Manger de la viande est loin d’être aussi mauvais que fumer

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Publié 16/08/2017 par Ève Beaudin

Manger de la viande est-il aussi mauvais pour la santé que de fumer la cigarette, comme le suggère le documentaire What the Health? diffusé sur Netflix cet été.

Dès les premières minutes, Kip Andersen, coréalisateur et protagoniste du film, rapporte que l’Organisation mondiale pour la santé (OMS) a classé les viandes transformées dans le groupe des cancérogènes avérés, au même titre que la cigarette, l’amiante et le plutonium.

Manger une portion quotidienne de bacon, par exemple, augmenterait les risques d’avoir un cancer colorectal de 18%, rapporte-t-il. La viande rouge n’est pas non plus épargnée: elle ferait partie du groupe des cancérogènes probables et augmenterait le risque de souffrir de ce même cancer de 17%.

Inquiété par ces données, Kip Andersen se remémore son enfance à consommer hot-dogs, bacon et pizzas au pepperoni. Et pendant que défilent à l’écran des images fantaisistes de parents qui servent des cigarettes à leurs enfants, le réalisateur se demande: «est-ce l’équivalent d’avoir fumé durant toute mon enfance?».

En bref, la réponse est non! Même si les viandes transformées font partie des composés pour lesquels on détient des preuves irréfutables qu’ils augmentent les risques de cancer, il est exagéré de conclure que d’en manger est aussi nocif pour la santé que de fumer la cigarette.

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Moins cancérigène

En 2015, le Centre international de recherche sur le cancer (CIRC, attaché à l’OMS) a classé la viande rouge parmi les «cancérogènes probables» et les charcuteries — c’est-à-dire les viandes transformées par salaison, fumaison, fermentation ou autres procédés visant à en rehausser leur saveur — parmi les «cancérogènes avérés», au côté du tabac, de l’amiante, de l’arsenic et du plutonium.

Qu’est-ce que cela signifie? Tout simplement que les preuves scientifiques liant le cancer et la consommation quotidienne de viande transformée sont aussi fortes que celles liant cigarette et cancer.

Toutefois, cela ne signifie pas que consommer des viandes transformées est aussi cancérigène que fumer la cigarette. En effet, ce n’est pas parce que deux substances se retrouvent dans une même catégorie qu’elles ont le même niveau de risque.

À la défense de Kip Andersen, il n’est pas le seul à avoir mal interprété la classification du CIRC. Pourtant, il s’agit d’une information facile à vérifier. Il suffit de se rendre sur le site internet de l’OMS pour lire les explications concernant la classification et ce qu’elle signifie. L’information y est claire: consommer de la viande transformée n’est pas aussi cancérigène que fumer.

Risque relatif

Qu’en est-il du niveau de risque? Après une analyse des données provenant de 10 études sur les viandes transformées, le CIRC a conclu que pour chaque portion quotidienne de 50 grammes (l’équivalent de deux tranches de jambon) le risque de cancer colorectal augmente de 18%.

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Pour ce qui est de la viande rouge, même si les preuves sont moins fortes, le CIRC estime que le risque de cancer colorectal pourrait augmenter de 17% pour chaque portion de 100 grammes de viande rouge consommée par jour.

17 ou 18% d’augmentation du risque peut sembler élevé, mais il s’agit d’un risque dit «relatif» qu’il faut mettre en perspective:

– Aujourd’hui, le risque d’une personne de développer un cancer colorectal pendant sa vie est d’environ 5%.

– On vient d’apprendre que si elle mange 50 grammes de viandes transformées par jour, cela accroît ce risque de 18%.

– Faisons le calcul: 18% de 5% égalent 0,9%. Autrement dit, son risque d’avoir un tel cancer augmente de moins de 1%.

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– Conclusion: consommer une ration quotidienne de viande transformée fait passer le risque à vie de contracter un cancer colorectal de 5 à 5,9%.

Le résultat est similaire pour la consommation quotidienne de 100 grammes de viande rouge.

Le tabac bien pire

Bien entendu, plus on consomme de viandes transformées ou de viande rouge quotidiennement, plus ce risque augmente, mais cela n’a rien à voir avec les risques associés à la cigarette.

En comparaison, les fumeurs sont à peu près 20 fois plus susceptibles de développer un cancer du poumon que les non-fumeurs. Et plus une personne fume longtemps et plus elle fume de cigarettes chaque jour, plus son risque personnel augmente.

Pour se faire une idée plus précise du risque de cancer par la cigarette, reprenons les données du Centre britannique de recherche sur le cancer (Cancer Research UK) qui estime que le tabagisme cause 86% des cancers du poumon en Grande-Bretagne, alors que la consommation de viandes transformées et de viande rouge serait responsable de 21% des cancers colorectaux.

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Selon cette institution, si tout le monde cessait de fumer, il y aurait 65 000 cas de cancer du poumon de moins par année, alors qu’on éviterait 8 800 cancers colorectaux si tous les consommateurs arrêtaient de manger des viandes transformées et la viande rouge.

Bien entendu, 8 800 cas de cancers colorectaux en moins par année restent un nombre considérable. Il n’en demeure pas moins que ce nombre est sept fois moins important que celui des cas de cancers du poumon liés à la cigarette.

On peut penser que l’intention des réalisateurs de ce documentaire était d’expliquer l’incidence de l’alimentation sur la santé. Provoquer un débat sur les méfaits d’une trop grande quantité de viande dans l’alimentation nord-américaine, par exemple, est tout à fait légitime. La promotion des bienfaits associés à l’alimentation végétarienne ou végétalienne l’est tout autant.

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Auteur

  • Ève Beaudin

    Journaliste à l'Agence Science-Presse, média indépendant, à but non lucratif, basé à Montréal. La seule agence de presse scientifique au Canada et la seule de toute la francophonie qui s'adresse aux grands médias plutôt qu'aux entreprises.

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