Le Canada frôle l’isolement au XIe Sommet de la Francophonie

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Publié 03/10/2006 par Aurélie Lebelle

Bucarest a accueilli, jeudi et vendredi derniers, le XIe Sommet de la Francophonie. Dans un contexte politique international tendu au sortir de la guerre israélo-libanaise, l’Organisation internationale de la Francophonie (OIF) a tenu à se positionner vis-à-vis des crises actuelles pour afficher un discours en faveur de la paix et de la solidarité.

Pourtant, le Canada et son Premier ministre Stephen Harper, ont été plusieurs fois au cœur de conflits internes liés au Liban et qui ont animé le sommet. Alors que l’on a frôlé l’isolement du Canada au sein de la Francophonie, l’Ontario conserve toujours son statut d’observateur non officiel et reste véritablement le reclus de l’histoire.

La délégation canadienne faisait fière allure à son arrivée à Bucarest pour le XIe Sommet de la Francophonie. Stephen Harper en tête, Jean Charest et Bernard Lord suivaient et représentaient respectivement le Québec et le Nouveau-Brunswick, deux provinces membres de plein droit de la Francophonie, en plus du Canada.

Loin derrière, Madeleine Meilleur, ministre déléguée aux Affaires francophones en Ontario, représentait le gouvernement libéral de Dalton McGuinty.

L’Ontario, dont le statut d’observateur non officiel ne permet pas d’assister aux huis clos, ne fait toujours pas partie des membres de l’OIF. Une situation qui attise les critiques.

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«Nous avons fait une demande au gouvernement fédéral mais nous n’avons pas obtenu de réponse», explique Madeleine Meilleur avant d’ajouter: «Dans les années 80, de nombreuses provinces ont été acceptées mais aujourd’hui c’est plus difficile de rentrer dans ce cadre-là».

L’adhésion d’une province, possible dans un premier temps par la validation de son pays, n’a toujours pas atteint ce stade pour l’Ontario.

L’absence de Dalton McGuinty lors du Sommet a également fait beaucoup jaser puisque le Premier ministre avait promis, lors sa campagne électorale en 2003, qu’il ferait tout pour que l’Ontario fasse partie de la Francophonie. En 2006, l’Ontario est toujours au point mort.

«Le Premier ministre McGuinty n’est pas allé au Sommet car l’Ontario n’est pas un participant de plein droit», explique Mme Meilleur pour avaliser l’absence de son Premier ministre. Le cabinet de Dalton McGuinty a quant à lui précisé que le Premier ministre n’avait pas pu se rendre au Sommet à cause d’un «agenda trop chargé».

Pour certains, la présence de M. McGuinty aurait prouvé son attachement à la francophonie et aurait pu d’autant plus manifester la volonté ontarienne d’adhérer à l’OIF.

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Le XIe Sommet, qui a permis à neufs États d’adhérer à la Francophonie et qui compte désormais 72 membres, n’a jamais mentionné l’Ontario comme membre éventuel à venir. Pourtant, alors que l’entrée de nouveaux pays pose le problème de la légitimité de l’organisation francophone, la province canadienne pourrait un jour participer de plein droit à l’OIF puisqu’elle comprend une vaste communauté francophone de plus de 500 000 âmes. Néanmoins, les 4,4% qu’elle représente sont loins derrière les 32,9% du Nouveau-Brunswick ou les 81,2% du Québec. L’Ontario n’est pas une province phare de la francophonie mondiale même si les Franco-Ontariens revendiquent avec ferveur leur statut francophone.

Même si l’adhésion de l’Ontario n’est pas encore d’actualité, la province a été remarquée pour son exposition au kiosque du Canada. «Le thème du Sommet était les nouvelles technologies de l’information dans l’éducation, explique Mme Meilleur. Nous avons proposé de beaux outils pour aider l’alphabétisation grâce à TFO et au ministère de l’Éducation. L’exposition ontarienne présentée au kiosque du Canada a été très visitée et de nombreux chefs d’États ont souligné son intérêt. Nous sommes très heureux car nous avons beaucoup à offrir aux pays en développement. Le gouvernement du Canada était fier de l’Ontario.» Point positif pour la province qui obtiendra peut-être d’ici quelque temps son ticket pour -l’adhésion.

Tandis que l’Ontario restait isolé de toutes les réunions à huis clos, le Canada a failli créer une crise et s’isoler au sein de l’Organisation. Au fil du Sommet, les allusions et commentaires des dirigeants politiques ont fusé à propos de la guerre israélo-libanaise.

Alors qu’un conseiller de Stephen Harper déclarait au début du Sommet que le Canada ne pouvait «pas être isolé» car il défendait la position du G8, la vision américaine pro-israélienne de Stephen Harper a causé quelques tensions. La charge du ministre de la Culture libanais Tarek Mitri, qui répondait à la déclaration d’Harper précisant que la riposte israélienne aux attentats du Hezbollah était «mesurée», a déclenché une vague de tensions.

Le Premier ministre canadien, qui s’est empressé de calmer les choses en insistant pour que l’OIF «fasse sa part en faveur de l’apaisement des tensions dans la région», est pourtant revenu au cœur des débats lors de la réunion à huis clos portant sur la déclaration concernant le Liban.

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Le Canada, soutenu par la Suisse, a refusé un amendement proposé par l’Égypte en précisant que toute mention des victimes devait inclure les victimes israéliennes. Jean Charest a servi d’intermédiaire et a proposé une suspension des délibérations lorsque le ton est monté trop haut. «On a trouvé les bons mots à la fin», précise-t-il.

Pourtant, la crise a frôlé l’isolement du Canada et a rendu bancale la Francophonie pendant quelques heures. Alors que l’OIF prône avec ferveur la paix et la solidarité, les tensions qui se sont manifestées lors du Sommet prouvent qu’une entente linguistique est probablement un leurre. La langue française n’a pas réussi à réunir les membres dans un climat calme et favorable aux délibérations.

Reste à savoir si le XIIe Sommet, qui se tiendra en 2008 à Québec, parviendra à consolider davantage la Francophonie. Déjà, des problèmes internes d’organisation font surface. Qui du provincial ou du fédéral recevra le Sommet?

«On va en discuter, mais ce sera un partenariat, souligne Jean Charest, Premier ministre du Québec. Les statuts qui régissent la Francophonie prévoient que c’est un pays hôte qui reçoit. Mais au-delà des statuts, il y a un partenariat qui doit se faire et se concrétiser entre le Québec et le gouvernement du Canada.» Le point de vue de Dimitris Soudas est nettement différent puisque pour le porte-parole de Stephen Harper, «le Canada est responsable de ce sommet!». La bataille entre le gouvernement fédéral et provincial risque de faire parler d’elle.

Pour Madeleine Meilleur, la venue de la Francophonie au Québec ne peut être que bénéfique pour la province. «Cela permettra d’inviter des membres à venir en Ontario et de voir la francophonie ontarienne», explique-t-elle. Le XIIe sommet permettra peut-être de mettre un peu plus l’Ontario sur le devant de la scène francophone pour, qui sait, le voir un jour être membre de plein droit de la Francophonie.

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