Le directeur parlementaire du budget outrepasserait son mandat

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Publié 19/06/2012 par Bruce Cheadle (La Presse Canadienne)

à 20h18 HAE, le 19 juin 2012.

OTTAWA – Le directeur parlementaire du budget (DPB), un poste créé par le gouvernement conservateur en 2006, a outrepassé son mandat, a déclaré mardi le ministre des Affaires étrangères, John Baird.

L’actuel DPB, Kevin Page, a publié cette semaine un avis juridique indiquant que 64 ministères et organismes fédéraux enfreignaient présentement la loi en ne lui remettant pas certains renseignements élémentaires.

Dans l’avis, des avocats rappellent que la Loi sur le Parlement du Canada exige que le gouvernement fédéral fournisse les données financières et économiques au DPB en temps opportun.

M. Baird n’a pas directement discuté de l’avis juridique à la Chambre des communes mais, questionné par le Nouveau Parti démocratique (NPD), il a toutefois laissé entendre que M. Page avait dépassé les bornes.

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«Avec tout le respect que je lui dois, je pense qu’il arrive parfois au directeur parlementaire du budget d’outrepasser son mandat», a affirmé John Baird.

Le ministre des Affaires étrangères, qui remplaçait le premier ministre Stephen Harper en son absence, a ajouté que les conservateurs croyaient en l’efficacité des mécanismes de communication de données budgétaires qu’ils avaient pourtant estimés inadéquats il y a six ans.

«Je m’engage à ce que le gouvernement continue à fournir au Parlement, par le biais des estimations, des estimations supplémentaires, des rapports trimestriels et des comptes publics, tous les renseignements financiers dont il a besoin pour faire son travail», a-t-il indiqué.

Analyse indépendante

Créé en vertu de la Loi fédérale sur la responsabilité en 2006, le DPB a pour mission de fournir une analyse indépendante de l’état des finances du pays ainsi que des dépenses gouvernementales pour les programmes présents et proposés.

«En établissant une autorité parlementaire pour le budget, la loi assurera que les comités parlementaires auront accès à des analyses indépendantes et objectives sur les questions économiques et fiscales», avait expliqué M. Baird à un comité en mai 2006.

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Diane Ablonczy, qui était à l’époque secrétaire parlementaire du ministre des Finances, avait déclaré à la Chambre des communes en avril 2006 que le nouveau poste de DPB permettrait d’avoir une idée de la situation financière réelle du pays.

«Parce que les chiffres qui ont été donnés aux Communes dans différentes circonstances n’étaient pas, disons-le, aussi fiables qu’ils auraient dû l’être, nous mettrons en place un nouveau moyen de vérifier et de faire contrepoids», avait précisé Mme Ablonczy.

Mais depuis, le gouvernement conservateur s’est souvent disputé avec Kevin Page, le ministre des Finances, Jim Flaherty, allant même jusqu’à dire qu’il n’était ni fiable, ni crédible.

Refus de coopérer

Même si les conservateurs ont critiqué le travail d’analyse de M. Page par le passé, c’était la première fois mardi qu’ils suggéraient que le DPB n’avait pas le droit d’examiner les livres alors que c’est la raison d’être du poste.

Kevin Page veut savoir combien d’employés seront mis à pied et quels programmes seront supprimés dans le cadre des coupes budgétaires du gouvernement pour 2012 afin de vérifier si les économies annoncées sont réalistes.

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Seulement 18 des 82 organismes fédéraux ont répondu à sa demande. Le puissant greffier du Conseil privé a ensuite informé le DPB qu’il ne recevrait aucun autre renseignement avant que les employés concernés ne soient avisés de leur licenciement cet automne.

Pendant ce temps, la majorité conservatrice a adopté le projet de loi budgétaire lundi, qui doit maintenant être approuvé par le Sénat.

Le chef du NPD, Thomas Muclair, a qualifié le commentaire de John Baird sur le mandat du DPB comme un avertissement adressé à Kevin Page parce qu’il a fait la pire erreur, soit de ne pas dire aux conservateurs ce qu’ils veulent entendre et d’essayer de communiquer la vérité à la population.

Bob Rae, le leader libéral, a pour sa part déclaré que les propos de M. Baird relevaient de la diffamation et n’avaient aucun fondement. Il a ajouté que les conservateurs sabordaient l’autorité et l’indépendance de quelqu’un qu’ils avaient eux-mêmes nommé.

64 ministères et agences

L’avis juridique commandé par Kevin Page conclut que 64 ministères et agences du gouvernement fédéral agissent illégalement en retenant l’information qu’il réclame. Seulement 18 des ministères et agences approchés lui ont fourni les précisions réclamées.

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Le dernier budget fédéral, dont la loi de mise en oeuvre devait être adoptée lundi soir, retranche 5,2 milliards $ dans les dépenses du gouvernement. M. Page réclamait les détails de ces compressions budgétaires.

Dans son avis juridique, l’expert constitutionnel Joseph Magnet, professeur à l’Université d’Ottawa, conclut que les réfractaires violent la Loi sur le Parlement du Canada.

Depuis l’annonce des compressions budgétaires et des quelque 19 000 pertes d’emplois qui les accompagnent, le gouvernement fédéral a refusé d’être plus précis, prétextant les limites imposées par les conventions collectives. Les employés doivent être informés d’abord, soutient-il.

Ce refus a aussi été servi à M. Page le 15 mai dernier lorsque le greffier du Conseil privé lui a répondu au nom des administrateurs généraux des ministères restés silencieux jusque-là.

L’expert retenu par M. Page a examiné les trois conditions que le Directeur parlementaire du budget doit respecter lorsqu’il demande de l’information au gouvernement dans le but de faire une analyse indépendante de la gestion financière du pays.

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«Puisque l’information demandée par le DPB constitue des données financières ou économiques qui sont nécessaires à l’exercice de son mandat et puisqu’il ne s’agit pas de renseignements personnels — dont la communication est restreinte par la Loi sur l’accès à l’information —, ni de renseignements figurant dans un document confidentiel du cabinet, les administrateurs généraux sont tenus de répondre à la demande du DPB», écrit Me Magnet.

Il s’agit, selon l’expert, d’une «obligation légale». De plus, la communication de l’information demandée doit se faire «en temps opportun».

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