Un juge bloque la destruction du registre des armes à feu

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Publié 11/09/2012 par Fannie Olivier (La Presse Canadienne)

à 17h21 HAE, le 10 septembre 2012.

OTTAWA – Ottawa ne peut pas appuyer sur le bouton «supprimer» et effacer les données du registre des armes à feu. Du moins, pas pour l’instant.

La Cour supérieure a accordé au gouvernement du Québec une injonction permanente visant à empêcher la destruction des données du registre national des armes longues qui ont été colligées au fil des années dans la province.

Il s’agit d’une victoire majeure pour Québec et les groupes en faveur du contrôle des armes à feu dans leur croisade contre le gouvernement conservateur sur la question. Mais s’ils ont remporté une manche, rien n’indique qu’ils ont gagné la partie car Ottawa risque de porter cette décision en appel.

Dans un jugement étoffé de 42 pages, le juge Marc-André Blanchard a déclaré lundi inopérant l’article 29 de la loi modifiant la Loi sur les armes à feu, mais uniquement quant aux données provenant du Québec.

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Il a noté au passage qu’Ottawa désire non seulement la destruction des données, mais aussi empêcher tout autre ordre de gouvernement d’utiliser les données du registre. Cela représente à ses yeux «un exercice abusif de la compétence en matière de droit criminel pour envahir un domaine de compétence provincial».

Même si le droit criminel relève du fédéral, le registre découle d’un «partenariat» avec les autres paliers de gouvernement, a expliqué le juge Blanchard.

Le magistrat adopte un ton dur envers Ottawa. «On doit conclure que l’article 29 de C-19 empiète de façon très substantielle, même exorbitante sur les pouvoirs des provinces et qu’il n’existe aucune justification rationnelle ou fonctionnelle ou aucune nécessité à ce faire.»

Le fédéral devra fournir les données

La Cour oblige ainsi le gouvernement fédéral à fournir au Québec toutes les données provenant du Québec ou qui concernent des citoyens du Québec, dans un délai de 30 jours.

Le tribunal impose également à Ottawa de continuer d’enregistrer, jusqu’au transfert des données, toute cession d’une arme à feu d’un résident du Québec.

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Les groupes militant pour le contrôle des armes à feu sont particulièrement ravis du fait que le jugement Blanchard soit sans équivoque. Ils ont tenu à rappeler cependant que la victoire n’était pas complète, parce que les données allaient être détruites malgré tout au niveau national en raison de C-19.

«C’est un baume, mais en même temps, la destruction du registre national, c’est une grande grande perte», a fait valoir Nathalie Provost, survivante du massacre de Polytechnique en 1989. «Comme il y a libre circulation des biens et des personnes à travers le Canada, ça affaiblit beaucoup le registre que d’en n’avoir un qu’au niveau provincial.»

Les conservateurs déçus

À Ottawa, la réaction ne s’est pas faite attendre. Dans un communiqué rédigé seulement en anglais, puis envoyé en français quelques heures plus tard, le ministre de la Justice Rob Nicholson s’est dit «déçu» du jugement, ajoutant qu’il allait le réviser en profondeur.

«Notre gouvernement conservateur va continuer à lutter contre toute mesure qui cible inutilement les honnêtes chasseurs, agriculteurs et tireurs sportifs», a-t-il déclaré.

«On s’est fait élire avec le mandat d’éliminer ce registre-là qui est coûteux et inefficace», a renchéri son collègue, Christian Paradis. «Et puis là, on n’est pas en mesure de compléter notre mandat avec une telle décision.»

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À l’inverse, le ministre québécois de la Justice, Jean-Marc Fournier, s’est dit «heureux que le Québec ait gagné cette bataille».

Les mots choisis de part et d’autre par ces ministres laissent présager une suite à cet épisode avec un éventuel appel du gouvernement fédéral. Ce dernier n’a toutefois pas confirmé jusqu’à présent avoir l’intention de s’adresser de nouveau aux tribunaux. Il a un mois pour le faire.

L’Ontario appuie le Québec

La ministre ontarienne de la Sécurité communautaire et des Services correctionnels, Madeleine Meilleur, a applaudit le verdict.

Tout comme le Québec, l’Ontario souhaitait le maintien du registre fédéral, dont les policiers se servent «plusieurs centaines de fois par jour», selon Mme Meilleur, pour savoir s’il y a une arme à feu là où ils doivent se rendre.

Le gouvernement de l’Ontario n’a pas l’intention de recréer un registre, mais lui aussi aimerait conserver les données fédérales.

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Les groupes de victimes de crime par arme à feu et leurs proches ne se font peu d’illusion à cet effet et s’attendent à ce que les conservateurs affichent leurs couleurs d’un jour à l’autre.

«Ils ont toujours agi de mauvaise foi, ils n’ont jamais été prêts à faire de compromis. Le priorité a toujours été de plaire au lobby des armes à feu avec un mépris total pour la sécurité publique», a déploré Heidi Rathjen, de Polysesouvient.

C’est également l’avis de la porte-parole néo-démocrate en matière de justice, Françoise Boivin. «Est-ce que ça sert les intérêts des Canadiens de continuer à s’obstiner juste parce qu’on déteste tellement cet outil-là», a-t-elle illustré. Selon elle, si le gouvernement de Stephen Harper voulait démontrer qu’il pratique un fédéralisme d’ouverture, il devrait lâcher prise dans ce dossier.

Plus de 90 pour cent des armes enregistrées au Québec sont des armes d’épaule.

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