Avec Mon meilleur ami, Leconte y est!

Partagez
Tweetez
Envoyez

Publié 19/09/2006 par Aurélie Lebelle

Un homme svelte, la cinquantaine finissante, aux cheveux noirs et lunettes fines, entre dans la suite du Manulife Center, le sourire aux lèvres. Le regard attiré par les délicieux muffins, il s’empresse d’en grignoter un. «À la carotte, ce sont les meilleurs!» s’exclame-t-il enjoué. Patrice Leconte est le réalisateur français du film Mon meilleur ami, sélectionné pour le festival international du film de Toronto dans la catégorie gala. À l’origine de nombreuses comédies à succès, comme la trilogie du film culte Les bronzés, le réalisateur revient sur le devant de la scène cinématographique avec une comédie sur l’amitié.

En aparté, l’homme dégage une pointe de timidité mais l’expression sympathique de son visage ne disparaît pas. Lorsqu’il évoque l’atmosphère du tournage, il insiste pour que «tout soit léger comme du champagne». «Je veux que l’on fasse le travail sérieusement mais que l’on ne se prenne pas au sérieux. J’espère toujours que cette humeur sur le tournage qui est si importante transparaîtra à l’écran.»

La veille, le public découvrait Mon meilleur ami en première mondiale. «C’était la vraie première projection dans le monde, explique-t-il, et c’est plus important que jamais.» L’accueil torontois a visiblement été à la hauteur. Une lueur de joie passe dans le regard du réalisateur à l’évocation de la soirée.

«Hier, c’était vraiment une soirée formidable, pas seulement parce que les gens vous applaudissent mais pendant la projection, on sent quand une salle suit un film, il y a quelque chose de palpable dans l’air et là ils suivaient le film au centimètre.»

Patrice Leconte est un habitué du festival puisque Mon meilleur ami est son cinquième film sélectionné. «Il n’y a pas de réelle pression, de jury, d’enjeux faramineux. Si ce n’est que si le film est un peu remarqué ici, c’est très important pour l’Amérique du Nord.» Le professionnel souligne avec délicatesse les enjeux du festival: bien que l’atmosphère soit définitivement détendue, l’aspect commercial n’en est pas moins présent.

Publicité

En évoquant son film, Patrice Leconte est véritablement passionné. On sent clairement les heures passées à travailler et les nuits blanches qui se sont succédées pour aboutir à un tel résultat. Le scénario, qui retrace l’histoire d’un homme à la vie professionnelle brillante mais qui n’a aucun ami (Daniel Auteuil), soulève le problème de l’amitié sincère. La rencontre de cet homme avec un chauffeur de taxi à la gentillesse inégalable (Dany Boon) va bouleverser sa vie et chambouler sa vision de l’amitié.

«Est-on toujours sûr d’avoir un ami?» Voilà comment Patrice Leconte décide de résumer son film en quelques mots, par une impression, un sentiment. La question interroge un vaste sujet de société que le réalisateur ne se lasse pas de commenter.

«Je crois que l’illusion de l’amitié est quelque chose dont on ne se rend pas toujours compte et qui nous concerne tous directement. C’est une situation sentimentale qui s’aggrave car les gens n’ont jamais autant communiqué entre eux avec les moyens modernes et ils n’ont jamais communiqué si peu avec les gens qui sont proches d’eux. Cela me fait froid dans le dos, cette illusion de la communication.»

Transporté par ses propres mots, il s’arrête, souri et espère ne pas gâcher ma journée avec ses pensées négatives. Je lui demande si lui-même croit avoir un meilleur ami. Sans réfléchir, il avoue «non, je n’en ai pas. Je ne sais pas vraiment ce que c’est que d’avoir un meilleur ami à qui l’on peut se confier. Je me suis bien retrouvé dans le rôle de Daniel Auteuil».

Afin de conclure une discussion qui tend davantage vers l’analyse freudienne que vers une entrevue normale, je rebondis sur Daniel Auteuil. Le choix des acteurs s’est-il imposé immédiatement? «J’ai tout de suite eu envie de Daniel Auteuil. Déjà parce que l’on se connaît bien et j’adore cet acteur mais aussi et surtout car pour moi, que Daniel Auteuil joue ce personnage qui n’a pas d’ami, c’était saisissant. Il n’a pas cette image-là, il est ouvert et chaleureux normalement.»

Publicité

On sent bien le lien très fort qui unit les deux hommes. De multiples films tournés ensemble n’ont pu que laisser des souvenirs dans les mémoires. Ému, Patrice Leconte évoque son meilleur souvenir du tournage: «Daniel Auteuil est arrivé, on s’est dit bonjour et le film a commencé. Et il y avait vraiment ce sentiment de se retrouver comme si l’on s’était dit au revoir avant hier alors que l’on avait pas travaillé ensemble depuis La Veuve de Saint-Pierre (sorti en 2000). C’est agréable lorsque l’on retrouve les gens et que ça glisse tout seul. C’est comme si c’était facile.»

Quant à Dany Boon, «sa candeur et sa naïveté» ont plu au réalisateur: «ce rôle était parfait pour lui car ce mec franc, normal, ouvert aux autres lui colle à la peau».

Le regard toujours aussi pétillant, Patrice Leconte évoque ses projets cinématographiques. Quelle surprise nous prépare-t-il, la caméra à la main? «Je vais encore faire un film que je vais tourner en avril et un autre que je vais faire aux États-Unis qui sera une nouvelle adaptation de Monsieur Hire que j’avais fait il y a longtemps. Je vais encore faire deux ou trois films et je vais arrêter. Je ne vais plus réaliser de films pendant très longtemps.»

Prise de cours, une seule question me vient à l’esprit, pourquoi? Sans prendre un ton attristé à l’annonce de son futur départ, Patrice Leconte explique: «Je travaille tout le temps, je ne sais pas me ralentir. Il faut donc que j’arrête.» Je lui avoue ne pas trop y croire. Quel passionné peut littéralement renoncer du jour au lendemain? Il sourit, comme toujours. «Les gens qui me connaissent me disent que je n’arrêterai jamais donc j’en parle beaucoup pour être obligé de le faire. Je veux continuer à travailler dans ce métier mais pas pour tourner des films. Je veux mettre en scène du théâtre.»

Un faux départ pour le début d’une nouvelle aventure en quelque sorte. Les amateurs des films de Patrice Leconte seront donc rassurés: en attendant la retraite cinématographique du réalisateur, ils peuvent attendre un peu pour voir sa dernière comédie, Mon meilleur ami. Plaisir garanti!

Auteur

Partagez
Tweetez
Envoyez
Publicité

Pour la meilleur expérience sur ce site, veuillez activer Javascript dans votre navigateur