mexique dont son père était actionnaire. Des photos ont d’ailleurs été déposées en preuve. Il a aussi soutenu l’avoir invité à des tournois de golf.

Site Internet de la Commission Charbonneau

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D’autres reportages de la Presse Canadienne sur les audiences de la Commission Charbonneau.

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